Emportée par mon admiration envers
le dernier livre de
Caryl Ferey,
Okavango, et sachant, par le titre, que l'auteur parlait de l'Afrique du Sud, j'ai commencé la lecture de :
Zulu.
Mal m'en a pris.
Pire encore : je me suis sentie comme obligée de continuer la lecture, très instructive, très documentée jusqu'à me trouver acculée à lire des horreurs. Qui me font abandonner 20 pages avant la fin : l'histoire, l'élucidation de deux meurtres de jeunes filles, finit par n'avoir plus aucun intérêt, noyées qu'elles sont dans d'autres meurtres sans rapport et racontés par le menu.
le point de vue : l'Afrique est malade, la « résilience post-apartheid » n'arrange pas la situation décrite maintes et maintes fois : drogue, violences, actes de terreur qui se répandent dans le pays, corruption, gangs et mafias, y compris parmi les deux partis opposés, l'Inkatha et l'ANC, tous deux luttant contre l'apartheid, et entre eux aussi.
L'intérêt, parce qu'il est indéniable, consiste en l'analyse de la situation passée : les Africaners ou boers sont arrivés depuis la Hollande, en haillons, illettrés, et ont été confrontés aux Anglais.
« Atavisme anthropologique ou syndrome d'une fin de race annoncée, les Boers étaient les éternels perdants de l'Histoire — suite à la guerre éponyme qui avait vu leur vainqueur britannique brûler leurs maisons et leurs terres, vingt mil
le d'entre eux parmi lesquels femmes et enfants étaient morts de faim et de maladie dans les camps de concentration anglais où on les avait parqués — et l'instauration de l'apartheid leur plus vaine défaite. »
Défaite, puisqu'elle reposait sur de vieilles peurs reptiliennes, dont la peur de l'homme noir, la phobie de l'autre censé capab
le de ce qui est le plus répugnant.
Trois personnages : Ali Neuman, Zoulou, ayant assisté au massacre de son père et de son frère.
Brian Epstein, Africaner haïssant son père, et porté par l'amour pour une jeune noire :il découvre horrifié « la clandestinité, la torture, les disparitions, les procédures arbitraires des services spéciaux, les meurtres d'opposants », tout ce que le peuple Xhosa (dont font partie Mandela, Miriam Makeba,
Desmond Tutu) doit subir sous l'apartheid.
Et Dan Fletcher, père de deux enfants, marié à Claire, malade de cancer.
Les trois partenaires sont donc confrontés au meurtre d'une jeune fille, or, en Afrique du Sud, ce sont bien plus l'appartenance à la race blanche ou non qui fait la différence.
Ceci, même après la fin de l'apartheid et l'arrivée au pouvoir de l'ANC ; car le père, blanc de la jeune massacrée a bien l'intention de rappeler « les chiffres, plus de cinquante meurtres par jour, les manquements de la police, incapab
le de protéger ses concitoyens, avant de gloser sur la pertinence du rétablissement de la peine de mort… ».
Un autre Africaner par
le de l'incapacité des Noirs à gouverner, et pourtant, pense Ali le Zoulou : « La nouvelle Afrique du Sud devait réussir là où l'apartheid avait échoué : la violence n'était pas africaine mais inhérente à la condition humaine. En étirant ses pôles, le monde devenait toujours plus dur pour les faibles, les inadaptés, les parias des métropoles. L'immaturité politique des Noirs et leur tendance à la violence n'étaient qu'une vieille scie de l'apartheid et des forces néo-conservatrices aujourd'hui aux commandes du bolide. Il faudrait des générations pour former la population aux postes stratégiques du marché. Et si la classe moyenne noire qui émergeait aspirait aux mêmes codes occidentaux, il fallait connaître un système de l'intérieur avant de le critiquer et, pourquoi pas, le réformer en profondeur… »
Ce petit voyage à l'intérieur du pays le plus violent au monde me parait plus que suffisant, aussi arrêtons-nous là, pour ne pas faire de cauchemars ainsi qu'en avait éprouvés mon amie Sylvie @sylviedoc à la lecture d'un autre livre de
Caryl Ferey.