Troisième roman d'
Estelle Faye, après
La dernière lame et Porcelaine, roman fort bien reçu par la critique (il a notamment obtenu le prix elbakin.net 2013). J'ai beaucoup aimé
Un éclat de givre. Pourquoi ? Plusieurs raisons à cela, mais la principale réside sans nul doute dans son originalité.
Certes, il s'agit de nouveau d'une histoire post-apocalyptique. Les auteurs de SF actuels ont beaucoup d'attrait pour ce genre actuellement. Pourtant, le traitement qui en est fait m'a beaucoup séduit. Tout se passe au XXIIIè siècle, à Paris, mais dans un Paris méconnaissable tant les affres du temps l'ont transformée. On perçoit, au fur et à mesure de la lecture, que le monde n'est plus circonscrit qu'à Paris elle-même. En effet, une production à outrance du gaz de schiste a modifié le sous-sol de la Terre, jusqu'à le rendre totalement stérile. Au cours des XXII et XXIIIe siècle, des gouvernements d'urgence se sont mis en place, jusqu'à ce que l'anarchie l'emporte. Plusieurs générations ont passé, et nous voici en présence de Chet, jeune homme de 23 ans, désormais orphelin, qui gagne difficilement sa vie en chantant du jazz dans des bars le soir. Quand le roman commence, Chet se trouve dans l'un de ces bars et remarque qu'un séduisant jeune homme, un Frelot (un des hommes qui garantit la sécurité sur la Bordure), vient le voir tous les soirs depuis quelque temps. Chet, qui en a vu d'autres, essaie d'entrer en contact avec lui, mais le Frelot l'évite toujours, amenant un subtil jeu de séduction entre les deux hommes. Mais qui est vraiment ce Frelot ? Quel est son dessein ?
Le but de Galaad, le surnom que Chet a donné au Frelot et qu'il considère comme son chevalier, est d'amener Chet à retourner en Enfer, cette zone qui a investi les zones souterraines des catacombes et qui constitue une deuxième ville, sous la ville, où se concentrent les parias de tout poil. Car Chet y a déjà vécu quelques temps il y a quelques années, vivotant entre le stupre et la drogue. Un blondinet qui aimait bien Chet, surnommé
Virgile, l'en avait extirpé, voyant en lui une pureté à sauver. En Enfer circulerait actuellement une drogue spéciale, la Substance, qui a pour effet de limiter les effets de la canicule en conservant le corps de ses consommateurs froids. Mais l'un de ses effets principaux réside dans le fait qu'elle annihile tout sentiment d'individualité chez ses consommateurs, qui au fur et à mesure des ingestions, ne forment plus qu'une seule entité cérébrale, comme si en quelque sorte ils devenaient les différentes parties d'un même esprit. Qui se cache derrière cette affaire ? Qui manipule la population, et à quelles fins ?
Un roman complètement barré, mais fort bien écrit. C'est un régal pour les yeux et l'esprit de lire un français si correct et si riche. J'ai à plusieurs reprises dû ouvrir mon dictionnaire pour connaître la signification de certains mots. Bravo à l'auteure pour ce travail. Mais j'ai apprécié plus encore le monde créé par
Estelle Faye. le Paris qu'elle nous dépeint est proche du nôtre, mais en est tellement différent ! Les trouvailles sont géniales, on s'y croirait presque. Et surtout, ce que j'ai aimé le plus, c'est Chet. On s'attache beaucoup à ce personnage, plein de défauts, mais qui aime tellement la vie ! le traitement de sa bisexualité est fort intéressant ; ses sentiments compliqués avec Galaad, d'une part, et Tess, d'autre part, sont émouvants (émouvant aussi son rêve où ils sont tous les trois). Bref, un roman hyper moderne je trouve, qui nous change de ce qu'on peut lire d'habitude, une écriture dense, riche, prolifique, haute en couleurs. Bref, un coup de coeur littéraire. Sans oublier de féliciter les
Moutons Electriques pour l'objet éditorial proposé, doté d'une très belle couverture signée
Aurélien Police.