AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4

sur 854 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Paru en 1977, « Substance Mort », roman majeur de l'oeuvre foisonnante de Philip K. Dick a pour titre original « A Scanner Darkly », en référence à un passage de la première épître De Saint Paul aux Corinthiens : « for now we see through a glass, darkly... ». Une métaphore de la manière dont les protagonistes dickiens appréhendent une réalité insaisissable.

« Substance Mort » est un roman atypique de K. Dick qui délaisse les tropes propres à la Science-Fiction. Cet opus tardif évoque davantage un ouvrage légèrement dystopique et franchement paranoïaque, tant il s'affranchit des codes du genre qui fit la célébrité de son auteur.

Dans une Amérique située dans un futur proche et incertain, dont les habitants vivent dans la paranoïa constante qui hante une société placée sous surveillance technologique, les derniers survivants de la contre-culture des années 60 achèvent de brûler leur cerveau en utilisant une drogue terrifiante, la Substance Mort.

« Pour survivre dans cet État policier fasciste, réfléchit-il, faut toujours être en mesure de sortir son nom, son propre nom. À tout instant. C'est le premier signe qu'ils guettent pour savoir qu'on est accro : pas être foutu de se rappeler qui on est. »

Fred travaille incognito pour la brigade des stups, le corps dissimulé sous « un complet brouillé » qui en brouillant son image, sa voix, son odeur, le rend absolument méconnaissable. Lorsqu'il ne travaille pas, Fred reprend sa véritable identité, celle de Bob Arctor, un toxicomane qui a quitté femme et enfants, pour partager son appartement et son quotidien avec deux autres drogués.

Arctor espionne Donna, une jeune dealeuse, dont il est secrètement amoureux. Une mission qui n'est pas de première importance et ne nécessite pas le port du fameux « complet brouillé ». le but n'est évidement pas de faire tomber la jolie jeune femme, mais de remonter la filière de la Substance Mort.

« Tant qu'à espionner quelqu'un, autant choisir un sujet qu'on fréquenterait de toute façon ; ça paraissait moins suspect et on se faisait moins chier. »

Toujours vêtu d'improbables chemises hawaïennes, Bob Arctor est un personnage avenant, doté d'un humour décalé qui fait souvent mouche. Sa cohabitation avec Barris, bricoleur en électronique au génie incertain et Luckman, trentenaire effacé, est plutôt bon enfant. Les conversations des trois hommes sont truffées d'anecdotes mêlant une paranoïa et un humour typiques des toxicomanes.

Si la consommation constante de Substance Mort d'Arctor, n'augure pas de lendemains radieux, c'est la nouvelle mission que lui confie son supérieur qui va emporter notre héros dans un voyage sans retour au bout de la schizophrénie. Ce dernier ordonne à Fred d'abandonner la surveillance de Donna pour espionner un homme que les Fédéraux ont identifié comme un dangereux toxicomane.

Après un début modérato, « Substance Mort » prend une ampleur typiquement dickienne lorsque le personnage principal Fred est chargé d'espionner le dénommé Bob Arctor qui n'est autre que lui-même. Cette mission sera le début de la descente aux enfers du héros, qui, en plus de devoir affronter une mission à fort potentiel schizophrène, découvrira que Barris n'est pas tout à fait celui qu'il prétend être, et que les inquiétudes qu'il attribuait à la paranoïa qui hante chaque drogué étaient fondées...

« Étrange comme, de temps à autre, la paranoïa peut coïncider avec la réalité. »

La plongée au coeur des ténèbres de « Substance Mort » évoque les ouvrages d'Henri Michaux, qui comme K. Dick fit un usage « approfondi » de différentes drogues, qu'il relate dans « Misérable Miracle » ou « Connaissance par les gouffres ». le titre français est pourtant trompeur. « Substance Mort » ne se limite pas à une description de l'enfer des paradis artificiels. C'est une oeuvre singulièrement ample et ambitieuse qui nous dépeint une Amérique cauchemardesque où les drogués sont constamment traqués pour être placés dans des centres de désintoxication dont nul ne revient.

