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EAN : 9782867180040
336 pages
A l'Enseigne de l'Arbre Verdoyant (01/07/1987)
4/5   1 notes
Résumé :
Voici l'histoire de treize travailleurs des deux sexes, et de leurs familles, qui ont vécu il y a environ cent ans et qui avaient été interviewés par les doctes et moraux enquêteurs de la Société d'Economie Sociale de Frédéric Le Play. Comment vivaient-ils? Comment étaient ils logés? Comment se nourrissaient-ils? Comment étaient-ils habillés? Quelles étaient leurs conditions de travail? Quelles étaient leurs distractions et leurs aspirations? Des réponses précises, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Frédéric LE PLAY (1806-1882) est un peu tombé dans l'oubli pourtant il fut le premier à avoir recours à une sociologie dite de terrain. Son objectif était de prouver que ses théories étaient fondées. En réalisant des études de cas, il pensait pouvoir démontrer que le meilleur système était celui où le travailleur était protégé par « un seigneur » bienveillant. Que l'on soit d'accord ou pas avec sa théorie, il n'en demeure pas moins que Frédéric LE PLAY était un sociologue doué et que son étude en plus d'être intéressante se lit facilement et n'est pas du tout pompeuse.

Le postulat de départ est simple, prendre plusieurs professions et leur poser des questions sur leur mode de vie. Ainsi ont été questionnés :
- un charpentier
- un agriculteur
- un paysan
- un porteur d'eau
- un maître de barque
- un typographe
- une lingère
- un instituteur
- un mineur (Californie, Etats-Unis)
- un brigadier de la garde républicaine
- un manoeuvre à famille nombreuse
- un brocanteur
- un ouvrier cordonnier
L'étude portait sur l'état civil de la famille, leur religion et leurs habitudes morale, l'hygiène et la santé, le rang de la famille (sous-entendu dans la société), leurs propriétés (biens mobiliers et immobiliers), les subventions (aides dont ils peuvent bénéficier), leur alimentation, leur habitat, leurs récréations, l'histoire de la famille et enfin afin de tenir compte des particularités de chacun des notes retraçant les « faits important d'organisation sociale, particularités remarquables, appréciations générales et conclusions » qui viennent boucler l'étude de chaque corps de métier.

Si chaque profession a ses particularités cette étude met en lumière que beaucoup de gens du peuple travaillent énormément (en moyenne 8 heures par jour l'hiver et 10 heures par jour l'été sans compter les heures supplémentaires) ce qui leur permet tout juste de se nourrir et de se loger. Les repas sont loin d'être copieux et variés. le pain constitue un aliment de base, le travailleur manuel en consomme environ 1/2 kg par jour. Les logements sont petits (entre 18 et 25m² que l'on écrit à l'époque mètre quarrés) et composés de 2 pièces dans la plupart des cas.

J'ai beaucoup aimé l'étude sur le charpentier de Paris. Un homme simple dont l'objectif est d'être considéré comme un ouvrier honnête et habile. le sociologue (un peu rabat joie) souligne que la famille est peu croyante ce qu'il juge comme néfaste à leur moralité. Il critique aussi leur incapacité à épargner due à leur générosité (comme si c'était une tare) mais salue la propreté et l'hygiène de la maison. J'ai été surprise de voir que certaines « traditions » sont si vieilles en effet à l'époque déjà pour soigner les douleurs l'ouvrier va voir un rebouteur, il emporte « sa gamelle », et chaque ouvrier est affublé sur le chantier d'un sobriquet qui le caractérise. Etant fille d'ouvrier tout ça me parle beaucoup et je ne pensais pas que c'était si vieux. D'ailleurs moi aussi j'emporte « ma gamelle » au bureau pour le midi, terme qui en a surpris plus d'un !
L'étude prend un tour très intéressant quand le charpentier parle de son compagnonnage. J'ignorais qu'il y avait différentes structures, ici il y a Les compagnons du devoir et Les compagnons de la liberté, cette dernière étant plus récente. Ce système de compagnonnage est à la fois un système d'apprentissage, d'instruction, de moralisation et d'assurance mutuelle. Elle a sa propre hiérarchie, ses propres us et coutumes et ses mystères. Une sorte de système de retraite est mis en place. Lors des grèves cette structure revêt une importance capitale. Lors de la grève de 1845 les charpentiers ont pu obtenir une revalorisation de leurs salaires en faisant grève durant 2 mois. Ceux qui tentaient de travailler en dessous du prix fixé étaient violemment rappelés à l'ordre. Ceux qui arrivaient à travailler au prix demandé reversaient une partie de leurs gains pour assurer la survie des grévistes. Les compagnons ont même obtenu un prêt auprès d'une banque pour palier à l'absence de rentrée d'argent dans les foyers. Prêt que chacun a remboursé par un prélèvement sur son salaire quand le travail a repris.

