Entre Paris et Amsterdam, dans le train qui l'emmène à l'enterrement de Joseph, Kitty se souvient de la passion qui l'a unie à cet homme 10 ans auparavant.....
A la fin des années quatre-vingts, dans une librairie New- Yorkaise, Kitty rencontre Jacob kruger.
Elle a trente deux ans, lui soixante .Délicate et sensible, elle veut écrire.
Lui est un célèbre dramaturge juif viennois que l'on a accueilli comme un nouveau Kafka. Il brave toutes les convenances, se montre arrogant, impatient, cynique,mais dégage un tel magnétisme que Kitty , subjuguée, se donnera à lui.
Durant des semaines où ils se gorgeront de sexe, de nourriture et d'alcool,Joseph va offrir à Kitty l'histoire de sa vie.
Lorsqu'il était enfant, sa mère venue de son shetl en Ukraine, croyante, se rendait glandestinement à la synagogue. Elle venait de la campagne avec ses foulards, blonde aux yeux bleus.
Son père ,athée, ne parlait pas yiddish...il était représentant de commerce et homme à femmes, ne revenait pas à la maison pendant des mois, l'argent manquait....Sa mère lui lisait des poémes et souffrait de l'indifférence de son mari.
Joseph lors de la guerre a pris quatre identités différentes à cause de sa judéïté.
Aprés la guerre il a vécu dans un kibboutz en Israël,incapable de se fixer il a vécu à Tel Aviv, à New- York, à Vienne , à Londres, dans le sud de la France, à Amsterdam avec Marijke, il a eu deux femmes Eva puis Malka , deux enfants qu'il perdra jeunes....
Ce livre explore avec force les souvenirs de l'holocauste, le fait surtout que les survivants n'oublient jamais leur errance et leurs douleurs passées, il fait la part belle au désir , au sentiment inéluctable du vieillissement, à la responsabilité,à l'amour.Cet ouvrage est servi par une écriture fluide et lumineuse,des allers et retours constants dans le passé. Il pose cette douloureuse question: quel est le prix à payer pour les survivants de la barbarie?
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Sauf les juifs. Les juifs avaient interdiction de faire du vélo. C'est ainsi que tout avait commencé. Défense d'aller au cinéma,de se promener dans les parcs, de prendre le tram. Et les choses empirèrent.Dalya, la lumière de ma vie me décrivit le panneau qui avait été posé au- dessus des portes du ghetto de Vilnius:Attention , quartier juif. Danger de contagion. Interdit aux non- juifs. Interdiction aux juifs de regarder par les fenêtres qui donnent sur la rue à l'extérieur du ghetto. Ces fenêtres doivent être entièrement masquées avec du papier et de la peinture. Interdiction auxJuifs de parler allemand. Interdiction aux juifs de discuter politique. Tout juif qui s'adresse à un non juif, ou a des relations avec lui , sera fusillé. Interdiction aux juifs de consommer des corps gras. Interdiction aux femmes juives de se teindre les cheveux ou de mettre du rouge à lèvres. Défense de prier. Défense d'étudier. À partir de 6 ans tous les juifs doivent porter l'étoile jaune. Défense d'accoucher. Une femme qui accouche sera tuée avec son enfant.
kitty était assise , immobile ,les yeux rivés sur la table, s'essuyant les yeux avec la nappe.
Ne pleure pas ,mon ange lui dit Joseph .
Ne sois pas triste , nous sommes vivants, non ,?
Or je n'étais que l'avant dernier. J'entendis un bruit de bottes sur les pavés et un cri soudain. Je me répétais mon nom hollandais, ma date de naissance hollandaise en levant les yeux vers la lune dont la face blafarde rayonnait au milieu des étoiles indifférentes. Ils étaient trois dans leurs uniformes noirs, leurs visages bien nourris rougis par le froid. Mange, dit- il, en désignant l'assiette ébréchée pleine de viande froide, mange tant que tu en as l'occasion. Il n'y a pas si ,longtemps, les allemands faisaient main basse sur tout ce qui était délectable en ce bas monde, sur tout ce qui avait de la valeur à leurs yeux. Le caviar, les diamants, le tabac, les voitures, l'essence, l'or, la viande, le beurre, le sucre, le café et le thé. Et ils n'étaient nullement désireux de partager.
Plus tard, de retour dans les ruines de l'Europe, il m'arrivait d'entendre les voix de mes parents lorsque la lune se cachait derrière les nuages cerclés de noir et que le vent sifflait dans la cheminée. Et j'avais l'impression de les avoir trahis, eux et leurs rêves. Quel juif es-tu..., disaient-ils. Je n'avais aucune réponse.
Tout est chaos. Folie. Un tissu d'aberrations. Tu ne sais pas où tu es. Pas un seul moment. Nous vivons dans la folie. Et si tu cries vers Dieu pour lui demander une explication, qu'elle est sa réponse? Il n'en a pas. Comme un dieu grec il est parti à l'autre bout de la terre rendre visite à son frère le Vent ou à sa sœur la Brise. Et pendant son absence, ils encerclent les faibles, les entraînent vers des pâtures de béton effrité et les massacrent. C'est impossible ! S'écria Kitty. Tu es trop sentimentale lui dit- il. Tu n'aurais pas fait long feu à l'époque
C'est sous cette même terre, pense Kitty, regardant par la fenêtre du train, que nous serons tous ensevelis. Ce sol noir friable où nous reposerons tous. Elle songe souvent à sa propre mort. Puisqu'il a pu mourir, elle le peut aussi. Et avec nous, tout disparaît. Et l'amour ? Est-il enterré avec nos os ?
Deuxième partie de notre rencontre avec Gwen Edelman pour la sortie de "Le train pour Varsovie" chez Belfond.