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3,52

sur 683 notes

Je passe sur l'intrigue, fissa : un méli-mélo issu d'un rapt orchestré par une bande de tontons flingueurs sur le déclin, vraies-fausses identités et croisements inopinés de destins en veux-tu, en voilà.

L'essentiel n'est pas là à mes yeux.
L'essentiel est plutôt dans la manière dont l'auteur mêle, emmêle et démêle les fils de cet imbroglio.

Tel un marionnettiste virtuose, Jean Echenoz se délecte des personnages et des situations, s'affranchit des codes du genre (roman d'action ou d'espionnage peu importe), laisse planer son ombre sur le plan du récit, allant même jusqu'à inclure le lecteur dans la narration. Un exemple, parmi tant et tant :
« Nous pensions qu'il n'était pas mauvais que ce phénomène zoologique, trop peu connu à notre avis, soit porté à la connaissance du public. Certes, le public a le droit d'objecter qu'une telle information ne semble être qu'une pure digression, sorte d'amusement didactique permettant d'achever un chapitre en douceur sans aucun lien avec notre récit. À cette réserve, bien entendu recevable, nous répondrons comme tout à l'heure : pour le moment. ».

En agissant de la sorte, son intention est sûrement parodique, la douce ironie qui teinte sa prose s'y accorde même plutôt très bien.

Reste à savoir si cela fonctionne. En ce qui me concerne, je suis dubitatif. Jubilatoire au début, ma lecture s'est peu à peu essoufflée. Une fois le propos de l'auteur intégré, ne restait plus en effet qu'un embrouillamini lassant à force d'être tortueux, associé à l'écriture brillante de Jean Echenoz.
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« Envoyée spéciale » est une parodie du roman d'espionnage.
Constance, la trentaine, est enlevée du côté du Trocadéro par trois hommes. Elle est ensuite séquestrée pendant quelques mois dans un village perdu de la Creuse.

Loin de se débattre ou de s'insurger, elle vit sa détention comme une parenthèse, une sorte de vacance...
Elle arrive même à nouer des relations de sympathie avec ses geôliers, mélange de Pieds Nickelés et de Tontons flingueurs.

Son mari, qui vit à Paris, ne semble pas très inquiet de sa disparition. Ayant fait fortune quelques années auparavant dans le show-biz, il vit de ses rentes. Il a tôt fait de rencontrer une autre jeune et jolie jeune femme avec qui partager sa vie.

A priori l'intrigue n'a rien de vraiment palpitant. Mais c'est sans compter sur la virtuosité de Jean Echenoz qui en nous délivrant à chaque page quelques indices relance notre intérêt.
Il tord l'histoire, parfois la grammaire, employant le nous pour nous impliquer, usant de digressions pour vérifier si l'on suit. Et c'est ainsi que nous repartons de la Creuse vers Pyongyang, en Corée du Nord dans un périple hilarant.

Voici un roman drôle et intelligent, écrit dans une langue précise et pétillante, parfois imprévisible, où l'absurde le dispute à la réalité de notre époque.

