A l'heure de la sieste, j'ai ressorti ce livre rangé dans la bibliothèque de mon enfance, en pensant me replonger dans la douceur de mes lectures adolescentes, lors des après-midis qui s'étiraient aussi longtemps que durait la digestion des adultes, en léthargie post-prandiale.
Aujourd'hui adulte, à mon tour en pleine léthargie post-prandiale, je me retrouve donc plongée dans ce roman, pour un été sur la côte du Maryland aux Etats-Unis. J'ai effectivement retrouvé un peu de la douceur des lectures adolescentes mais j'ai surtout retrouvé le goût boueux d'un mal-être indéfini, une insatisfaction générale, la douleur de l'éveil à une réalité sociale brutale. L'adolescence, c'est un été au bord de l'océan, mais coincé dans une maison familiale, à partager sa chambre avec une cousine que l'on déteste. C'est ne pas oser se mettre en maillot de bain parce que l'on ne remplit pas notre bikini, en jalousant le corps de ladite cousine qui, elle, possède davantage d'arguments en la matière. C'est envier le tempérament sans filtre de sa petite-soeur mais vouloir être considéré comme quelqu'un de responsable.
C'est vouloir être intégré aux décisions des adultes mais souffrir de devoir s'occuper de ses trois petites-soeurs, souffrir de ne plus passer suffisamment de temps avec sa mère, être en colère contre son père qui ne trouve pas de travail et à cause duquel il va falloir déménager. C'est rêver de liberté et de voyages tout en se cachant derrière des piles de livres. Et puis, c'est aussi être un peu égoïste, ne pas réaliser que la cousine elle, est complexée par ses rondeurs et préférerait une silhouette longiligne, ne pas se rappeler que les petites-soeurs sont impatientes de grandir, ne pas réaliser que les parents vivent des situations qui les impactent durement et qu'ils doivent les faire avaler aussi doucement que possible à leurs enfants, qu'ils souhaitent protéger.
L'adolescence c'est un été sur une plage au sable gris, où la couleur de l'océan est trouble, où l'eau verdâtre est poisseuse, vaseuse dans le fond, où l'on craint les crabes dissimulés dans les algues sous nos pieds et les méduses qui flottent mollement en surface.
La saison des méduses prendra fin au terme de l'été et si tous les rêves ne se réalisent pas, on finit tout de même par constater que l'on a survécu et que la vie au-delà de son propre nombril est douloureuse mais tolérable - pour peu que l'on se donne la peine de s'ouvrir un peu.