« A Scanner Darkly » est surtout, comme souvent chez K. Dick, un roman où les êtres et les institutions, ne sont jamais ce qu'ils paraissent être. le verset 13:12 de l'épître De Saint Paul aux Corinthiens, auquel fait référence le titre original, est nettement plus éloquent : « Maintenant nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face. »

Ce verset résume en quelques mots tout le roman. Pendant l'essentiel de l'intrigue, le héros Fred/Arctor et le lecteur n'ont qu'une vision inquiète, tronquée, faussée de la réalité. le dénouement réalise, en la détournant, la prédiction De Saint Paul et dévoile la Vérité dans son hideuse nudité. Finis les faux-semblants, les fausses pistes, les intuitions paranoïaques. Place à une Réalité devenue Cauchemar ou à un Cauchemar devenu Réalité.

S'il n'atteint pas la perfection formelle d'« Ubik » qui explorait la dissolution du réel avec une maestria époustouflante, « Substance Mort » est peut-être le chef-d'oeuvre de K. Dick. Plus incarné, plus sincère, moins joueur, le roman est touché par la grâce de la mélancolie lorsqu'il donne une âme à son héros (qui évoque un double romanesque de l'auteur), un homme qui continue de vivre alors même qu'il est déjà mort.

« There's more to the picture
Than meets the eye
Hey hey, my my
Out of the blue and into the black »
Neil Young

Commenter  J’apprécie          6927
Substance mort est l'un des cinq derniers romans écrit par Philip K. Dick. Il l'achève en 1975 alors qu'il est déjà reconnu dans le domaine de la science-fiction (prix Hugo en 1962 pour le maître du haut-château). Riche de son expérience, il livre sans doute son meilleur roman, du moins le plus touchant et le plus personnel de ses livres.

K. Dick propose une plongée dans le monde de la drogue, dans une Amérique inquiétante. La société semble divisée de façon nette entre les riches, les représentants du gouvernement, et le reste de la population qui se drogue. Caché sous son « complet brouillé », Fred, qui bosse pour la brigade des stups, est chargé de surveiller Bob Arctor qui n'est autre que lui-même. Il doit remonter les échelons pour retrouver qui se cache au sommet de la production de la Substance M. Cette drogue que doit prendre Fred pour sa couverture, a pour effet de dissocier les deux hémisphères du cerveau. Ses consommateurs finissent inévitablement par sombrer dans la schizophrénie.

Substance Mort est le roman le mieux construit de K. Dick, le plus émouvant et le plus marquant. Contrairement à ses autres écrits, celui-ci semble savoir où il va lorsqu'il l'écrit. La chute est cynique et la postface est un témoignage poignant au sujet de la drogue.

Car malgré les idées reçues, il est réducteur d'affirmer que le génie de Philip K. Dick réside dans l'absorption de drogues. Une personne sans imagination n'aura pas d'idées créatives après avoir consommé de la drogue. Ses lecteurs seraient incapables de faire du K. Dick. Par contre quelqu'un ayant son talent peut prendre de la drogue pour se désinhiber. Certains génies prennent de la drogue, certes, mais prendre de la drogue ne rend pas génial.

L'étrangeté de ses récits n'est donc pas imaginée comme une volonté d'originalité de sa part. Son style n'est pas étrange « pour être étrange ». C'est justement sa façon d'écrire, et s'il se distingue des autres, il le doit seulement à soi-même et pas à des substances narcotiques.

À chacun de ses livres, K. Dick propose une plongée dans l'inconnu, quelque chose d'inhabituel, mais qui finalement donne un grand plaisir à la lecture. Son non-conformisme continue encore aujourd'hui à renouveler la science-fiction et s'oppose à la décadence du genre. Substance Mort représente peut-être le mieux tout ces aspects de l'oeuvre de K. Dick.
Commenter  J’apprécie          502
Pour moi le meilleur de Philip K. Dick avec Ubik, Substance Mort ou la grande conspiration révélée.
Ce livre, que je relis régulièrement, a été comme un coup de massue à ma première lecture... Déjà, dans les années 60, K. Dick a cette prescience d'un état manipulateur, qui crée une dépendance pour faire fructifier sa productivité de drogues... (ça me rappelle la facilité qu'ont les médecins à prescrire de la méthadone ou du subbutex à des gamins même pas accros, ainsi, on a des consommateurs accrochés à perpète à un produit légale, distribué avec la bénédiction de l'état, et qui lui rapporte de l'argent et crée des emplois !...)
Le thème de la paranoïa omniprésente, le brouillage des identités, la mise en abime (Fred forcé de se surveiller lui-même), tout cela crée un récit hyper moderne, toujours d'actualité, où rien n'a vieilli, rien n'a bougé. ça fait froid dans le dos.
Un roman culte, adapté de la meilleure façon qui soit pour ce genre d'histoire hallucinée, sous forme de film mi-animation mi-réalité (un traitement spécial de l'image filmée avec les vrais acteurs, les fait apparaitre comme des personnages dessinés... l'effet est garanti), avec Keanu Reeves, Robert Downey Jr, Woody Arelson, et réalisé par le talentueux et hors-norme Richard Linklater (Boyhood) en 2006 sous le titre "A Scanner Darkly". Un film culte pour un livre culte. La boucle est bouclée.

