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EAN : 9782970070184
170 pages
Olivier Morattel Editeur (05/10/2012)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Quatrième de couverture :

Deux hommes s'aiment. Délaissant leurs épouses, ils sont dès lors confrontés aux quolibets de leur milieu conformiste et terrien : le viticulture. Loin des villes, ce microcosme étriqué et peu parlant s'évertue à leur faire payer cet écart de la norme.

Dans l'un des plus beaux décors du monde, la quête d'identité et le souffle de la mort traversent ce roman entre cie, terre et eau. La rudesse des caractères, de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai aimé ce livre pour diverses raisons, mais en particulier par l'originalité de l'endroit ou se situe l'histoire : le milieu des viticulteurs-vignerons. Ensuite par la façon dont nous en prenons connaissance. Nous sommes dans un monde exclusivement masculin.

Tout d'abord, il y a Paul, «garçon au coeur de fille», Roberte, sa femme aigrie après des années de vie commune et qui ne lui inspire plus qu'indifférence sinon haine : "matrone aigre qui sabote mes jours". Sa rencontre avec Roger, son "amoureux", vigneron également, qui vit dans un autre village plus haut..

De par son hérédité et l'exercice de son métier, Paul est devenu alcoolique. Pour tenter d'y remédier et sur les conseils de Roger sur qui le sevrage a bien fonctionné, il entreprend de voir régulièrement une psy qu'il appelle Madame. Ce qui lui permet de lui raconter sa vie, ses manques, ses demandes névrotiques et dépendantes et de se remémorer ses réflexions et ses émotions.

Nous partageons, son quotidien, rythmé par les saisons et l'entretien des cépages, la récolte du raisin, la fabrication du vin et ses aller-retour réguliers à la cave pour les dégustations, les visites de touristes, clients potentiels et une vie de couple pleine de rancoeurs et de non dit. Nous assistons à la rivalité des maisons voisines toutes concurrentes entre-elles.

"Sait-on quand on visite un village typique du bout du monde et sympathique et chaleureux, architecturalement irréprochable qu'il est un guépier, un dépotoir muet de rancunes ancestrales, de chapelles et de clans opposés"

Dans ce village ou il ne se passe jamais rien, sa relation avec Roger, provoque des sous-entendus, des regards en coin, des sourires narquois, harcelés par une «corneille» qui on le saura plus tard n‘est autre que l‘épouse du pasteur et subissant les tags provocateurs des ados du village. "On" s'interroge sur ce que peut penser l'épouse et son rôle dans ce ménage à trois :

"car si les regards sont indifférents, les pensées, elles, ne le sont pas".

Paul aime Roger, dont « le visage a cette noblesse terrienne des aristocrates de la terre penchée », avare de paroles, bourru physiquement et de caractère : "sa timidité subit l'érosion de ma tendresse".

dont les gestes rares font qu'ils se comprennent sans avoir besoin de parler, et avec qui il peut laisser libre court à ce qui fait sa féminité : douceur, sensibilité et sensualité. 

Pendant que Roberte l'épouse de Paul s'est absentée pour rendre visite à sa fille installée en Afrique, Paul et Roger surnommés les deux cousines par un voisinage puritain et malveillant essaient de vivre, discrètement mais plus ou moins au grand jour, leur relation.

"Quel est l'avenir de deux vignerons gays, dans la sclérose d'un pays de traditions, d'esprits le plus souvent moralistes. Combien de décennies pour rattraper ce que nous avons vu dans la capitale proche ? Dépravation qui sans nous choquer ne nous plait pas. Débauches vues ou racontées, vulgarité ordinaire et guidée seulement par les sens les plus primaires".

Nous n'en demandons pas temps. Qu'on ne nous fuie pas, qu'on évite de nous ignorer en face tout en se retournant après s'être croisés près de la fontaine. Voir des amoureux comme des assassins me paraît gougnafier".

Ils profitent de l'absence de Roberte et d'un mois calme en vigne pour se faire plaisir et se rendre à la Scala, à bord d'un car plein de gays, puisque l'agence organisatrice ne fait que des gaystours. (Petit étonnement de ma part quand même, car pour des personnes découvrant leur homosexualité réciproque au fin fond de la Suisse Romande… mais bon, on va pas chipoter)

Roberte revient après quelques mois passés en Afrique ou elle était allée visiter sa fille, et ou subir quelques transformations esthétiques. A partir de là, fini la tranquillité :

"Roberte n'a plus qu'une mission, vitale pour elle : me faire payer la note de la honte, son ulcération morale".

l'enfer quotidien reprend ses droits et pour le fuir, Paul part vivre chez Roger. La mort accidentelle de Roberte le lendemain de son retour d‘Afrique, laisse la place libre à Roger. Aucun regret ne viendra attrister Paul qui feindra la tristesse non par conviction mais par convenances.

