Odyssée lumpen

Alberto Prunetti nous raconte sa jeunesse et son expérience dans sa recherche de travail lors d'un séjour en Angleterre.
Issu d'une famille ouvrière toscane, l'enfant qu'il était avait des facilités à l'école, aimait lire, apprenait vite, et pouvait entrevoir de sortir du cycle “tu nais ouvrier, tu meurs ouvrier”.
Il fera un lycée technique, tout en écoutant les conseils de son père Renato sur les règles à ne pas trahir dans le milieu ouvrier :
“Des règles simples. Donne un coup de main à tes collègues. Fais grève. Lèche pas le cul du patron. Sois pas un jaune”
C'est à la sortie de l'université et avec les règles de Renato en tête qu'il décide de partir en Angleterre, ne trouvant rien comme travail digne de ce nom dans sa région natale

C'est avec un humour grinçant et piquant que nous sont raconté les expériences de “bullshit jobs” pratiqué durant ces années anglaises.
Ne parlant pas un mot de la langue de Shakespeare, l'exploitation est toujours bien présente, que ce soit dans une pizzeria miteuse, ou encore comme agent d'entretien dans les latrines d'un centre commercial.
Dans tous ces différents boulots, des rencontres de personnages hauts en couleurs, issus d'une classe sociale décalée, du “lumpenproletariat”.
Ce livre indispensable nous rappelle que seul la solidarité arrive à faire tenir debout toute une frange d'une population de la classe des “intouchables, de ceux que l'on ne veut pas voir, souvent hors de la lumière.
Ce système ne tiens que par la paupérisation et les petites humiliations sur une population prise en otage pour survivre, mais jusqu'à quand ?
Un livre à mettre entre toutes les mains, qui fait l'exercice difficile de parler de sujets brûlants avec décalage, émotion et une pointe de légèreté, sans pathos inutile.

Derrière ce titre un peu obscur, une autobiographie racontée comme une fiction, sur la vie d'un fils d'ouvrier, premier diplômé de sa famille, qui va se retrouver de petits boulots en petits boulots, tout plus ingrats les uns que les autres.
C'est un livre sur le monde du travail, sur la culture ouvrière et ses valeurs, mais aussi sur le fait d'être travailleur immigré, le tout raconté avec une grande truculence : la langue est vivante, les dialogues, souvent, mêlent les langues d'Europe (on s'y perd un peu dans les premières pages), et donnent beaucoup de rythme et d'humanité aux personnages hauts en couleurs. Offensifs, irrévérencieux, à l'affut des miettes de bonheurs qu'ils peuvent grappiller, les travailleurs y sont décrit avec un mélange de férocité et de tendresse absolue. On les aime, bien que souvent sales, ou méchants, ou grandes gueules, ou délinquants.
Et puis, et c'est là l'aspect plus intime de ce livre, c'est un livre sur le père, pudique et fier.
Un très grand coup de coeur pour cette rentrée d'hiver 2024.