L'intérêt de cet ouvrage, écrit au début des années 1940, repose sur l'opposition entre les caïds au nombre desquels on peut compter aussi les magistrats et les moeurs et coutumes d'un peuple de paysans analphabètes et, de plus, complétement soumis par une religion qui ne les encourage pas à s'élever dans la connaissance des choses de ce monde. En définitive, il aurait pu être écrit aujourd'hui et à propos de n'importe quel pays du monde, tant il est vrai que la bêtise, l'analphabétisme et la rouerie n'ont pas de frontières ni d'époque. Outre plus, les mécanismes judiciaires décrits n'ont rien d'extravagant.
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"Hier soir, je me suis couché de bonne heure. Je ressentais une brûlure à la gorge: c'est une indisposition dont je souffre maintenant de temps à autre. Je m'entourai le cou d'un foulard de laine, je plaçai des débris de fromage dans les trois pièges à rats, que je plaçai autour de mon lit, comme on pose des mines de protection aux abords d'un navire de la croix rouge;"
Sa tristesse s'accroissait en raison du calme qui tombe sur le pays après le coucher du soleil: on n'entend plus alors que le mugissement des gamousses, les aboiements des chiens, les braiements des ânes, les plaintes des sakiehs, des chadoufs et des roues hydrauliques, la détonation des coups de fusil, tirés par instants au milieu de la nuit par les ghafirs pour faire peur aux autres ou pour se donner du courage.
Sitôt arrivé, je voulus utiliser mon phonographe et écouter ces grands maîtres de la chanson arabe. J'y pris du plaisir et fus étonné de constater combien je les aimais. Et quel écart, cependant, entre ces maîtres égyptiens et Mozart, Haydn ou Beethoven! Ce sont deux genres qu'on ne peut confronter. Chacun a ses fondements et je m'apercevais que je pouvais les aimer l'un et l'autre.
Dans cette ville de Tanta, rien ne m'empoisonna plus que l'existence du chef du Parquet. C'était un homme qui ne connaissait que deux plaisirs dans la vie: fumer son narguileh et nuire aux autres.
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