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3,99

sur 1460 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour certains auteurs écrire est un acte politique. Pour son brillant premier roman Alaa El Aswany a sorti l'artillerie lourde.

Baignant dans les eaux polluées de la société cairote au moment de la guerre contre l'Irak, cette mosaïque romanesque qu'est l'immeuble Youcoubian, nous permet de nous perdre dans les fascinants dédales où nous entraîne ce conteur redoutable.
On y découvre dans cet écosystème les inégalités sociales qui fomentent les crises, l'hypocrisie et la corruption dans la vie politique, l'absence de liberté sexuelle, la condition de la femme sujette au harcèlement des patrons et d'autres thèmes chers à l'auteur.

Foisonnant et riche en intrigues parallèles, ce roman est peuplé de personnages singuliers et attachants qui animent cet univers onirique et qui représentent chacun une partie de l'évolution sociétale qui pend au nez de l'Egypte.
La montée de l'islamisme radical menace l'équilibre d'une société en pleine transformation, la police torture ceux qui ne s'y plient pas et des jeunes se sacrifient pour le djihad.

Alaa El Aswany se positionne en auteur engagé et a composé un récit à son image, entre regard sur l'intime, analyse de la société et l'ouverture vers les nouvelles générations.


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L'immeuble Yacoubian, construit en 1930 en plein coeur du Caire, accueillait au départ des appartements de grand luxe. Quelques décennies plus tard, il a été redécoupé en logements plus petits, destinés à une population plus pauvre. L'auteur nous fait découvrir ses habitants : le fils du concierge bien décidé à passer le concours de police, sa petite amie qui vient de terminer ses études de commerce, de vieux aristocrates qui regrettent le mode de vie à l'européenne, etc.

Mais les rêves de ces habitants sont vite brisés . La corruption règne dans tous les domaines, et le plus riche a toujours raison. Il faut alors composer avec la réalité du pays : renoncer au concours à cause de ses origines modestes, accepter le harcèlement sexuel de son patron pour conserver sa place ou acheter sa place de député au prix fort. Les seuls refuges sont peu enthousiasmants : l'islam radical, ou la prostitution : « classique », comme seconde épouse, ou auprès de riches homosexuels.

Le ton change au fil de l'histoire : après nous avoir douillettement installé auprès de ses personnages, et nous faire aimer leurs qualités et leurs petits défauts, l'auteur ne nous épargne rien de leur sombre avenir : les humiliations, les injustices, la violence, qui resteront impunies puisque venues de plus haut dans l'échelle sociale.

Écrit quelques années avant la chute de Moubarak, ce livre aide à comprendre les événements qui se sont déroulés récemment, et donne aussi envie au lecteur d'aller manifester sur la place Tahrir.
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A mon tour d'ouvrir les portes de "L' Immeuble Yacoubian", de regarder son architecture révolue des années 30 à l'époque où le jazz accompagnait les autochtones raffinés et les européens orientalisés qui menaient la grande vie insouciante de la décennie sortie tout droit des années folles.

A mon tour de pénétrer dans ces appartements qui ne sont plus que le pâle reflet de ce qui fut et de grimper sur la terrasse où les plus pauvres se tiennent. La comédie humaine continue, chacun sa classe, chacun sa place.

Taha, fils de concierge, tu as tort de vouloir en changer, reste où tu es, de toutes façons, quoi que tu fasses, quoi que tu étudies, les autres t'en empêcheront, personne n'accepte l'ascension d'un fils de rien. Victime affaiblie, tu tomberas dans d'autres filets qui te manipuleront. La religion s'y entend pour ce genre de choses.

Une autre porte mène chez Hatem, le journaliste homosexuel. Tout le monde sait, juge, rejette. Tout le monde se tait. Hatem est trop brillant, Hatem est trop puissant. Hatem veut être amoureux, il en a assez de ces passes dégradantes. Il aime. Un drame bouleverse tout. La religion s'en mêle... jusqu'au drame.