Ce livre est bon et beau. D'une lecture agréable. On sent que l‘auteur connaît parfaitement son sujet. les termes, les expressions sont choisies avec soin. Contrairement à beaucoup de livres traitant d'homosexualité, nul besoin d'écrits imagés. La vulgarité n'a pas sa place

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L'éditeur ne prend pas le lecteur par traîtrise. Millésime est revêtu d'un bandeau arc-en-ciel sur lequel est reproduite une citation de Marcel Jouhandeau, écrivain au grand style, qui a fini par assumer son homosexualité, tout en restant marié à Elise:
 
"Le coeur a ses prisons que l'intelligence n'ouvre pas."
 
Cet aphorisme, qui rappelle celui de Blaise Pascal, figure également au tout début du livre, en exergue.
 
Paul Pache est vigneron. Dans la famille Pache on l'est de père en fils et le village où il demeure, sur la rive vaudoise, d'où l'on voit la France, n'existerait pas depuis des siècles sans la vigne, le vin, les buveurs et les ivrognes.
 
Paul est marié à Roberte avec laquelle il a eu trois enfants, deux filles et un garçon, qui ne vivent plus à la maison. Et Roberte qu'il aimait fait tout maintenant pour se faire haïr de lui, sans qu'il en vienne pour autant à détester les femmes et à feindre de ne pas voir la jolie citadine qui loge au village.
 
Car Paul aime les belles et les beaux, mais il se hait. Alors il boit et meurt de boire:
 
"Le liquide a remplacé le solide de nos relations effondrées."
 
Depuis toujours il repousse son désir culpabilisant qu'il ressent au tréfonds de lui pour les beaux, d'où le malaise que sa mère à la tendresse grandissante avait perçu. Depuis toujours il reporte ce désir sur "une tendresse conjugale sans issue". Jusqu'au jour où il glisse "de l'amour des femmes à cette tendresse complice de gars qui pensent autrement".
 
Son gars s'appelle Roger. Il est vigneron comme lui. Il est marié comme lui. Il vit dans le même village que lui. Pour l'amour de Roger, pour vivre fort avant de mourir, Paul s'oblige à un sevrage et à suivre les prescriptions d'une psy. Ce qui est le comble pour qui s'exprime en ces termes sur le produit qu'il élève:
 
"Je vois le vin comme un sublime produit de la civilisation, je l'adule, je le vénère, je l'ai sacralisé. Il est aussi rempli de cette nature que j'adore, le silence des parchets, de la cave qui mature, du village qui se soucie."
 
Mais il tient bon, comme il tient bon sous le regard des autres:
 
"J'aime un homme, et ici, c'est comme aimer une chèvre, tout aussi contre nature."
 
Tenir bon n'est pourtant pas facile dans un cas comme dans l'autre.
 
Ne pas boire:
 
"Le manque m'obsède, sentir ce liquide d'or gouleyer dans le cou, le tourner sur la langue et qui laisse ses codalies le plus longtemps possible dans mon arrière-gorge."
 
Etre rejetés:
 
"Qu'on ne nous fuie pas, qu'on évite de nous ignorer de face tout en se retournant après s'être croisés près de la fontaine."
 
Si Paul et Roger tiennent bon, c'est parce qu'ils sont enfin eux-mêmes:
 
"J'ai le sentiment profond que la vulgarité c'était avant, quand nous mentions à nos propres vies, quand nous travestissions l'individu pour l'intégrer au social obligé."
 
Et puis il y a ce paysage à nul autre comparable, qui, avec la tendresse d'une mère, a déjà aidé Paul à se remettre sur pied dans le passé:
 
"J'avais ce ciel et ce lac, cette lumière sans pareille, le froissement des feuilles qui chuchotaient, le bateau blanc sur lequel je n'avais encore pas mis le pied, cinglant dans le silence, son drapeau rouge à l'arrière, coup de ciseau dans le papier bleu à nos pieds."
 
Paul et Roger ne cherchent pas à faire de prosélytisme ni à convaincre. Certes, subissant des discriminations, ils ne peuvent s'empêcher de mesurer "quelques différences entre le monde dit normal et le milieu, celui justement [qu'ils ne fréquentent pas]", mais ils ont en fait une tout autre préoccupation:
 
"Le millésime de notre amour doit mûrir, on l'élève comme une cuvée spéciale, unique."
 
Un coup de pouce du destin leur permettra de parvenir à leurs fins...
 
Le lecteur, qui surmonte ses éventuelles préventions, sera récompensé par les trésors d'expression qu'il découvrira dans ce livre et dont les quelques citations précédentes lui auront, j'espère, donné un avant-goût prometteur. Si besoin est, l'intelligence du coeur suffira à lui ouvrir l'accès des pages où ils se tiennent précieusement enfermés.
Francis Richard
Lien : http://www.francisrichard.ne..
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Du début à la fin, une merveille. Une incroyable poésie parfois un peu crue mais toujours juste et captivante. J'ai adoré cette lecture. Connaissant la région et quelque-peu le milieu ou cette histoire se déroule, elle m'a beaucoup touchée.
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