Aimez-vous les westerns ? A cette question la plupart des personnes interrogées répondront positivement, en des référant à quelques chefs-d'oeuvre comme La Prisonnière du désert, Rio Bravo ou encore Il était une fois dans l'Ouest. D'autres au contraire mettront en avant le côté ultranationaliste, raciste et machiste qui en a été longtemps la caractéristique du genre (et qui malgré de belles prises de conscience, perdure encore dans beaucoup de productions). Mais les unes et les autres s'en tiendront au western de cinéma, alors qu'il existe depuis plus de cent ans un western de littérature. Car la littérature de l'Ouest existe, elle est même triple : il existe des romans adaptés pour le cinéma, il existe des films « novellisés » par les scénaristes ou des écrivains dont c'est la spécialité, il existe enfin des romans écrits sans intention d'adaptation (du moins au départ), dont l'intérêt est purement historique, psychologique ou simplement romanesque.
Pour les Babélionautes que le sujet intéresse, je ne peux que conseiller fortement l'excellente série parue chez Babel, « L'Ouest, le vrai », qui rassemble une bonne quinzaine de romans, la plupart ayant inspiré des films de qualité, (on y trouve entre autres La captive aux yeux clairs de
A. B. Guthrie, le vent de la plaine, d'Alan le May,
Terreur apache de
W. R. Burnett, et bien d'autres. Signalons, cerise sur le gâteau, que chaque roman est accompagné d'un dossier aussi complet que passionnant, composé par
Bertrand Tavernier, spécialiste, s'il en est du cinéma américain.
Mille femmes blanches, pour l'instant, n'a pas été filmé. Mais il semblerait que les droits ont d'ores et déjà été achetés et que plusieurs scénaristes, dont l'auteur du roman, planchent déjà sur le sujet.
Et quel sujet : En 1874, un traité entre le Président des Etats-Unis Ulysse Grant signe un traité avec le chef Little Wolf, stipulant l'échange de mille chevaux contre
mille femmes blanches destinées à vivre pendant deux ans chez les Cheyennes, ceci dans le but de permettre à la tribu de survivre, à la fois en termes de repeuplement et de maintien d'une civilisation en voie de disparition.
C'est donc l'histoire de ces mille femmes (en tous cas une bonne poignée d'entre elles), qui nous est contée par May Dodd, qui tient un journal où, jour après jour, elle décrit leur intégration dans le monde des Indiens et de façon plus générale l'agonie du peuple cheyenne, victime d'un génocide qui ne dit pas son nom.
Vous serez pris d'emblée par l'atmosphère de ce livre. Vous admirerez le courage de ces femmes venues d'horizons divers, elle-même, Mary, internée par sa famille pour avoir eu des enfants hors mariage, Phémie, une esclave noire, les jumelles Suzie et Meggie Kelly, sorties d'un pénitencier, la douce Martha, Helen Flight, une authentique lady anglaise… Vous tremblerez avec elles lors des exactions commises par les soldats, vous sourirez devant le portrait de leur amie Gertie, une véritable
Calamity Jane au naturel… Je vous garantis qu'au bout du livre, vous aimerez ces femmes de caractère (quelques-unes ne l'étaient pas au départ), d'une dignité et d'une fierté peu communes. Et bien sûr vous serez révoltés par l'attitude cynique des gouvernants, auteurs d'un massacre généralisé et déjà auto-amnistiés.
Mille femmes blanches (1998) n'est que le premier tome d'une trilogie. Il est suivi par
La vengeance des mères (2016) et
Les amazones (2019) qui poursuivent et complètent l'épopée de ces femmes inoubliables.