Bouffonnerie noire

Ce jour-là, il n'était pas encore une heure après-midi qu'il grimpait les marches et frappait, non pas sur un poteau ou le chambranle de la porte, mais sur le dessous même du toit de la véranda, entrait, et faisait tinter l'étincelante cascade de dollars d'argent, sur la table bien astiquée de la cuisine où son déjeuner mijotait sur le fourneau et où l'attendait la baignoire de tôle galvanisée pleine d'eau bien chaude, la boîte à levure anglaise remplie d'un onctueux savon, la serviette faite de deux sacs à farine, dûment lessivés, cousus ensemble, sa salopette toute propre et sa chemise toute fraîche. Alors Mannie ramassait l'argent, s'en allait à l'économat, un demi-mille à pied, acheter leurs provisions pour la semaine suivante et déposer le reste dans le coffre-fort d'Edmonds, puis elle retournait chez elle, et, sans être obligés de se hâter ni de se bousculer au bout de cinq jours, ils auraient encore une fois de quoi manger : le porc salé, les légumes, le pain de maïs, le petit-lait pris à la laiterie et le gâteau qu'elle confectionnait tous les samedis, maintenant qu'elle avait un fourneau où le faire cuire.

Vous autres, shérifs, vous n'êtes bons qu'à bavarder à longueur de journée dans votre palais de justice. Pas étonnant que deux ou trois hommes puissent entrer et vous souffler vos prisonniers sous votre nez ! Ils vous prendraient aussi vos chaises, vos bureaux et le rebord de vos fenêtres si jamais vous en ôtiez assez longtemps vos pieds et vos derrières.