Je ressors mitigée et un peu déçue de la lecture de cet essai, peut-être parce que j'ai mal compris son sujet au début.
C'est pourtant un livre bien écrit, se lisant facilement (2h avec les enfants qui jouent autour), qui cite de nombreuses séries mais aussi, en appoint des changements remarqués par l'autrice dans les représentations des sexualités féminines, des travaux philosophiques, sociologiques, historiques et de la théorie féministe.
C'est un livre qui réfléchit énormément sur le regard (pas étonnée que l'essai suivant d'
Iris Brey soit sur
le regard féminin !), celui des spectatrices et spectateurs sur ce qui leur est présenté des sexualités féminines dans les séries, en montrant que le regard s'est élargi parce que la proposition s'est élargie, ou peut-être l'inverse. Il y a un désir d'exhaustivité : l'autrice explique comment sont montrées et perçues les femmes racisées, lesbiennes, bi, trans...qui n'est cependant pas tout à fait rempli. Il manquerait un questionnement sur ce qui est montrée des sexualités des femmes handicapées par rapport aux femmes valides ou des différences dont sont représentées les sexualités selon la classe sociales des personnages. La question ne se pose peut-être pas dans le corpus choisi par l'autrice mais il est dommage que la question ne soit pas au moins abordée.
J'ai été déçue principalement parce qu'il me semble qu'il aurait fallu plus d'éléments sur la construction et la réception des différentes séries. Les scènes sont décrites pour elles-mêmes, le rapport à la société qui a pourtant créé ces séries et qui les consomme est souvent absent. Même dans la description des scènes, les éléments techniques à part le choix de poser la caméra sont peu sollicités. Je veux bien qu'une scène représente un changement important dans son traitement d'un sujet, mais si personne ne regarde la série ? Si personne ne s'en inspire ?
De plus, le choix d'ordonner les chapitres de manière thématique "écrase" en partie la portée révolutionnaire des scènes décrites, ce qui était représenté "avant "n'étant pas aussi clair que s'il y avait eu un choix chronologique. de manière paradoxale, le choix thématique, en rendant la chronologie floue , renforce aussi une narration caricaturale du progrès : dans les années 90, c'était moins bien, maintenant c'est mieux. Mais ce jugement me semble biaisé par le fait qu'on nous présente principalement dans les années 90 des séries populaires ("Sex and the City", "Dawson","Seinfeld") alors que l'analyse des séries aujourd'hui se fait sur des séries moins grand public.
Parmi ces séries peut-être plus confidentielles (mais étant des succès critiques),
Iris Brey nous explique tout le potentiel révolutionnaire de séries comme "Transparent" et "I Love Dick" et nous donne quelques éléments sur les personnes à l'origine de ces projets. Mais comment ces séries ont-elles été produites ? Ont-elles été refusées au début, leur projet a-t-il du être réécrit plusieurs fois ? Comment se fait-il qu'elles se soient affranchies des limites des autres ? Qui les financent ? Qui les regarde ? Combien de spectatrices sont touchées par ces séries ? Y a-t-il un élitisme de ces nouvelles représentations des sexualités féminines et féministes, pour créer un nouveau signe de distinction sociale ("I Love Dick" se passe dans une communauté d'artistes) ou est-ce une avant-garde, qu'on verra/qu'on a déjà vu arriver dans des séries au public plus large ?
Je pense que j'attendais un discours plus sociologique qu'esthétique, ce qui explique ma déception. En revanche, j'essaierai de me procurer l'ouvrage suivant d'
Iris Brey. En sachant précisément à quoi m'attendre, je pense que j'apprécierai plus !