Quel livre ! Il y a des livres qui marquent par leur capacité à faire voir différemment. Tout court. C'est le cas de
Victor Hugo, le grand échevelé de l'air de
Charles Duits. On sort de sa lecture avec une image de l'oeuvre d'Hugo (prose et poésie) transformée, transcendée. On comprendre mieux ces aspects insaisissables et perturbants lorsqu'on lit ce « monstre » littéraire.
La thèse du livre de Duits est la suivante : on ne peut pas comprendre Hugo, sa littérature ou l'homme, si nous analysons son travail avec une vision dualiste du monde, c'est-à-dire, à partir de toute la tradition judéo-chrétienne qui base son modèle de pensée dans la séparation des catégories telles que matière/esprit, parole/silence, conscient/inconscient, sujet/objet, etc. Cette cosmologie dualiste mène inévitablement au nihilisme, « philosophie éminemment logique, logique en acte », incapable d'atteindre (voir comprendre) le langage poétique ou la pensée non phénoménologique…
…Parce qu'en Hugo les barrières entre poésie et narratif, vie matérielle et spirituelle, dialogue avec les êtres vivants et les esprits (deux ans de séances de spiritisme pendant son exile) ne sont pas étanches, loin de là. Ce qui explique (et qui peut nous aider à mieux comprendre) l'oeuvre colossal de l'écrivain ainsi que les supposées « irrégularités » de son écriture, mais aussi son difficile ancrage dans l'histoire de la littérature entre les prémodernes et les modernes. Hugo, d'après Duits, est plus que tout cela ; beaucoup plus : c'est le vortex dans lequel se concentrent traditions divergentes en apparence, mais qu'il arrive à intégrer dans l'ensemble de ses écrits.
Le livre de Duits abonde en exemples et illustrations des propos tenus ici, avec une attention à la poésie d'Hugo, spécialement
Les Contemplations (longue citation de presque six pages), mais pas seulement, car
Les Travailleurs de la Mer,
l'Homme qui Rit ou
Les Misérables sont aussi à l'honneur. Par ces références, on arrive à comprendre la synthèse de la vision hugolienne du monde et de la littérature. La dernière partie du livre porte comme titre "La religion de l'avenir" où l'un des sous-titres, "le 89 des archanges", est suffisamment évocateur de la pensée du grand écrivain : le péché commis par toute philosophie ou religion que soit, « le péché contre l'Esprit ».
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