D'autres portes : celle de Zaki, l'aristocrate "vieux beau", affublé d'une soeur intéressée et monstrueuse, d'un serviteur manipulateur. Son histoire sera la plus belle parce qu'enfin la corruption ne s'en mêlera pas et l'amour fleurira, vrai, sincère. La porte de Azzam s'ouvre sur un monde d'affaires, de politicaille, de pots-de-vin, de "parrain", trouble, répugnance, amoralité s'y côtoient.

La porte de la belle Boussaïna nous la montre pauvre et brisée parce qu'on attend d'elle ce qu'elle n'imaginait même pas...

J'ai refermé ces portes. J'ai aimé ce livre, je me suis demandé pourquoi puisque c'est laid. L'intérêt vient de l'écrivain qui nous entraîne d'un personnage à l'autre, crée des interruptions dans ce qu'il raconte titillant ainsi notre curiosité. Notre curiosité à savoir, notre étonnement, notre révolte devant toutes ces dégradations de l'histoire humaine, notre refus d'ignorer l'emportent. Tout est pourri, corrompu et c'est pour cela que ce livre est utile, nécessaire même si nous le savons depuis longtemps... Toujours être sur le qui-vive. Ne jamais se taire. Ne jamais accepter.

L'Egypte actuelle est en ébullition. Comment s'en sortira-t-elle? Comment dépassera-t-elle ces décennies corrompues? Fera-t-elle confiance à ses intellectuels démocrates? Un long chemin est à parcourir... Inch Allah.
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Bâti en 1934 par un millionnaire, l'immeuble Yacoubian situé dans la rue Soliman Pacha du Caire est à la fois un vestige de l'influence occidentale passée et l'image de la société égyptienne des années 90 marquée par la corruption, l'injustice sociale et la montée de l'emprise des religieux.
Les beaux appartements logent une population riche pendant que les pauvres s'entassent sur la terrasse, dans des cabanes, autrefois débarras transformés en pièces minuscules. Riches comme pauvres sont soumis aux règles d'un pays qui n'en a plus et se laisse peu à peu submerger par la vague islamiste qui dénonce la démocratie corrompue, impose le voile aux femmes, ferme les bars, traque les homosexuels, impose la charia comme avenir unique.

Zaki Dessouki, homme à femmes et porté sur l'alcool, y a son bureau au rez-de-chaussée où il reçoit ses rendez-vous galants à l'abri de sa redoutable soeur, Daoulet, qui partage avec lui l'appartement que leur a légué leur père. Victime d'une de ses conquêtes pulpeuse mais pilleuse, il est jeté dehors et dépossédé par sa soeur courroucée. Quelques étages plus haut, Hatem, homosexuel aisé, y accueille son bel amant Abdou qu'il aide financièrement à nourrir femme et enfant. Relation compliquée, entachée de culpabilité, à l'avenir incertain…
Hadj Azzam qui a retrouvé sa vigueur sexuelle à l'âge de 60 ans, y loge une deuxième femme, épousée mais cachée, qu'il visite deux heures par jour. Soad, veuve démunie chargée d'un enfant, a accepté mais à condition qu'elle ne voit plus son fils et qu'elle ne tombe pas enceinte…
Taha, brillant jeune homme, rêvant de rentrer dans la police, est recalé au concours car fils de concierge…Écoeuré il s'inscrit à la fac puis se laisse entraîner vers les frères musulmans. Arrêté, violé et torturé par les policiers, il décide de se venger…et s'engage dans le djihad. Sa petite amie, Boussaïna, habitante de la terrasse, contrainte de nourrir sa famille suite au décès de son père, est la proie d'un harcèlement sexuel impuni de la part de ses employeurs. Elle doit son salut à sa rencontre avec le vieux Zaki…