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Paris, la Creuse, la Corée du nord.
Et oui, on se déplace, on voyage.
Enfin, on, Constance plutôt.
Jeune femme oisive, elle est séquestrée à Paris, mise en condition dans la Creuse où elle est gardée par deux gentils barbouzes, puis envoyée en mission en Corée du Nord.
L'histoire est folle et rocambolesque.
Les personnages sont à la limite de la caricature.
Mais qu'est-ce qu'on se régale !
Grâce bien sûr à l'inégalable plume de l'auteur qui associe le lecteur à ses démarches d'écriture.
Un excellent moment !
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Mon premier Echenoz. Je ne m'en remet pas ! Comment ai-je pu négliger un tel auteur ? La malchance, le hasard, que sais-je encore, aucune excuse, en même temps (comme dirait Macron) on ne peut être à niveau tout le temps…
Dans Envoyée Spéciale, on voit « le général Bourgeaud, 68 ans, ancien du service Actions - planification et mise en oeuvre d'opérations clandestines », sur le retour, soucieux de jouer son dernier coup d'archer, fomenter avec son séide Paul Objat, un coup fourré digne de Olrik et Moriarty réunis pour impliquer la Corée du Nord dans le déclenchement d'une crise diplomatique internationale et sans précédent, qui contribuera à l'anéantissement de ce pays honni.
La boite de cigarillos Panter Tango joue un rôle de premier plan sur le bureau du général. de façon compulsive, à chaque moment décisif, il en sort un, le hume, le masse, le place entre ses lèvres avant de le remettre dans sa boite, regrettant en soupirant ce temps pas si lointain où il pouvait le fumer…
Pour cette mission particulière, le général charge le fidèle Objat de recruter une femme, « une innocente » qui jouera le rôle de mèche, de retardateur et de détonateur.
Programme !
Objat, un sosie de Billy Bob Thornton, ne recule devant rien, il fonce, il a déjà une idée en tête.
La scène se déroule dans le XXème arrondissement de Paris, boulevard Mortier dans les locaux de la DGSI…La fameuse piscine !
« Au restaurant, salade d'oreilles de porc suivie d'une joue de boeuf en daube »
C'est dire !
Constance, « raccord de rouge velours Burberry 308, coup d'oeil à son vernis Chanel 599 PROVOCATION, elle flotte un peu sa France, poudre les ailes de son nez (…) », ignore encore qu'elle est dans les radars d'Objat. Ce dernier l'aborde de façon classique, il la suit et dit rechercher « la rue Pétrarque, or la rue Pétrarque, bien sûr que Constance la connait bien. »
L'histoire implique outre Bourgeaud, Objat et Constance, le mari de cette dernière, Lou Tausk, compositeur avec son parolier Franck Pélestor, de musique techno et notamment d'un tube de renommée internationale ayant obtenu un disque d'or, Excessif.
Depuis le tandem Pélestor-Tausk vit sur ses lauriers.
Sur cette trame Echenoz compose un roman halluciné où les enchaînements les plus improbables vont conduire tous ces personnages à s'inscrire dans l'objectif que s'est fixé Bourgeaud, déstabiliser la Corée du Nord.
Echenoz construit un roman à lecture multiple, richement documenté. À l'issue de votre lecture, vous ne pourrez plus prétendre ignorer les conditions dans lesquelles Patrick Hernandez a produit son tube Born to be alive, ou encore comment et pourquoi la zone démilitarisées entre le nord et le sud de la Corée est réputée infranchissable.
Vous ne pourrez plus vous défaire de la rengaine du tube de 1983 « Vamos a la playa », ni oublier que la rue Pali-Kao du XIXème à Paris « commémore une victoire des troupes anglo-françaises pendant la deuxième guerre de l'opium ».
Un roman comme on aimerait en lire tous les jours, un roman qui vous sortira du marasme du confinement qui ne dit pas son nom et ramènera le sourie sur votre face meurtrie d'explorateur de la plateforme Docto'Lib à la recherche d'un rendez-vous pour une première injection du Pfizer BioNtech…
La morale de l'histoire est que toutes les rues de Paris mènent à la rue Pétrarque, comprenne qui pourra.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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C'est le sourire aux lèvres que j'ai assisté aux tribulations des personnages de Jean Echenoz dans les premières pages de cette truculente parodie de roman d'espionnage.
Quelle qualité d'écriture, quel choix des mots, des phrases, tout est parfaitement maîtrisé. En prime, l'auteur, pas toujours omniscient, s'amuse avec le lecteur et en fait son complice. C'est ce qui fait le sel de ce roman, bien plus que l'intrigue qui est, somme toute, accessoire.
Cependant, je me suis peu à peu essoufflée. La jubilation a laissé place à la lassitude devant cet imbroglio qui a fini par m'agacer à force d'être ni crédible ni probable mais un peu répétitif.

