AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782361399122
576 pages
Le Mot et le reste (20/01/2023)
5/5   2 notes
Résumé :
Detroit, Motor City. Ce nom est depuis 100 ans synonyme de l'industrie automobile américaine, mais dans la musique, il signifie haute énergie, usine à hits, PFunk, techno. Il évoque John Lee Hooker et Iggy Pop, Marvin Gaye et Jeff Mills, Bob Seger et George Clinton. Il embrasse toute l'histoire de la musique américaine, des big bands Swing qui soulevaient des ballrooms parmi les plus grandes du pays aux soirées techno qui faisaient vibrer les murs des friches indust... >Voir plus
Que lire après Detroit Sampler : 100 ans de musique dans la motor cityVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une table des matières succincte, pas d'index, mais une bibliodiscographie érudite et sacrément appétissante pour savoir dans quoi on met les pieds. Un grand et gros volume de près de 600 pages, entièrement voué à la ville de Detroit et à la musique qui s'y est forgée, qui y a été jouée, qu'elle a influencée. Voici donc Detroit Sampler par Pierre Evil paru chez le mot et le reste.
Contrairement aux autres livres de l'éditeur consacrés aux villes, les Streets Of London, New-York, etc, la démarche de l'auteur est ici beaucoup plus historique que touristique. On ne se ballade pas de quartiers en quartiers, de rues en rues. Detroit Sampler démarre avec l'histoire de Detroit, la construction automobile et les usines d'armement, les émeutes de 1943 et 1967, le fordisme industriel et l'idéologie de son fondateur, les migrants de l'intérieur qu'ils viennent du Delta, du Texas ou du Kentucky, les luttes sociales, syndicales et raciales. le livre est nourrit de ces passages sur l'histoire et la politique, indissociables du contexte de la création musicale locale.

Tous les genres y sont abondamment traités, du blues à la house, du hillbilly à la soul, et autres rock, rap, funk, hard core, etc. C'est une formidable énergie musicale qui se greffe à l'essor économique de la ville.
À Detroit, on écoute de la musique partout, chez soi ou dehors, on danse et on achète des disques. Après les dancings et les big bands,  Pierre Evil fait monter sur scène un bluesman au style rêche et archaïque, à la voix rauque et âpre. John Lee Hooker trime en usine le jour et passe ses nuits à jouer dans des bouges de Detroit quand il est repéré par Berbie Besman qui lui fait enregistrer son premier 78 tours, 'Boogie Chillen'. Sa carrière est lancée alors qu'il vient de dépasser la trentaine. Enregistrements multiples, distribution aléatoire, contrats farfelus, gains détournés, P. Evil s'appuie sur les déboires du bluesman pour montrer l'envers du décor, ce qui ne se voit pas de la scène, ni n'entend sur disque. Et ce n'est pas très beau, à Detroit comme ailleurs.
Quelques années après, Motor City, le surnom de Detroit va être supplanter par un autre : Motown. Motown c'est Berry Gordy, patron d'une usine dont la devanture est ornée d'un 'Hitsville' clinquant. Une usine à tubes, à danser. Ces pages justifient à elles seules l'achat du livre. le fonctionnement méthodique du label, l'organisation en studio, les compositeurs (Smokey Robinson, Holland/Dozier/Holland, Norman Whitfield, etc)  et les musiciens (les secrets Funk Brothers), et bien sûr toutes ces voix, Martha Reeves, Mary Wells, les Four Tops, etc, jusqu'au révolutionnaire 'What's Going On' de Marvin Gaye. Tout est sous nos yeux, avec lucidité, intelligence et passion. Ces pages sont littéralement pavées de petits chefs-d'oeuvres.
À Detroit la soul c'est principalement Motown, mais pas que, c'est aussi tout ces petits labels moitié francs-tireurs moitié opportunistes qui ont sorti une quantité de disques plus ou moins bien produits et quelques hits d'artistes délaissés ou virés d'Hitsville.
À quelques rues émerge le raffut du 'Dope, rock'n'roll & fucking in the streets', ce moment où le rock devient un adulte en colère en passant du twist à la guerre au Vietnam, l'émergence des garage bands et du MC5, groupe entre avant-garde, activisme et provocation permanente.
"Ils étaient cinq, donc. Cinq jeunes gars de Lincoln Park, banlieue sud de Detroit, cité-dortoir des ouvriers des usines Ford de Dearborn et River Rouge. Cinq fils de prolos, gueulards, arrogants et malins comme seuls peuvent l'être ceux qui n'ont d'autre choix qu'entre l'usine et le rock ; et qui ont choisi le rock."
Un détour rapide par Alice Cooper puis par Grand Funk Railroad où l'auteur démontre son habilité à désosser un groupe et sa musique en moins de deux pages, on arrive à ce que Pierre Evil appelle "le vrai groupe américain", le groupe de Detroit connu dans le monde entier, qui n'est d'ailleurs pas de Detroit mais ne chipotons pas pour quelques kilomètres. Toute la folie destructrice, la fascination ou le rejet, la violence musicale et la violence physique transpirent des quelques pages dévouées à Iggy Pop et aux Stooges.

