AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782378801021
208 pages
L' Iconoclaste (16/10/2019)
3.81/5   29 notes
Résumé :

Elles sont nées à Romorantin. Jeunes, elles s’y sentent à l’étroit. Peu de transports. Un petit cinéma, deux centres commerciaux, une patinoire, une médiathèque… Avec cette impression, bien souvent, d’être à la marge.

Son bac en poche, Nassira décide de partir. Elle fait deux grandes écoles, devient journaliste, dirige un média, sans jamais oublier son bled de Sologne. Quinze ans plus tard, elle choisit d’y revenir. Elle retrouve sa ville, av... >Voir plus
Que lire après Les filles de RomorantinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
3,81

sur 29 notes
5
2 avis
4
4 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
1 avis
Nassira El Moaddem est journaliste ( le Monde, France 2 entre autres ), elle a dirigé le Bondy Blog et été sa rédactrice en chef. Mais avant sa brillante carrière, elle est née à Romorantin dans le Loir-et-Cher, elle y a vécu jusqu'à ses 18 ans et son départ pour des études à Paris. Elle revient sur les lieux de son enfance et de son adolescence pour enquêter sur le mouvement des Gilets jaunes.

Ce récit est d'abord le portrait d'un territoire en déclin, d'une petite ville de province qui ne se remet pas de la fermeture brutale, en 2003, de l'usine Matra travaillant pour Renault, le premier employeur privé de la région, là où le père de Nassira a été ouvrier. Un tsunami économique, encore inscrit dans les paysages et les mentalités. Une ville qui se sent aujourd'hui oubliée. Nassira El Moaddem décrit parfaitement ce déclassement, notamment dans le chapitre consacré à son enclavement géographique : seulement deux-cents kilomètres pour rejoindre la capitale, mais 2h15 en train avec un changement à Salbris pour troquer un Intercités crasseux pour une petite micheline. Une ligne qui devrait bientôt sacrifier sur l'autel de la rentabilité

C'est aussi le portrait de ses habitants et notamment de Caroline, la meilleure amie d'enfance de Nassira, celle qui n'est jamais partie, celle qui galère en mère célibataire, celle qui est à découvert le 15 du mois. Celle qui est devenue Gilet jaune et qui permet à la journaliste d'infiltrer le mouvement au quotidien. On a tout dit sur les Gilets jaunes, il n'y a pas de scoops ou de surprises dans ce qu'elle raconte. Mais c'est dit sans parti pris idéologique, sans fard, avec tendresse pour ces révoltés, mais sans rien occulter non plus comme la montée du Rassemblement national ou le racisme latent voire assumé de certains.

Les passages les plus intéressants et d'éclairants sont d'ailleurs ceux que l'auteur consacre aux Romorantinais d'origine immigrée. Voici ce que répond Sedat à la question centrale de la non participation des Français d'origine immigrée au mouvement des Gilets jaunes : «  Si nous, les Turcs, les Arabes, les Noirs de France, on avait pris part au mouvement, les casseurs auraient eu un nom et un visage ? On aurait été désignés direct. On nous aurait désignés direct. On nous aurait qualifiés d'islamistes, d'intégristes violents. de toute façon, au moindre petit truc, on est pointés du doigt, donc heureusement qu'on n'a pas pris part. C'est malheureux à dire, parce que cette misère-là, c'est aussi la nôtre ! »

Et derrière ces portraits sociétaux, se dessine celui, intime, de l'auteure. Celle qui est partie, qui s'est extraite de sa condition sociale, celle qui a réussi. Elle s'interroge sur sa légitimité à parler des déclassés, des oubliés, des invisibles, dans sa culpabilité à avoir fui la ville au moment où Matra fermait, dans son sentiment d'imposture, elle qui a été la première de sa famille à faire des études supérieures. Elle interroge aussi de façon très pertinente sur l'identité ou plutôt les identités multiples qui s'entrechoquent en chacun : elle, la fille d'immigrés marocains, la fille d'ouvrier, la Romorantinaise mais aussi la Parisienne, la journaliste, la bourgeoise.