Commenter  J’apprécie          392
Encore un auteur et surtout un ouvrage qu'il est un peu ridicule de noter (sans doute est-ce le cas de tous me direz-vous..)
Mais personnellement, lorsque je me fais cette réflexion, c'est que l'oeuvre est écrite de manière à ce que tout jugement, toute remarque à son sujet la concernera peut-être moins, en tant qu'oeuvre achevée que comme part inaliénable du Réel écrivain à travers elle (je veux dire du "réel qui écrit"..)
Pas seulement parce que l'autobiographie sous-jacente est évidente mais parce que l'auteur se fait autre chose à son contact, non pas pur transmetteur ni chroniqueur (situation la plus "partagée") mais véritable émetteur, visionnaire du monde en train de se faire

Je sais, ça ne veut à peu près rien dire. Mais c'est mon expérience de lecture avec Dick...
(Pas seulement dans "Substance mort")
Je lis, j'adore et je ne sais pas pourquoi j'adore ça car je suis loin de tout comprendre
Même quand il est possible de suivre assez tranquillement ce que vivent ses personnages, l'on sent bien qu'il se passe autre chose, que c'est une conscience hantée avec laquelle on se familiarise peu à peu, qu'une réversibilité est toujours possible, planante

"Substance mort" n'est pas son meilleur roman, c'est une synthèse...
La maladie libérée habilement mise en scène ; elle a l'air nue, implacable, désespérante mais elle s'amuse et rit à nos dépens

Commenter  J’apprécie          275
Écrit en 1977, Substance mort est l'un des derniers romans de Philip K. Dick. L'aspect science-fiction est assez léger et le livre peut se lire quasiment comme un roman de littérature générale (avis aux non-fans de SF qui voudraient s'essayer à cet auteur).

Le roman nous plonge dans l'univers des toxicomanes avec le personnage de Bob Arctor, accro à la substance M tout comme ses amis. Mais Bob est également Fred, un agent des stups chargé de remonter la filière de cette fameuse drogue, et qui protège son identité à l'aide d'un "complet brouillé". Un jour, Fred est chargé de placer sous surveillance... Bob, lequel semble avoir des trous dans son emploi du temps ainsi que des revenus de provenance inconnue (et pour cause).

Avec une telle entrée en matière, on pourrait s'attendre à ce que l'histoire vire en thriller. Mais ce serait oublier qu'on est chez Philip K. Dick. L'histoire est d'ailleurs traitée de façon très dickienne : on y suit les errances du personnage principal et sa plongée dans la paranoïa à mesure que la substance M lui détruit le cerveau et que la réalité autour de lui s'embrouille et se désagrège, au point qu'il ne sait même plus qui il est : Bob ? Fred ? ou même Bruce, tant qu'on y est ?

Philip K. Dick signe ici l'un de ses romans les plus personnels, et c'est sans doute l'un des plus aboutis et des plus émouvants. Dans une note de fin, il indique avoir écrit cette histoire en hommage à ses amis toxicomanes (morts ou gardant des séquelles irréversibles), dont il s'est inspiré pour écrire ses personnages. Et cela se ressent vraiment. Les personnages sont habituellement loin d'être une des forces de Philip K. Dick, mais il arrive parfois, de temps en temps, à viser terriblement juste. C'est le cas ici : les personnages sont si pathétiques qu'ils en deviennent touchants. On sent, en filigrane, une certaine tendresse de l'auteur à leur égard.

Autre chose, les dialogues sont des monuments d'absurdité. On ne sait plus trop si on est plongé dans le délire de mecs complètement drogués ou s'il s'agit d'une manière de montrer à quel point la réalité est faite de toc. Sans doute les deux. C'est un effet que j'avais déjà perçu dans certains des romans précédents de Dick (notamment Ubik), mais encore jamais à ce point-là.

