Voilà un essai qui déplume et peut remettre en cause l'idée que certains se font de ce qui définit un chrétien et sur les orientations politiques qui peuvent en découler. Il ne s'agit pas seulement de se rendre à l'église tous les dimanches et de participer à des oeuvres de charité.
Montaigne propose une très bonne définition, me semble-t-il, un chrétien c'est quelqu'un de juste, de bon et de charitable. La définition a le mérite d'être lapidaire et simple à comprendre. Mais ces trois mots recouvrent beaucoup de choses et il convient de ne pas rester à la surface des choses. L'idée de justice est très importante et mérite de longs développements, être bon ce n'est pas seulement être poli, courtois et serviable et être charitable ce n'est pas seulement la quête du dimanche, c'est éprouver de l'empathie pour l'humanité et pour tous les gens qui souffre, quelle que soit leur identité. le livre de
Guillaume Dezaunay est dans cette veine.
Ce livre part d'une prise de conscience de l'auteur qui veut sortir de l'hypocrisie ou le confinait son statut de riche chrétien.
Guillaume Dezaunay est professeur agrégé de philosophie. Un jour il prend conscience qu'il contribue plus que les pauvres à la pollution et qu'à la messe il entend parler des pauvres sans pour autant rien changer à ses habitudes de riche. Cette prise de conscience le conduit notamment à relire les évangiles. le Christ lui apparaît comme un anarchocommuniste révolutionnaire lui qui proclame que « les premiers seront les derniers et les derniers premiers ». Chacun des chapitres de son livre vient à l'appui de cette thèse avec en exergue un passage des évangiles en particulier de l'évangile selon Saint Mathieu qui est le plus ancien des quatre évangiles.
En lisant l'extrait de
Saint Matthieu page 17 qui dresse le portrait de l'intendant figure évangélique centrale j'ai immédiatement pensé au chapitre 5 du livre de
Jack London sur les Philomathes où l'auteur accuse les oligarques capitalistes d'avoir mal géré la société en basant leur décision sur le profit au détriment des pauvres. Ce texte de
Jack London ne fait que reprendre cette idée exprimée dans la bible 2000 ans plus tôt.
Le livre de
Guillaume Dezaunay est un manifeste contre l'égoïsme et pour le partage des richesses. Afin que chacun puisse se remettre en cause dans ses choix de vie de tous les jours. Clairement la question pourrait se poser de savoir si l'on peut être capitaliste et chrétien ou de droite et chrétien. J'avais personnellement déjà une idée de la réponse avant de lire ce livre, mais pour ceux qui s'interrogent encore sur cette problématique je recommande la lecture de cet ouvrage. L'auteur présente les extraits les plus convaincants des évangiles, par exemple : « Nul ne peut servir deux maîtres....Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent » (Mt 6,24) ou encore « il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. » (Mt 19, 23-30).
Ce livre ne condamne pas les riches dans leur ensemble, mais laisse entendre que l'appropriation, par une minorité, des biens de ce monde est antinomique avec le christianisme et que l'accumulation de privilèges indécents est facteur d'injustice. L'auteur appelle à une réforme du régime économique et à une mise en commun des richesses. En d'autres termes, il nous invite à suivre la parole du Christ dans l'interprétation qu'il en fait.
— « Le Christ rouge »
Guillaume Dezaunay, Salvator (2023), 170 pages.