J'en ressors donc avec un avis mitigé qui ne m'arrêtera pour savourer à nouveau la plume de Jean Echenoz.
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Quel style ! de jolies formules … « à même le trottoir, des pauvres vendaient à des pauvres toute sorte de pauvre sorte d'objets de troisième main »…
…D‘autres qui percutent tant on entend le narrateur hausser la voix et même hurler la fin de la phrase « Hubert Coste est plus grand que Lou Tausk, plus élancé, plus souriant, plus bronzé, plus musclé, plus tout ce que l'on peut concevoir et nous ferons grâce de sa putain de très jolie femme et de ses saloperies de merveilleux enfants. »….
…Des apartés prenant le lecteur à témoin pour lui délivrer des informations aussi hors de propos que savoureuses … « On se retrouve devant le Mandarin pensif, on y entre, on est guidés vers la table habituelle de Tausk, près de l'aquarium dont Hyacinthe considère les occupants. Ceux-ci ne lui rendent pas son regard, l'évitent ou peut-être même le fuient, l'ayant repéré comme un ancien expert en halieutique – lorsque dans sa jeunesse Hyacinthe affrontait les vagues au large des mangroves de Sassandra, à bord de sa pirogue en bois d'iroko propulsée à la voile et à la pagaie, pêchant les poissons du coin tels que le rason polygame dont le harem, désemparé quand le mâle lui est soustrait par l'hameçon, désigne la plus grosse femelle qui se dévoue pour changer de sexe*, la saupe dont on se méfie car elle se nourrit d'algues hallucinogènes, l'inconsommable uranoscope, le pagre combatif ou l'aveugle beaux-yeux. »…
…Des situations habituellement dramatiques (un enlèvement avec demande de rançon) qui deviennent loufoques… « Hubert a froncé un sourcil : ça devient emmerdant cette histoire, tu es bien sûr que c'est son doigt ? Tausk a avancé pour preuve la présence, sur ce doigt, du vernis 599, mais Hubert s'est montré réservé : Bien sûr mais enfin ça se bricole, un vernis. Ils vont continuer, a prédit Tausk, la prochaine fois c'est aussi bien un oeil que je reçois. Non, l'a calmé Hubert, ils n'iront pas jusque là. Mais ça devient plus sérieux, tu es sûr que tu ne pourrais pas payer ? Quand je dis payer, je dis payer un peu, pas forcément tout ce qu'ils demandent. Pour voir. Non mais tu ne te rends pas compte, a soupiré Tausk, après tout ce qu'elle m'a déjà coûté. »…
…Ou bien des barbouzes tout droits évadés de la série « Au service de la France » chargés de « veiller » sur l'épouse kidnappée… « Nature brute, air limpide, pollution minimum, ça me donnerait presque envie de m'installer (ici, en Creuse). Tu dis ça parce qu'il fait beau temps, c'est un climat dur en hiver, dans ces coins, c'est très humide et froid. N'empêche, argumente Christian, tu as lu Thoreau ? Il s'en tape complètement du climat, Thoreau, ça fait partie du truc. Il vit sa vie, c'est tout. Il est content Thoreau. Laisse tomber, disait Jean-Pierre, on arrive. »
J'ai vraiment apprécié ce brillant et loufoque pastiche de roman d'espionnage, en mesure d'emporter l'adhésion du béotien de lecteur que je suis, ouvrant pour la première fois un ouvrage du Maître. Ce sera suffisant pour me donner envie de continuer l'exploration de son oeuvre que je compte mener en parallèle d'un abonnement au Pêcheur français afin de capitaliser pleinement sur l'initiation érudite aux merveilles de la mer dont l'épisode de l'aquarium du mandarin pensif évoqué plus haut était la porte d'entrée.
*J'ai vérifié, c'est vrai…confirmé dans un article de Corse Matin.
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Ce qui est bien, et bon, avec Jean Echenoz, c'est que l'auteur est dans le partage et la connivence car il a bien compris, le bougre, que comme pour Modiano, dans un autre registre, on ne lit pas un roman d'Echenoz par hasard. La plupart de ses lecteurs sont des fidèles qui savent qu'ironie, flegme et sens de l'absurde seront au rendez-vous dans une mécanique de précision qui semble rassembler les éléments les plus hétéroclites pour composer une fiction qui a sa propre cohérence, fantaisiste certes, mais ô combien grisante. Dans Envoyée spéciale, parodie irrésistible de roman d'espionnage, Echenoz emploie volontiers le "Nous" ou le "On" comme si l'oeuvre était collective et le lecteur complice des nombreux avatars et rebondissements que comporte son histoire débridée. Au-delà de Constance, son héroïne manipulée et consentante, l'auteur ne lésine pas sur les personnages secondaires, croqués avec amour, qui l'accompagnent de près ou de loin à ses aventures rocambolesques. Lesquelles nous entraînent tout d'abord en Creuse - délectables moments d'oisiveté - à la Corée du Nord que, bien entendu, le romancier n'a jamais visité. Echenoz maîtrise son intrigue avec la virtuosité qu'on lui connait mais c'est bien évidemment son style distancié qui fait jubiler avec un art des digressions dont on ne voit d'équivalence brillante que chez Fred Vargas. D'une constante invention avec un humour plus britannique que français, Envoyée spéciale se déguste comme un déjeuner raffiné, avec un mélange des saveurs qui laisse le palais enchanté.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Une parodie hilarante du roman d'espionnage et du polar. J'ai ri – et même : je me suis bidonné – à chaque page. Et en plus, c'est magnifiquement écrit.