Il y a tous ceux que j'ai cité, et il y a surtout tous les autres. La pléthore de tocards, de tacherons, de malchanceux déterrée de l'oubli par Pierre Evil, tous ceux retournés à l'anonymat après un ou deux 45t sur un label de quartier, ceux qui ont connu un vague succès, et les stars, George Clinton, Eminem, Carl Craig, Jack White et sa surprenante trajectoire, etc. Tous contribuent à faire de Detroit une des villes à l'influence musicale faramineuse.
La musique y est nerveuse et déchaînée, comme un négatif de la Côte Ouest, moins prétentieuse que New York, bien moins coincée et plouc que le Sud.

Pierre Evil écoute, dissèque, raconte avec humour et passion, en faisant preuve d'une érudition époustouflante qui font que même les chapitres où la musique traitée m'intéresse un peu moins viennent à me captiver et à faire de ce livre tentaculaire un vrai page-turner comme on le dit d'un roman qu'on ne lâche pas avant 2h00 du matin.

Detroit Sampler, une somme, un énorme périple musical, dont arrivé à la fin on peut se dire : "Je l'ai lu !"
À la question "Qu'est-ce qu'un excellent livre sur la musique ?", la réponse est aisée : Detroit Sampler.



Pour compléter et guider la lecture, l'auteur a concocté une playlist de goinfre écoutable sur youtube.
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Et si "What's Going On" criait si fort pour être entendu, c'était aussi parce que Marvin Gaye s'était tu après l'avoir enregistré. Pas prêt à lâcher une chanson dans laquelle il avait tant investi, émotionnellement et artistiquement, il s'était mis en grève, tel un OS de Dodge Main après une décision odieuse de la maîtrise, refusant d'enregistrer quoi que ce soit tant que "What's Going On" n'était pas sorti en 45-tours.
Parce que lui savait ce qu'il avait fait lorsqu'il avait enregistré cette chanson-là. Il savait qu'il avait fait un disque qui ne ressemblait à aucun autre disque de Motown, ni d'aucun autre label, d'ailleurs, et il savait que le monde entier s'en rendrait compte.
Commenter  J’apprécie          40
Cette histoire de fille à pistolet n'était pas qu'une pochade de fin de soirée à la texane. Car, dans l'Amérique en guerre, les femmes n'étaient plus ces petites choses fragiles et rangées que les hommes se plaisaient à séduire et protéger. Eux, de toute façon, n'étaient plus là pour le faire : ils étaient aux quatre coins du monde, débarquant dans des îles inconnues au large du Pacifique, patrouillant à Alger ou se battant dans des villages d'Italie et de France ; et elles, de leur côté, elles soudaient, elles boulonnaient, elles rivetaient dans les usines en manque de main-d'œuvre. Une chanson écrite en 1942 leur donnera un nom ; ou plutôt, un prénom : Rosie la riveteuse.
Commenter  J’apprécie          20
Il faut dire que, à Detroit, en ce temps-là, les occasions ne manquaient pas pour qui voulait célébrer son amour inconditionnel de la musique amplifiée, entre les concerts au Grande ou à l'East Ballroom et tous ces festivals qui donnaient sans cesse de nouvelles raisons de brandir le poing, de hocher la tête, et de communier dans ce culte brutal et simpliste, le culte du rock. Un culte païen dont les Saintes Écritures étaient des disques, des 33-tours que l'on faisait tourner en boucle à longueur de journée, affalé par terre ou le casque sur les oreilles, à la recherche du sens caché qu'ils contenaient forcément.
Commenter  J’apprécie          10
Autant d'histoires et de moments qui ont tous un point commun — l'argent. L'argent que l'on gagne, l'argent que l'on investir, l'argent que l'on réclame, l'argent que l'on perd, l'argent que l'on refuse de partager, l'argent que l'on dépense, l'argent que l'on espère. Motown, oui, était aussi une affaire d'argent. Une entreprise. Un business. L'usine à hits, dans la ville des usines. Où l'on dansait sans cesse sur la frontière entre l'art et le commerce ; entre la pureté et le cynisme ; entre l'exaltation et l'exploitation. Et c'est même cela qui rend cette histoire si exemplaire.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : musiqueVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Pierre Evil (2) Voir plus

Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}