AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791094176467
120 pages
Espaces et signes (21/02/2020)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Qui sont ces deux Vénitiennes et que font-elles sur cette terrasse ?

On sait que ce panneau, peint par Vittore Carpaccio au 15e siècle, exposé au musée Correr de Venise, a été considéré comme « le plus beau tableau du monde ». On sait aussi que cette peinture n’est, en fait, que l’un des morceaux d’une composition beaucoup plus grande, dont on a retrouvé au 20e siècle l’une des autres parties… en Californie ! Mais ce tableau reste malgré tout un gran... >Voir plus
Que lire après Vittore Carpaccio, peindre l'ennui à VeniseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'aime toujours bien les livres qui apportent un éclairage sur une oeuvre d'art, peinture ou sculpture. En l'occurrence, ici il s'agit d'un peintre italien du Quattrocento, Vittore Carpaccio, et de son tableau intitulé « Deux dames vénitiennes », tableau exposé au musée Correr de Venise, peint vers 1490-1495.

L'auteur Edouard Dor propose quatre lectures de cette œuvre, immédiate, anecdotique, symbolique, sémantique.

Le premier des constats, c'est que la construction du tableau est étrange, deux femmes bien vêtues, l'une jeune, l'autre plus âgée, se tiennent comme retranchées dans un angle de terrasse, assises sur un banc, appuyées à la balustrade. le regard perdu dans le vide dirigé vers la gauche du tableau : lecture inhabituelle de l'espace peint, de la droite vers la gauche, renforcée par la lumière venue de gauche qui les inonde. Des animaux sont là : oiseaux, chiens ; des plantes aussi : lys, myrte, tronqués. Un petit garçon étrangement coupé en deux, tout comme le lévrier dont les pattes et le museau semblent dissociés. Le chiffre deux est là, omniprésent : deux femmes, deux plantes, deux colombes.
L'approche symbolique permet de donner à chaque animal, chaque plante, le rôle qu'il a à jouer dans l'interprétation de la peinture.
« De fait, au niveau du foisonnement des symboles issus pour l'essentiel des mythologies classique et chrétienne, Carpaccio nous donne à voir dans Les Deux dames la représentation du cycle d'une vie humaine, de la gestation à la mort."

L'auteur émet l'idée qu'il peut s'agir de deux aristocrates qui attendent le retour des hommes (idée renforcée par la présence d'une scène de chasse au-dessus du panneau), ou bien de deux bourgeoises aisées, ou encore de deux courtisanes. J'ai du mal à trouver une justification à cette dernière hypothèse.

Au sol, devant les pattes du chien, une lettre froissée et jetée là. Est-ce une missive apportée par le petit garçon ? Une lettre de rupture, d'amour, que la plus jeune aurait jetée ? L'auteur les voit pleines d'ennui, moi je ressens la plus jeune comme atterrée, en état de sidération. La lettre y est-elle pour quelque chose ?

L'analyse devient plus intéressante quand l'auteur regarde une partie séparée du tableau et qui se serait située au-dessus du portrait des femmes : une scène de chasse.
Edouard Dor avance l'hypothèse que le peintre vénitien a voulu peindre l'ennui, le vide, véritable injure à Dieu selon l'Église car source de tous les péchés. Comme dit l'auteur, « Est-ce bien cela ? Est-ce bien finalement cela que Vittore Carpaccio, artiste du Quattrocento, a peint ? Oui, à n'en pas douter. Il a osé. » Et ensuite, il est revenu à son habituel travail de peintures religieuses.

Au final, une analyse intéressante, qui force l'observateur à regarder avec attention, à savoir lire et interpréter, soit en suivant les orientations prises par l'auteur, soit en y apportant les siennes.