Ce récit très réussi est aussi bien celui d'un territoire blessé, d'une fracture que de l'échappée de celle qui y est partie et qui revient. Il parvient haut la main à parler à la première personne tout en maintenant une rigueur journalistique, entre réflexions personnelles et enquête de terrain, tour à tour nostalgique et incisif. Le tout en étant très accessible et vivant.
Commenter  J’apprécie          947
Romorantin se pare, fièrement, du nom de capitale de la Sologne. Et pourtant c'est une bourgade comme beaucoup d'autres... Peu d'avenir, un centre ville en désespérance, des jeunes qui s'ennuient et se rêvent un avenir ailleurs et les usines qui ferment ( surtout l'énorme usine Matra, ancien coeur/poumon de la ville ) qui a tant apporté à cette sous-préfecture. Depuis le site a été rasé... Jusqu'à 300O personnes y ont travaillé dont le père de l'auteur.
Nassira El Moadden est revenu à Romorantin, c'était juste le début du mouvement des gilets jaunes. Elle y retrouve une amie d'enfance, toutes les deux ont eu un destin bien différent. L'une, fille d'immigrés, est journaliste l'autre se bat pour une vie meilleure, une vie où l'on choisit l'essence pour aller travailler -loin- à un repas le midi.
Nassira nous parle de cette ville qu'elle a aimé, elle en voit les stigmates, reçoit la misère et le racisme en pleine face mais aussi relève la solidarité dans les quartiers et le formidable élan qui anime les gens.
C'est Romo comme on dit par ici mais cela pourrait être n'importe où...L'autre France loin de l'opulence.
Elle a rencontré les politiques, a testé le boulot de femmes d'entretien à Center Parc ( mais de petits boulots elle en avait tant fait dans sa jeunesse, et étudiante...) nous parle de gens simples mais formidables et puis d'autres....
Quand il y a eu une rencontre autour de son livre, organisé pat la médiathèque, sa parole lui a été confisqué. On n'avait jamais vu ça. A la lecture du livre on comprend que la mairie n'a pas apprécié. Mais le constat n'est pas faux. C'est son ressenti qu'elle nous livre avec sincérité.
L'histoire d'une vie, d'une famille, d'une ville, un beau témoignage que celui-ci qui nous dit le naufrage des communes qui ont rêvés d'un destin mais qui sombrent peu à peu.
Un témoignage passionnant qui reflète une réalité sociale de plus en plus prégnante et qui ne concerne pas seulement les gens du cru.
Très belle découverte. A lire !



Commenter  J’apprécie          226

Nassira El Moaddem © Ed Alcock



Dans « Les Filles de Romorantin », la journaliste Nassira El Moaddem enquête sur la ville qui l'a vue grandir. L'ouvrage en dit long sur les fractures françaises.


Adolescente, Nassira El Moaddem s'ennuyait ferme à Romorantin, sous-préfecture de Loir-et-Cher (17 900 habitants). Alors elle a quitté la ville, fait de brillantes études (Sciences-Po, ESJ Lille), est devenue journaliste à Paris. Mais Romorantin traînait dans un coin de sa tête. Un jour, en 2018, elle y est retournée, a retrouvé son amie d'enfance, Caroline, qui était devenue ouvrière et avait enfilé un gilet jaune. C'est ce retour aux sources que Nassira El Moaddem, 35 ans, raconte dans « Les Filles de Romorantin » (éd. L'Iconoclaste), un ouvrage original qui mêle le récit intime et le reportage documentaire, offrant un saisissant portrait de la France d'aujourd'hui : paupérisation de la population, divorce entre les élites et le peuple, désertification du centre des petites villes... Nassira y exprime la culpabilité de celle qui est partie, qui a connu une certaine réussite sociale. « On éprouve toujours un sentiment d'imposture, dit-elle. En plus, j'ai quitté Romorantin en 2003, au moment où la ville était frappée par la fermeture de l'usine Matra qui faisait vivre toute la région et où travaillait mon père. Cela ajoutait à ma mauvaise conscience. » À travers le portrait de sa copine Caroline, on comprend le désespoir qui peut habiter un gilet jaune. Caroline a beau travailler en usine à plein temps, elle ne peut pas se payer le plus petit plaisir, un resto, un ciné, ne peut même pas utiliser sa voiture le week-end faute d'essence... Une existence totalement bloquée, isolée. « J'ai été révoltée par la situation que j'ai découverte. le pouvoir d'achat a beaucoup baissé par rapport à celui qu'a connu mon père, ouvrier dans les années 1980 et 1990. » À l'écouter parler avec passion, on comprend que son problème n'est pas d'être une femme coincée entre son identité marocaine et française, mais plutôt entre « Romo » et Paris. « Il faut en finir avec les clichés. On oppose toujours les petits Blancs de la périphérie et la population métissée des banlieues. Mais il y a aussi des immigrés ruraux. Moi-même, je suis un empilement d'identités, à la fois française, marocaine, fille d'Erasmus, provinciale, parisienne. Et surtout romorantinaise. » À la lire, on se dit que Romorantin, c'est bien. Pas seulement une ville dont le nom rime avec ennui ou isolement. C'est aussi une ville qui a façonné une personne comme Nassira El Moaddem, et cela, c'est porteur d'espoir.

Publié dans Elle
Commenter  J’apprécie          140
Un concours m'a permis, il y a quelques mois, de gagner l'ouvrage Les filles de Romorantin. Je ne connaissais pas Nassima El Moaddem mais je connais le Bondy Blog qui a pour but de donner à voir et à entendre les invisibles. Nassima El Moaddem est une fille de Romorantin. Elle y a grandi, elle en est partie mais l'apparition du mouvement des gilets jaunes la ramène vers la ville de son enfance.


