La cote 400 est typiquement le genre de texte que j'adore lire. Qui pourrait s'imaginer qu'en traitant la classification de Dewey on pourrait découvrir un texte emprunt d'humanité, d'humour, de dérision?
La narratrice arrive à son poste deux heures avant l'ouverture de la bibliothèque pour laquelle elle travaille. Son poste est situé au sous-sol, elle est affectée au rayon géographie, un rayon qui n'est guère fréquenté. Quelle n'est pas sa surprise de constater qu'un lecteur s'est laissé enfermé là pour la nuit. Elle le réveille sans ménagement et puisqu'elle ne peut pas lui ouvrir les portes avant l'heure de l'ouverture officielle pour ne pas lui ni s'attirer d'ennuis, elle en profite pour entamer la conversation.
De discussion il ne s'agira en fait que d'un long monologue, une diatribe féroce, intelligente, piquante, tant sur les lecteurs que sur les collègues, sur le choix des livres à mettre en rayon, sur les maisons d'édition, sur la culture comme simple bien de consommation.
Tout y passe, on sent bien en filigrane qu'elle est finalement très seule et pas heureuse dans son sous-sol alors qu'elle a tellement à offrir et à partager avec les personnes qui potentiellement partagent la même passion qu'elle, les livres et la lecture.
Je fréquente depuis mon plus jeune âge les bibliothèques, j'aime particulièrement visiter celles qui se trouvent dans mes lieux de villégiatures, aux USA, à Stockholm ou même à l'île de Ré, je ne passe jamais à côté d'une bibliothèque et d'un cimetière quand je suis ailleurs.
Je me suis retrouvée dans le profil des lecteurs dont l'autrice dresse un portrait peu complaisant mais tellement juste.
Il y a ceux qui poussent la porte pour la première fois, ceux qui savent exactement ce qu'ils viennent chercher, ceux qui s'installent pour se reposer entre deux errances, pour chercher un peu de chaleur en hiver ou un peu d'air climatisé en été. Ceux comme moi qui parfois se posent pour simplement observer comment cela se passe ailleurs et se reposer entre deux moments de visites.
C'est un tel plaisir de fuir la bruit de la foule et de pénétrer dans la douce atmosphère feutrée d'une bibliothèque. Ou de se laisser emporter par l'ambiance joyeuse d'une bande d'enfants qui débarquent là pour réaliser un travail collectif ou par le calme religieux d'une salle qui sent l'encaustique, on passe délicatement la main sur une reliure prête à tomber en lambeaux en étant attentif à ne rien déranger, à ne pas se faire remarquer.
Ces menus plaisirs que l'on peut difficilement partager mais dont je me régale par avance à chaque fois que je repère une bibliothèque sur mon lieu de vacances.
Je ne connaissais pas cette autrice, mais j'ai vraiment apprécié le ton de son écriture, et je compte bien continuer à la lire dans les semaines à venir.