Quelques personnages au service de l'Etat corrompu comme El-Fawli font la pluie et le beau temps dans un pays, gouverné par le Grand Homme, où tout s'achète. Avec beaucoup d'humour mais également de colère, Alaa El Aswany nous dépeint un pays où tout est possible pour celui qui en a les moyens, acheter une femme, une élection, un contrat, des diplômes, un poste, des juges, des médecins…Même si l'on sourit parfois, le constat est amer et le sentiment d'un immense gâchis s'impose. Celui d'une société particulièrement violente, inégalitaire et phallocrate basée sur la loi du plus fort qui laisse aux plus faibles le choix de se soumettre ou de se tourner vers les prêcheurs d'arrière-mondes…
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J'ai fini ce roman à regret. Il fait partie de ceux que j'ai eu hâte de retrouver, jour après jour, lors du rendez-vous rituel de la séance de lecture qui précède de peu le sommeil. J'ai tout de suite été séduite par l'analyse psychologique des personnages tellement réaliste qu'on croirait les avoir connus ou du moins croisé dans les parties communes de l'immeuble Yacoubian ou encore dans la rue Soliman-Pacha. La forme et l'écriture sont des plus classiques. Elle rappellent, et ce n'est pas pour me déplaire, les grands auteurs français de XIXè siècle. J'ai pensé à Zola et surtout à Balzac mais le procédé m'a évoqué aussi, dans une certaine mesure, celui de Georges Perec dans La vie, mode d'emploi. Ceci étant dit, c'est parfaitement original en ce qui a trait au lieu tout à fait dépaysant de l'Égypte moderne et c'est tout l'art de l'auteur de nous faire comprendre, par le biais de l'étude des moeurs de quelques habitants de l'immeuble Yacoubian, les problèmes politiques et sociaux du pays et, en particulier, le terrain qui y a favorisé la montée de l'islamisme radical. En conclusion, l'immeuble Yacoubian a été pour moi une belle découverte et je n'hésiterai pas une seule seconde à revenir à cet auteur prochainement.
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Peu de choses à ajouter à l'excellente description ci-dessus, si ce n'est que j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir à travers l'immeuble Yacoubian cette tranche de société égyptienne moderne, encapsulée dans ce petit roman enlevé et poignant.

La construction en courts chapitres mettant en scène alternativement les différents protagonistes rythme efficacement le récit sans empêcher de s'attacher à leurs parcours et souffrances respectifs.

Un plaisir de lecture dont on ressort plus instruit, avec un sentiment mêlé de fatalité malheureuse, mais aussi d'empathie profonde pour un peuple extrêmement attachant.
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On entre dans cet immeuble par la petite porte... Celle des anecdotes, des petites histoires de voisinages, de remarques et de cancans.... et puis on aborde L Histoire, celle de L'Egypte et de la montée de l'Islam, et alors la lecture devient interrogative, on essaie de saisir ce qui anime les personnages et on ne comprend pas tout. C'est fort, c'est brûlant, c'est on ne peut plus actuel, et alors le lecteur s'aperçoit qu'il assiste à un vrai témoignage.
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Une littérature que je ne connais peu, et grâce à Alaa El Aswany, j'ai découvert une Egypte comme on nous la présente peu, ou malgré la corruption, ou la montée de l'intégrisme religieux des hommes et des femmes, riches ou pauvres se débattent pour rendre leur vie acceptable. de 1930 à 1950 alors que l'avénement de Nasser s'impose, l'immeuble Yacoubian véritable personnage central du roman voit défiler une ribambelle d'habitants riches en couleurs. La religion est bien évidemment présente mais chaque protagoniste l'aborde de façon différente : tolérante, extrémiste, dévote, hypocrite. Mais ces habitants sont aussi préoccupés par le quotidien et la débroullardise pour l'améliorer. Ce parti pris fait la richesse du livre d'El Aswany, car loin des stéréotypes la vie est présente dans chaque ligne, chaque page.
Entre truculence et affection El Aswany nous montre son pays, sans complaisance mais qui croit en son avenir, un Caire riche, inventif et surtout terriblement attachant. Bien loin des clichés véhiculés par les médias.Un immeuble bien agréable à découvrir. La visite s'impose.
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L'immeuble yacoubian décrit la vie dans un immeuble de 10étages, au Caire. C'est tout un petit monde que nous décrit l'auteur, mais qui n'est pas vraiment limité à l'immeuble, qui n'est qu'un point de départ à son roman.