Sa posture de journaliste, associée à son héritage de fille de Romorantin, lui fait re-découvrir sa ville, devenue une fille des invisibles et des oubliés où les inégalités, les souffrances sont bien présentes. A travers ce reportage sociologique, elle renoue avec sa vie d'avant, retrouvant des amies d'enfance mais elle porte aussi un regard lucide et juste sur l'évolution politique, économique et sociale de Romorantin.

J'ai trouvé ce reportage intéressant et j'aime l'écriture de Nassima El Moaddem, juste, simple et efficace. En sortant de cet ouvrage, on porte un autre regard sur les gilets jaunes, sur les oubliés et les invisibles de notre société.

Sans être moralisateur, ce reportage fait ouvrir les yeux sur un monde que les médias n'exposent pas, auquel ils ne s'intéressent pas et pourtant qui est si proche de nous.

En résumé : un reportage sur les oubliés, les invisibles, à lire pour porter un autre regard sur notre monde.
Commenter  J’apprécie          60
"Il s'agit d'une satire sociale joué par de Funès, en plus y'a des extra-terrestres" sauf que "Les filles de Romorantin" bah c'est pas une satire sociale, c'est une réalité sociale et figurez-vous que les acteurs se pourraient être vous, moi, nous.

A l'occasion du salon E poque de Caen, j'ai eu la chance d'échanger avec Nassira El Moaddem, qui nous a présenté son livre ainsi "L'une est restée, l'autre est partie", Caroline devenue gilet jaune, et elle, Nassira journaliste. Un documentaire dans lequel elle fait le chemin à l'envers, et part à la rencontre de ses souvenirs, de ses racines, de ses amis d'enfance...

Les filles de Romo s'est aussi l'histoire d'un bassin industriel longtemps porté par Matra. Plus qu'une entreprise, une institution qui faisait vivre des centaines de familles directement et indirectement, jusqu'à sa fermeture, et la déconfiture économique.
En parallèle, ce sont des gamins ayant grandi ensemble, partagé les mêmes bancs d'école et les mêmes rêves. Certains sont restés, d'autres sont partis. Ainsi va la vie, chacun est maître de ses choix, mais comment ne pas culpabiliser lorsqu'on a réussi autrement.

Decouvrir un livre après avoir rencontré son auteur et échangé avec lui donne une dimension particulière au récit. Mais c'est d'autant plus vrai lorsque l'auteur vous reçoit avec tant de gentillesse et de simplicité. Je reste impressionnée par la disponibilité des auteurs ce jour-là. Merci Madame d'avoir pris le temps de vous raconter, de discuter y compris en message privé. L'image de cet homme balayant avec tant d'application et, de fierté son usine m'a émue. Il symbolise tour à tour votre regard d'adolescente, de fille, de femme, et le temps qui passe. En changeant l'angle de vue, la signification n'est plus la même. Des mots simples, directs, une plume à suivre.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Je crois que le point d'orgue de mon malaise a été atteint à la mi-janvier 2019. Guillaume Peltier, le député Les Républicains du Loir-et-Cher, avait donné rendez-vous aux Romorantinais pour ses vœux de début d'année dans la salle de spectacles La Pyramide, à quelques minutes à pied de chez ma mère. dans le public étaient présents une dizaine de gilets jaunes dont j'avais commencé à faire la connaissance. Lorsque le parlementaire, ancien du mouvement des jeunes du FN, s'est mis à fustiger "les étrangers et les aides sociales qui leur sont attribuées", j'ai vu des gilets jaunes, debout, l'applaudir vivement." Il a dit des choses sensées", m'a ensuite lancé l'un d'eux pour se justifier.
( p 80 )
Commenter  J’apprécie          70
- Je crois en certaines valeurs que ce mouvement défend, mais la bêtise et la méchanceté humaine me fatiguent parfois. Mais je suis têtue, on va y arriver !"
( p37)
Commenter  J’apprécie          90

Videos de Nassira El Moaddem (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nassira El Moaddem
La jeunesse apparaît comme aux avant-postes dans de nombreux mouvements contestataires. de la lutte contre le changement climatique aux combats féministes, les jeunes sont-ils les nouveaux meneurs des combats actuels ?
Pour en parler Guillaume Erner reçoit Anne Muxel (politiste, directrice de recherche au CNRS et au Cevipof) et Amelle Zaïd (journaliste et co-animatrice de Débattle sur Mouv?), et Nassira El Moaddem (journaliste).
L'Invité des Matins de Guillaume Erner - émission du 28 octobre 2019 À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/saison-26-08-2019-29-06-2020
Abonnez-vous pour retrouver toutes nos vidéos : https://www.youtube.com/channel/¤££¤16De Débattle7¤££¤6khzewww2g/?sub_confirmation=1
Et retrouvez-nous sur... Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture
+ Lire la suite
autres livres classés : desindustrialisationVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (72) Voir plus



Quiz Voir plus

Pas de sciences sans savoir (quiz complètement loufoque)

Présent - 1ère personne du pluriel :

Nous savons.
Nous savonnons (surtout à Marseille).

10 questions
413 lecteurs ont répondu
Thèmes : science , savoir , conjugaison , humourCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..