Seul regret, le sexisme sous-jacent dès qu'il est question du personnage de Donna Hawthorne. Évidemment, on peut arguer qu'il s'agit de l'époque, qu'on décrit une "réalité" de mecs sexistes, ou qu'elle a bien plus de consistance qu'on ne l'imagine au départ (ce qui est vrai). Reste qu'on ne l'écrirait plus de la même manière aujourd'hui, et que c'est tant mieux.
Commenter  J’apprécie          200
Fred est Bob Arctor, et en tant qu’agent des stups, il est chargé de surveiller… Bob. Bob est un junky, entouré de junkies, surveillé par Fred.

Si vous souhaitez lire un livre léger, joyeux, qui fait du bien… passez votre chemin !
Substance Mort est avant tout un roman sur la drogue et les drogués, notamment les effets du produit sur leur cerveau, et la perte de la perception de la réalité parfois mêlée à la paranoïa.
Sujet important pour l’auteur, qui lui-même a abusé des substances illégales. Très vite on devine que ce livre est inspiré par ce qu’il a vu chez ses amis et par ses propres trips. D’où une certaine affection pour certains personnages, même s’il n’élude pas la dangerosité et la violence extrême de quelques drogués. Peut-être le livre le plus personnel de Philip K. Dick.

L’aspect science-fiction est très faible, seuls les costumes « brouillés » que portent les agents infiltrés, élaborés pour qu’on ne se souvienne pas de leur apparence, sont du domaine SF.

C’est un roman difficile, à cause du thème abordé, mais l’auteur sait parfois nous détendre lors de conversations sans queue ni tête des drogués en plein trip, ou avec quelques réflexions qui confinent à l’absurde. C’est bienvenu.

J’ai bien aimé le premier tiers, j’ai eu du mal vers la fin du deuxième tiers notamment lors de longues considérations du protagoniste ou tout le long d’explications scientifiques sur le fonctionnement du cerveau, mais je me suis accrochée, et heureusement car le dénouement en vaut la peine.

Chose rare pour un roman de Philip K. Dick, cette fin m’a particulièrement touchée.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
Commenter  J’apprécie          175
Un roman qui dérange, un héros schizophrène, un monde halluciné, une spirale de destruction. Tout y est vrai et la liste finale des remerciements, hommage à des compagnons de route morts ou définitivement endommagés est glaçante.

Il faut prolonger l'expérience avec l'exceptionnelle biographie par Emmanuel Carrère, "Je suis vivant et vous êtes morts", pour saisir la puissance et l'angoisse de ce récit.
Commenter  J’apprécie          150
Un policier de la brigade des stups, qui grâce à un complet brouillé peut garder l'anonymat, se retrouve a devoir enquêter sur lui même...

K. Dick est carrément cinglé, c'est pas possible d'imaginer un délire pareil !

Le roman switch entre le personnage principal Fred, policier enquêtant sur une bande de drogué dont il fait partie, et le personnage principal Bob Arctor, drogué vivant avec sa bande et se sachant surveillé par la brigade des stups... On passe des délires complètement barrés et scène pourvus de discours étranges aux scènes de police plutôt classique. Un vrai schizm de l'esprit s'opère ici, autant chez le lecteur que chez le personnage principal. S'en suit alors un désespéré besoin de contrôle de la situation de notre personnage principal afin de garder ses deux vies secrètes.

La Substance mort est une puissante drogue aux effets secondaires peu attrayant. Pourtant certains en abusent. En effet, cette drogue ne fait ni plus ni moins que de détruire la personnalité du consommateur. Fred/Bob va peu à peu perdre pied dans la double vie qu'il mène à cause, entre autre, de la consommation de Substance mort .

Le roman est vraiment bien foutu, on vit les scène de délire avec malaise et incompréhension, comme si on était nous même dans le trip. le coté caméra espion donne un coté « télé-réalité » ou voyeur qui accentue ce coté détaché que Fred ressent vis à vis de lui même en temps que Bob. Comme lui on est surpris de ce qui c'est passé les dernières heures sur les bandes d'enregistrement.

Il y a plusieurs scènes qui sont stressantes (ou l'on se sent comme Bob ou Fred, impuissant) et d'autres plutôt cocasses (la scène du vélo par exemple). On nous montre des personnages qui ont le cerveaux plutôt bien esquinté, bien grillé. Clairement la drogue n'est pas ici vu comme un plaisir... loin de là. K. Dick aurait écrit se livre en hommage d'amis toxico (s'incluant lui même dedans) décédés ou marqués à vie par l'usage de drogues (comprendre drogue au sens du mot Drugs en anglais qui comprend les drogues et les médicaments).