Plusieurs personnages sont liés de près ou de loin à cet endroit. Il y a Zaki Bey, l'expert en séduction, qui se prépare à rencontrer Rabab sa bien-aimée. Ensuite, Taha Chazli, le concierge, qui se présente à l'école de police, mais à qui l'on refuse l'admission, sous un prétexte bidon. Boussaina, la compagne de ce dernier, qui travaille chez Talal, le vendeur de vêtements, et qui se prostitue.

C'est avec Boussaina que j'ai senti l'action démarrer, car c'est le personnage qui ouvre et clot le livre. Celle-ci se sent impure, mais elle doit rapporter de l'argent. Dans ma tournée de personnages, il y a aussi Abaskharoun, domestique de Zaki Bey le séducteur, qui veut acquérir un local au rez-de chaussée de l'immeuble, mais lorsqu'il l'aura, il ne sera pas bien accueilli par les résidents.

Le bar "Chez Nous", est un lieu pour homosexuels. Hatem, qui est journaliste, le fréquente, et vit une histoire d'amour avec Mohammed Sayyed. Les pages qui décrivent leurs relations sont empreintes d'une sensualité troublante. La réalité de la société égyptienne est ainsi décrite, comme aussi pour la polygamie, les pots de vin, la religion utilisée à des fins meurtrières. Ainsi, le personnage de Taha Chazli (le concierge prétendant policier) sera au coeur d'une manifestation qui laissera quelques marques dramatiques.

Au moment de ma lecture, j'avais pris quelques notes, qui me redisent encore aujourd'hui que le livre avait été très instructif, mais que son découpage, à la manière feuilletonnesque, avait gêné ma lecture. D'autre part, le roman ne s'est construit qu'un peu tard. A saluer, le courage de l'auteur, dévoilant les dessous tabous de la société de son pays. C'est à lire.
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Une bombe à retardement!
Si vous poussez la porte égyptienne de L'immeuble Yakoubian "copié au millimètre près sur un immeuble du Quartier Latin à Paris" vous vous dites, en riant, c'est un théâtre pour vaudeville et personnages folkloriques, tels Zaki Dessouki "expert de la femme", son domestique "Abaskharoun qui lui sert des "Excellence" en veux-tu en voilà, sa bien aimée Rabab "canaille et aguichante".
Tout en dégustant quelques "mezzés" à droite à gauche, vous hochez la tête, conscient de la religiosité qui baigne les lieux: "Béni soit le prophète", "Que Dieu te garde" "Dieu est grand".
Vous tirez un peu sur la "gouza", le narguilé, en pensant:Hum!! Ce tabac au miel est d'une douceur exquise.
Et là, une odeur de shit immonde vous prend à la gorge.
C'est rien, ça doit venir de chez le hadj Mohammed Azzam, il court sur lui des rumeurs de trafic de drogue. Là il est bien occuppé avec sa Soad.
C'est quoi ce ramdam?
C'est rien, ça vient de chez Zaki Dessouki, "trahi, volé par une prostituée"
Petit, à petit, vous comprenez qu'il s'en passe de belles dans cet immeuble.
Il ya la loi du plus fort qui truque les résultats d'examens,verse des pots de vin lors des élections,déshumanise le " larbin, fils de chien", s'approprie le droit de cuissage,viole, avorte, casse pour inculquer le "djihad" en vue d'attentats et il y a la loi du plus faible qui se soumet, se prostitue, s'humilie et essaye de se sortir de tous les moyens de sa triste condition en arnaquant, manipulant,mentant ou tuant lorsque la coupe déborde de haine.
L'immeuble Yacoubian, haut en couleurs,est un livre fort, très bien monté qui accroche le lecteur en passant tour à tour du rire aux larmes et de la comédie à la tragédie,un best-seller adapté au cinéma, un roman qu'on lit d'une traite, dans lequel Alaa El Aswany, d'une plume tour à tour, ironique et cruelle dénonce la corruption, les injustices, la misère, la dictature,le fanatisme et le mauvais fonctionnement de son pays où les bombes peuvent exploser à chaque coin de rue.
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