L'histoire est complètement dingue, difficile à résumer, mais tout est bien ficelé et donne un excellent roman d'aventures. L'idée de base : les services secrets enlèvent une jeune femme dans le cadre d'une obscure mission, son mari s'en fout et elle s'adapte très bien à cette nouvelle vie de séquestrée.

Outre l'histoire rocambolesque qui donne beaucoup de rythme, ce roman est plein de digressions sur des petits détails de la vie quotidienne, ce qui donne des descriptions étonnantes et des interprétations intéressantes. Dans ce texte, tout est fou et comique, rien n'est vérifiable, rien n'est vérifié, mais tout sonne juste.

Un plaisir de lire !
Lien : Http://evanhirtum.wordpress...
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Avec « Envoyée spéciale » Jean Echenoz nous offre un roman d'espionnage complètement loufoque.
Impossible de faire le résumé de l'intrigue, elle part dans tous les sens. Dans ce roman pas de véritable héros. Constance, jeune Parisienne en instance de divorce de Lou Tosk, est enlevée par une bande de « pieds nickelés ». le roman nous entraine de Paris en Creuse et fini en Corée du Nord.
Un peu roman policier, un peu roman d'espionnage, Jean Echenoz joue avec ses personnages, s'adresse avec le lecteur les entrainant dans un récit complètement déjanté. Une vraie réussite !

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Jean Echenoz fait partie de ces grands auteurs français qui ont fait leurs preuves et qui cumulent un grand nombre d'inconditionnels. Il est donc naturel que je m'y intéresse et la sortie de son dernier roman « Envoyée spéciale », une nouvelle fois encensé par la critique, a été le déclic qui m'a décidé à entrer dans son oeuvre.

Dès les premières pages, on est confronté à l'univers loufoque de l'auteur. le lecteur est plongé dans l'univers de l'espionnage et du renseignement français mais à la manière des films d' «OSS 117» ou de la série télévisée « Au service de la France », c'est-à-dire avec un scénario improbable. Les personnages sont tous plus barrés les uns que les autres. Leurs actions et leurs décisions déclenchent des scènes ubuesques. le récit part ainsi dans tous les sens au gré des imbécilités de chacun. Il faut donc laisser son bon sens sur la table de chevet pour se laisser balader par ce délire. C'est ce que j'ai fait et ça a plutôt bien marché sur moi, du moins jusqu'à la moitié de l'aventure.
En effet, je me suis fait plaisir avec la première partie jubilatoire et bien rythmée, dans laquelle Jean Echenoz intercale des digressions particulièrement originales et pleines d'esprit. Cependant dans un second temps, le récit devient moins inventif et traîne en longueur. Il perd en efficacité et je me suis un peu ennuyé comme si l'auteur n'avait plus d'idées pour finir son histoire.

Globalement, je ressors mitigé de cette lecture. J'ai beaucoup aimé le monde et l'humour du début mais beaucoup moins la fin. Par contre j'ai trouvé la plume d'Echenoz vraiment admirable. Avec son style, il sait faire cohabiter truculence et exigence et mérite donc à ce niveau tous les éloges qui lui sont faits.
Il faudra une autre expérience avec cet écrivain pour me convaincre !
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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