Un des meilleurs K. Dick. Je l'ai lu par hasard, et je commence à apprécier ces lectures « par hasard ». Je conseil la lecture de ce roman même à un novice de K. Dick, il n'est pas bien compliqué une fois qu'on est bien dedans. Si vous aimez les trucs barrés, les délires paranoïaques des drogués, les bons romans de SF, ce livre vous plaira probablement.
Commenter  J’apprécie          120
« Ils voulaient prendre du bon temps, mais ils ressemblaient aux enfants qui jouent dans les rues ; ils voyaient leurs compagnons disparaître l'un après l'autre – écrasés, mutilés, détruits – mais n'en continuaient pas moins de jouer » (Note de l'auteur).
Pour ceux qui ne connaissent pas bien la vie de Philip K. Dick, ce fut un homme tourmenté durant toute son existence et grand consommateur de psychotropes. Et si K. Dick ne se reconnaît dans aucun personnage – affirmant par ailleurs qu'il est le roman –, il n'en reste pas moins vrai que ce récit puise dans une authenticité autobiographique.
Et pour exprimer cette authenticité, K. Dick a recours à Fred/Bob – personnage duel et schizophrène –, un agent infiltré qui se laisse entraîner en goûtant à la Substance Mort et dont on suit la chute.
Hallucinations, paranoïa, tourments, regrets, autant de choses qui égrènent ce roman, dont la noirceur brute provoque une lecture angoissée. Roman publié alors que K. Dick allait avoir cinquante ans, l'heure des bilans… ? Quelques années à peine avant sa mort, survenue en 1982.
La science-fiction, genre privilégié de l'auteur, est ici presque imperceptible ; elle apparaît subrepticement çà et là, notamment à travers la technologie – voir les complets brouillés que portent certains agents pour garder l'incognito. Le cœur du récit c'est la toxicomanie et ses avatars. Ce qui fait de ce roman une descente nauséeuse aux enfers, sans autres flammes que celles des cerveaux grillés par la dope.
Comme dans Ubik, le questionnement sur la réalité des faits et des êtres est permanent. K. Dick brouille toujours les pistes, tel le génial esprit brouillé qu'il était lui-même.
Enfin, Substance Mort est une fantasmagorie aussi sale que désespérante, et surtout : toxicomaniaque jusque dans l'écriture désordonnée et sans fioritures. Tout se perçoit « en un miroir obscurément », est-il dit dans le texte, reprenant une phrase de saint Paul.
« Des idées il n'en aura plus aussi longtemps qu'il vivra. Il ne lui reste que les réflexes. Et tout ça n'est pas accidentel : on l'a voulu ainsi. Et nous traînons ce mauvais karma avec nous. Je le sens peser sur moi, comme un cadavre », dit un autre personnage, comme une adresse à la société américaine, policée mais gangrénée par la drogue, et qui devrait porter le poids de ce fléau dont elle est, à bien des égards, responsable. Mais ce n'est pas le lieu pour en parler…



Commenter  J’apprécie          103
J'aimais déjà P.K.Dick mais quand j'ai découvert ce titre -là en 1979 , j'ai été bouleversé . Cette description de l'enfermement progressif de l'esprit sous l'effet de la drogue il le connaissait bien lui. Mais ce qu'il décrit aussi ce sont les causes de cette mort désirée , les amis qui disparaissent progressivement engloutis dans ce marécage létal . Arctor qui s'espionne lui-même est l'emblème de ce dérèglement . La postface écrite par Dick est magnifique et quand je l'ai lue , j'en ai pleuré car ,en ces jours là ,une amie venait de succomber au même piège et ce n'était pas de la science-fiction , hélas.
Commenter  J’apprécie          82




Lecteurs (2549) Voir plus



Quiz Voir plus

Test Voight-Kampff

Un collègue de travail vous apprend qu'il a malencontreusement écrasé un petit insecte. Quelle est votre réaction ?

Vous êtes infiniment triste
Bof,ce n'était qu'un insecte
Vous compatissez, mais au fond, vous vous en fichez un peu
Tant mieux ! Vous detestez ces petites bêtes

6 questions
581 lecteurs ont répondu
Thème : Blade Runner (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?) de Philip K. DickCréer un quiz sur ce livre

{* *}