Saint-Simon et Auguste Comte, avec leurs prétentions messianiques et leurs allures de prophètes ne sont donc ni plus extravagants ni plus étranges que nombre de leurs contemporains ; ce sont deux échantillons, les plus curieux peut-être, d'une espèce qui fut très répandue de 1800 à 18i8 et dont on ne peut dire qu'elle disparaisse jamais, bien qu'elle trouve sans doute dans les grandes révolutions sociales l'occasion et les raisons particulières de son développement.
A dire vrai, Saint-Simon qui écrivit en 1803 les Lettres d'un habitant de Genève fut le premier en date parmi ces prophètes, mais il fut bientôt suivi de Fourier, d'Auguste Comte, d'Enfantin, de Bazard et de toute la pléiade des saints-simoniens. Sous prétexte d'organiser la société future, tous ces déformateurs vaticinèrent; ils se prirent sérieusement pour des hommes prédestinés, marqués au front d'un signe fatal.
J'ajoute que pour tous ces messies, qu'ils soient pris dans la réalité ou dans la fiction, un modèle vivant, comédien de race, avait donné la formule des gestes et phrases de théâtre tandis qu'il donnait l'exemple plus difficile du succès.