Longtemps fan de l'acteur (mais aussi de ses émissions culinaires à travers le monde), voici plusieurs années que je m'intéresse plutôt à ses écrits dont il émane une grande sincérité (ce qui est particulièrement rare dans ce milieu).
Alors, clairement, on aime ou on n'aime pas Depardieu.
Si on l'aime, on aura plaisir à le découvrir souvent "brut de décoffrage" au travers d'une verve tout à lui. Si on ne l'aime pas, on ne peut que vous recommander de passer votre chemin.
Certes, il a souvent un comportement de "cabot" mais n'est-ce pas là l'un des aléas d'une exposition excessive ? Certes, on lui reproche des frasques pas toujours moralement acceptables, mais pourquoi lui jeter l'opprobre à lui plutôt qu'à tous les autres qui en font tout autant sans que jamais ils ne soient inquiétés ? Pour cause d'exemplarité ? Qui est exemplaire dans ce bas-monde ?
Eh bien, moi, je vous le dis. On apprend beaucoup à partager les écrits de
Gérard Depardieu. En premier lieu, c'est écrit comme il parle... On a vraiment l'impression de l'avoir en face de soi, d'entendre le rythme et la chaleur et sa voix et ça c'est précieux !
En second lieu, il est à un âge (73 ans) qui permet toutes les introspections (ce dont il ne se prive pas) tout en sachant pertinemment qu'il n'a plus rien à prouver à personne, d'où la sincérité de son propos. Il se fiche de son image, il se fiche du préjudice possible pour sa "carrière", il se fiche de la politique pour ne s'intéresser plus qu'à son rapport à l'autre, celui qui ne le connaît pas, celui qui n'a rien, mais aussi celui qui lui apporte tant.
En troisième lieu, on le découvre grand voyageur, extrêmement cultivé (chanson, littérature, peinture, etc.), sensible à la spiritualité et au don de soi, portant un regard plus que lucide sur l'hypocrisie du monde et des hommes (vision géopolitique internationale, positionnement des USA, ses liens avec la Russie).
On pourrait penser que ce livre au titre évocateur
INNOCENT est pour Depardieu un plaidoyer pour se défendre des nombreux "crimes" dont on l'accuse. Il n'en est rien. A travers ce livre, il met en avant la nécessité de retrouver, pour tout un chacun, l'innocence première des enfants, celle qui leur permet de s'émerveiller de la beauté du monde et de la nature, celle qui permet de côtoyer l'autre sans jugement, celle qui permet de donner sans calcul plutôt que de recevoir.
Il dit, en effet, en 4e de couverture :
"Je revendique complètement ma connerie et mes dérapages. Parce qu'il y a là quelque chose de vrai. Et si on ne dérape jamais, c'est souvent qu'on est un peu con. Je ne maîtrise rien, je ne fait que suivre, et parfois supporter mon amour de la vie des autres. Un amour qui, comme disait
François Truffaut, est à la fois une joie et une souffrance.
Je ne cherche pas à être un saint. Je ne suis pas contre, mais être un sain, c'est dur. La vie d'un saint est chiante. Je préfère être ce que je suis. Continuer à être ce que je suis. Un
innocent."
Avant d'arriver à cette conclusion, il nous fait partager ses réflexions sur diverses thématiques : l'amitié, le monde du cinéma, la politique, ce qui le fait vibrer et le rend
vivant, la capacité de l'homme à détruire et à se détruire, la religion, ses liens avec ses proches, son rapport à la maladie et à la mort, la nécessité de conjuguer sa vie seulement au temps PRESENT !
Vraiment un livre très intéressant à l'image de l'homme qui, trop souvent s'efface derrière le masque de l'acteur.