Tiens donc, Alzheimer doit me guetter puisque ma critique n'a soit jamais été publiée, soit disparue. Ou bien j'ai oublié de valider, comme cela m'arrive souvent après avoir rédigé... Donc je la remets ici...
Dans ce tome, on retrouve Gurdan du tome 17 et de l'ordre du malt, et
Nicolas Jarry se la joue "intervilles"...
Même si c'est de nouveau ce personnage qui est à l'honneur, l'album s'intitule Borogam du malt et je tenterai de comprendre pourquoi un peu plus loin.
Dès les premières pages et même lignes, on devine que Jarry nous conte là le baroud d'honneur de Gurdan. Celui ci ne se battra pas une dernière fois contre des Trollars ou autres viandars mais bien pour garder ces terres, ou pour le moins assurer la relève, assurer à sa descendance la continuité de l'ordre du malt et rester maître de ces terres.
Donc Jarry se la joue "intervilles", sans
Guy Lux, sans
Zitrone et sans la vachette, mais intervilles quand même en opposant les cinq concurrents représentant le village de Gurdan face à ceux de celui qui incarne le grand capital, le Talion, dont les crocs et les griffes, et les ambitions, ne sont là que pour s'emparer des terres de Gurdan par tous les moyens, y compris les plus radicaux.
C'est donc lors d'un concours réparti sur cinq épreuves (emblématiques du peuple Nain) que devront remporter Gurdan et ses compagnons pour empocher les 100000 talions nécessaires au remboursement de la dette contractée auprès de Kurgill (le capital donc!), et ainsi garder leurs terres.
Il est amusant et à la fois tragique de noter que les derniers espoirs de Gurdan reposent dans un simple jeu, et que tous les villageois sont tellement au bord du désespoir, qu'ils ont, pour les uns, emprunter à l'acheteur, pour les autres, mis le feu à leurs propres demeures. C'est d'autant plus tragique que l'origine de tout cela est une simple méprise, comme quoi les Nains ont la caboche dure.
Au cours des dites épreuves, on assiste donc aux derniers jours, aux dernières heures de Gurdan, qui est bien conscient d'être vieux, et qui cherche donc à passer le relai. Mais un nain digne de ce nom ne se contente pas d'attendre la mort bien sagement, mais bien au combat, sauf que pour Gurdan, celui ci ne se fera pas sur un champ de bataille mais bien dans un champ d'orge...
On retrouve au passage la présence sous jacente, et portant le récit, des thèmes de la filiation, de l'importance de la famille et de la transmission intergénérationnelle, thèmes de prédilection de l'auteur dans cette série au moins... Ici la famille prend un sens élargie, au sens où, finalement, c'est d'abord le petit groupe de Gurdan, dont certains sont parents, ensuite le village d'Obré dans son entièreté, finalement sans doute, tout le peuple nain.
Nicolas Jarry fait encore là preuve d'une maîtrise exemplaire. Chaque élément du scénario est à sa place dans une progression minutieuse vers le dénouement, qui est loin d'être inattendu, car tout le long du parcours, Jarry dispose des éléments, des indices qui n'en sont pas (Gurdan renoue avec sa passade de jeunesse pour une dernière passe, il prépare son neveu, il fume une dernière pipe, boit une dernière pinte, et court sa dernière course, qui le mènera face à Yjdad!), dont le seul objectif est de nous préparer à la fin. Jarry prépare le lecteur tout comme Gurdan prépare son propre départ et ses proches.
Mais c'est surtout le message qu'il fait passer dans les mots et les actes de son personnage qui sont importants. C'est à la fois qu'une terre appartient à celui qui la cultive (cette simple phrase mise en perspective des rapaces du Talion prend tout son sens) et que tout ce qui compte, c'est la communauté. Quelles que soient les épreuves, les différences, les divergences, on doit rester soudé et c'est cela qui nous fait vivre. C'est tout ce qu'il nous reste face au grand capital qui veut tout nous prendre...
Encore un grand album de Monsieur
Nicolas Jarry...!
Voilà j'ai fini...