L'histoire de la Lingère de Lille est plus triste, elle permet d'appréhender le devenir d'une fille-mère. Statut que les institutions de bienfaisance voient d'un mauvais oeil et qui donc ne peut bénéficier d'aucune aide. S'ajoute à cela le fait qu'un enfant légitime (nés de parents mariés) ira à l'école gratuitement, tandis qu'un enfant naturel (de parents non mariés ou de père inconnu) devra payer l'école. S'ajoute à cela la situation catastrophique des ouvriers Lillois qui voient arriver sur le marché les ouvriers Belges qui sont moins exigeant niveau salaire et conditions de travail. de quoi attiser les rancoeurs et créer une situation tendue.

J'ai été étonnée de savoir qu'à la sortie de l'école (vers 12/13 ans) un enfant sait « un peu » lire et écrire mais la plupart oublieront vite faute de pratique. Une école qui se borne à enseigner la lecture, l'écriture, la morale, les poids, les mesures et le calcul. Il faut dire que certains enfants faisant 8 km à pied pur venir à l'école ils doivent être un peu fatigués à l'arrivée. Et surtout on part de très loin.

J'ai croisé également un manoeuvre père de 15 enfants !!!! Une famille très pieuse qui ne fait qu'un repas par jour et qui ne boit que de l'eau quand, à l'époque, on consomme surtout du vin ou du cidre. C'est Zola : aucune économie possible, un labeur ininterrompu et le Mont de Piété comme seule « banque ». A la moindre interruption de travail (chômage, blessure, …) c'est la catastrophe.

J'ai souri en lisant notre sociologue qui, lors de son analyse de la situation du mineur en Californie, s'est fortement indigné du traitement réservé aux Indiens, Chinois et Noirs. J'ai souri car sur la forme aujourd'hui le pauvre se ferait incendier en voulant défendre ces peuples. Les a priori sont fortement ancrés et il parle de « races » et de « nègre » à tout bout de champ. Selon lui « le mélange des races ne semble pouvoir rien donner de bon ». Nous sommes dans les années 1800 et même avec les meilleurs intentions du monde la route est encore longue et le poids des préjugés énorme et insidieux… C'est ainsi qu'on verra que les ouvriers du Nord de la France sont enclins à « l'ivrognerie » que les Auvergnats sont « très économes » et j'en passe… Il y a quand même quelque chose dans ce livre qui m'a fait très plaisir. Cette reconnaissance du labeur et de la morale des travailleurs qui quelle que soit leur situation en imposent par leur fierté, leur courage et leur honnêteté.

Une étude très intéressante d'un point de vue historique et humain. Clairement désuète aussi mais c'est ce qui fait son charme.


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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Enfin comme la plupart des ouvriers celui ci vit dans une complète imprévoyance, et, ainsi qu'il arrive souvent en pareil cas, spécialement chez les ouvriers parisiens, une générosité facile forme un trait aimable de son caractère. A une époque où ses moyens de subsistance étaient compromis (1841 à 1851), il adoucissait les derniers jours de sa belle-mère en lui dissimulant, avec une courageuse abnégation, les charges que sa présence imposait à sa famille. Aujourd'hui, dans une situation plus heureuse, il écarte tout préoccupation d'avenir, pour accroître jusqu'à l'extrême limite de ses ressources, le bien-être matériel de la communauté.
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