Ceux du large

Ananda Devi est à la croisée de plusieurs cultures, plusieurs langues et ce recueil en témoigne qui parle des réfugiés, des apatrides. C'est dit en trois langues puisque chaque poème en français est aussi donné en anglais et en créole mauricien. Ces trois traductions offrent au lecteur l'occasion de découvrir d'autres sonorités pour un même poème, et c'est déjà un voyage et un partage avec l'autre.

On sait, dès les premiers vers, le danger, l'épuisement d'une traversée sur un frêle esquif. Mais ils tentent pourtant le voyage vers l'exil, poussés par la misère et l'effroi.

« L'océan est une vie offerte et refusée
Offerte et refusée
Chaque marée est un espoir, une terreur
L'océan est une mort offerte et refusée »

Que trouveront-ils de l'autre côté ? « Ne sont-ils pas la menace de notre siècle ? » fustige l'auteure qui secoue la bonne conscience des nantis qui ont peur de l'autre, l'étranger. Elle ne juge pas, elle dit, elle clame ce rejet, cette déshumanisation des réfugiés.

« Qui sait d'où viendra la fin
En attendant on se terre
Dans sa bulle de peur
Et on regarde, médusé
Le film catastrophe qui se déroule
Sur nos écrans intimes. »

Ananda Devi raconte, il ou elle, elle s'adresse à nous et, dans le dernier poème, elle dit « Parle leur d'espoir, juste un petit peu », allumant une étincelle d'espérance dans ce monde de drames.
Elle nous parle de l'autre et sait instiller dans le malheur espoir et humanité
Texte sobre pour une poésie profonde, émouvante

Je découvre Ananda Devi pour une escale mauricienne de mon « tour du monde », avec cet ouvrage déniché en médiathèque.
« Ceux du large » ne sont pas ceux de la mer, les marins. Ce très bref recueil de poèmes a pour sujet les réfugiés. Les poèmes y sont présentés en français, en anglais et en créole mauricien.
Surprise par ce sujet, sérieux, grave, fort, que je n'ai pas l'habitude de voir abordé en poésie.
On y parle de la vie, de la mort, de la détresse, de la tristesse,

« Le feulement bas d'un père
Allé plus loin que le chagrin »

parfois en contraste violent,

« Je l'ai vu
Dans mon écran d'ordinateur
A côté d'une orchidée
Fraîchement fleurie »

Des poèmes en prose, de brèves histoires portées par le rythme des mots, avec pudeur et réalisme.