Sa dernière phrase résume bien le texte et la pensée de l'auteur :

p74 : « La fascination inexplicable que n'a cessé d'exercé ce tableau de Carpaccio, son intemporalité, sa pesanteur existentielle, laissent penser qu'au-delà du peintre s'est exprimé, à l'évidence clandestinement à l'époque, non seulement un poète, mais aussi avec certitude ce que l'on nomme un philosophe. »

Enfin, viennent deux intéressants rapprochements avec des œuvres plus modernes : Intérieur, femme à la fenêtre de Caillebotte (1880) et Room in New York de Edward Hopper (1932). Là encore, où l'auteur voit la peinture de l'ennui, je vois deux couples où la femme est seule avec elle-même tandis que le mari s'absorbe dans un journal, synthèse à mon avis du couple qui ne parvient pas à vivre dans la durée, ou du mariage de convenance. Je ne parviens pas à « voir » ce personnage que, selon Edouard Dor, la femme en bleu voit en face de sa fenêtre.


Une lecture intéressante (comme le fut en son temps « Nicolas de Staël, l'impossible concert » du même auteur. Un grand merci à Masse critique de Babelio et à la maison d'édition Espaces et Signes, dont la directrice a joint un gentil petit mot à cet envoi.
Commenter  J’apprécie          122
Vittore Carpaccio, peintre vénitien de la Renaissance, est majoritairement connu pour ses scènes religieuses monumentales. Avec un petit panneau de bois peint représentant deux vénitiennes aux regards perdus et semblant crever d'ennui sur une terrasse, Carpaccio a laissé aux historiens de l'art une énigme qu'essaie de résoudre Edouard Dor dans ce court, mais néanmoins passionnant, essai.
A partir de ce panneau et de l'historiographie, Edouard Dor tente de percer le « mystère » de ces deux femmes, en l'associant à d'autres oeuvres de Carpaccio, aux textes d'auteurs contemporains et en étudiant la symbolique des animaux, des éléments du décor, des postures, des couleurs.
Ça se lit comme un roman, c'est pourtant mené comme une étude scientifique classique. C'est très bien écrit et très documenté, très convainquant même, l'auteur restant toujours sur le fil de l'hypothèse sans rien affirmer car comment le peut-on sans source, ni indications du peintre ? Car toute la difficulté réside dans ces regards vides qui témoignent de la complexité de peindre l'ennui et la prouesse de Carpaccio d'y parvenir grâce à une iconographie savante et une culture humaniste parfaitement maîtrisées.
J'ai lu ce livre avec mon regard d'historienne de l'art et je l'ai trouvé sincèrement très appréciable, non simpliste mais tout de même très abordable. le format très court, tout de même illustré en couleurs, permet par ailleurs d'aborder facilement des thématiques artistiques tout en douceur.
Commenter  J’apprécie          21
Reçu dans le cadre de la masse critique, je ne savais pas précisément à quoi m'attendre, ne lisant pas d'essai habituellement.
Le format court est très appréciable, il permet de cibler l'essentiel et rend la lecture agréable et dynamique. Chaque aspect du tableau est analysé selon l'auteur, on adhère plus ou moins à son interprétation.
Le côté énigmatique de cette oeuvre persiste une fois l'essai achevé, laissant le lecteur révasser à cette Venise étouffante et pleines de mystères.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
« Si la mélancolie, le spleen, la dépression, le désespoir (qui sont autant de poses esthétiques ou d'états pathologiques) ont été dessinés, peints, voire sculptés, rarement l'ennui l'a été. Et pour cause, tant cette disparition de l'être dans l'être est difficile à matérialiser. Elle ne peut l'être ni par un regard rêveur, ni par une main sous un menton, ni par des larmes, une bouche tordue, une tête inclinée, des rides de tristesse ou quelque autre mimique. »
Commenter  J’apprécie          20
« La peinture révèle, au-delà du vrai ; elle n'imite pas, elle crée. […] En nous montrant ce qui est là, elle nous révèle ce qui n'y est pas et dont l'existence, si certaine, jette un doute sur la nôtre. » (Vittorio Sgarbi)
Commenter  J’apprécie          30

Video de Edouard Dor (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edouard Dor
Edouard DOR, qui signe "LE CONCERT, sur l'ultime tableau de Nicolas de Staël" (Editions Sens&Tonka) raconte combien le poète René Char eut du mal à croire au suicide du peintre, allant même tout un temps à le nier...
autres livres classés : quattrocentoVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (6) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}