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3,19

sur 602 notes
Ouf! J'abandonne enfin Les jours de mon abandon..

Une lecture marquante, une écriture magistrale- mais une épreuve, une véritable souffrance- physique- jusqu'à la nausée, jusqu'au malaise...

A priori, rien que de très banal: le récit à la première personne d'une "femme rompue", Olga, mère de deux jeunes enfants, quittée, après quinze ans de mariage, par un mari attentionné et brillant qui soudain la rejette pour aller vivre avec une jeune femme de vingt ans. Olga se retrouve à Turin, elle, la méridionale, avec ses deux enfants et Otto, le chien-loup, livrée à sa douleur, à sa colère, à sa folie...

Le récit est tout de suite étrange: l'écriture, soignée, au "passato remoto", avec incises distinguées par leurs inversions du sujet (type "pensai-je, m'aperçus-je") , est comme percutée de l'intérieur par des éclats de folie, de brusques accès d'obscénités, de violentes bouffées d'odeurs , des agressions sonores et verbales.

Le monde d'Olga se fissure comme sa raison: les serrures se rebellent, les fourmis grouillent, les enfants vomissent, les chiens s'empoisonnent, les téléphones se cassent, les amis fuient..

Les comparaisons, les images elles aussi décrochent, et on sent la langue, comme la narratrice, gagnée progressivement par une déréliction inquiétante, dangereuse.

Les objets sont eux aussi détournés de leur fonction: une pince à linge sur un bras, un coupe-papier dans un genou servent -follement- à tenter de reprendre pied dans la réalité, un marteau à appeler au secours, un permis de conduire à assouvir sa frustration sexuelle...

Dans ce huis-clos de folie, les deux enfants errent, pas rassurés, le chien, lui , agonise, et le voisin- mélancolique silhouette à la Giacometti, prolongée par l'ombre de son violoncelle- devient de plus en plus proche, alerté, inquiet..

Nous aussi.

Je ressentais un tel malaise en lisant que j'ai dû m'arrêter plus d'une fois, et faire quelques incursions dépaysantes dans des univers moins entropiques...mais j'y revenais toujours, aimantée par cette écriture étonnante, cette façon si sombrement originale d'entrer à vif dans la douleur d'une femme.

Le récit est très bien composé: lente montée, par paliers, d'une vertigineuse angoisse, qui culmine lors d une nuit caniculaire de ferragosto, interminable et proprement atroce, puis lentement, comme un plongeur remonte des fonds, on décompresse, la normalité reprend ses droits, la rationalité aussi, le chagrin s'apaise, les gens se réhumanisent, les gestes se contrôlent, les objets reprennent leur place sur les étagères...La crise est passée...

Mais on sort proprement essoré de cette expérience : on a le sentiment d'avoir accompli un voyage "fantastique" -au sens que lui donne Todorov- non seulement dans l' âme d'une femme blessée mais aussi dans le quotidien halluciné de son appartement , tout peuplé de ses hantises -ah, cette "poveretta" napolitaine qui revient tel un fantôme, un alter ego..

Quand la vie, comme on dit, reprend ses droits, on se pince, nous aussi, et on se donnerait même une légère estocade de coupe-papier pour s'assurer que le cauchemar est bien fini...
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Lorsque le roc sur lequel vous pensez avoir édifier votre vie se révèle mouvant comme un sable humide, il est difficile de ne pas s'enliser dans la folie.
C'est ce que nous confie Olga, la quarantaine , deux beaux enfants et un mari parfait…Quinze années de certitudes et d'oeillères vont malgré tout s'envoler comme une brume du matin poussée par le vent.
Le récit est d'une efficacité remarquable. La langue est soignée mais aussi parfaitement imagée pour rendre compte de la lente plongée vers l'aliénation , que la présence des enfants, témoins, acteurs, thérapeutes, rend encore plus angoissante. On n'ose pas imaginer les conséquences psychiques d'un tel épisode sur de jeunes âmes , fussent-elles bien matures pour leur âge .
Il ne s'agit pas seulement de ruminations ou de délires conceptuels. Olga se bat avec la réalité dans toute sa trivialité : ce qui fut son quotidien d'épouse accomplie devient une trame d'un cauchemar nauséabond.
Si le propos est bien éloigné de ce que l'on a connu dans la saga à succès d'Elena Ferrante, on retrouve la force attribuée à la narratrice , même s'il s'agit d'une force négative. Pas de demi-teinte, pas de mièvrerie, Olga est un personnage marquant, attachant et violent.

C'est tout le talent de l'auteur que de faire d'une banale histoire de l'échec d'un mariage, un quasi-thriller .
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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"Était-il possible que Mario me quittât ainsi, sans préavis ? Il me paraissait invraisemblable que, de but en blanc, il se désintéressât de ma vie comme d'une plante arrosée depuis des années qu'on laisserait soudainement mourir sous la canicule. Je ne parvenais pas à concevoir qu'il eût décidé unilatéralement de ne plus me devoir d'attention."

Quand son mari la quitte après 15 ans de vie commune, commence alors pour Olga, la narratrice, une lente mais vertigineuse descente aux enfers. Elle, la femme posée, calme, polie change du tout au tout. Elle devient négligée, violente, ordurière, confond ses pensées et la réalité. Elle ne parvient pas à faire face au sentiment d'abandon suscité par cette rupture, et perd ses repères et son identité. Elle s'enlise dans des interrogations, des incompréhensions, qui flirtent de plus en plus dangereusement avec la folie, ses 2 enfants et son chien dans son sillage. Nous ne pouvons que l'observer sombrer, perdre pied, lutter maladroitement (très maladroitement!) pour sortir la tête de l'eau où elle est train de se noyer... jusqu'à cette journée fatidique, cauchemardesque, où rien ne va plus, où plus rien n'est à sa place, et où elle se retrouve emmurée avec un enfant malade et un chien à l'agonie.

A partir d'un thème banal et maintes fois abordés, l'auteur explore avec talent les méandres tourmentés de l'âme après une rupture. Écrit à la première personne, nous sommes immergés dans les pensées d'Olga, son désarroi, ses désirs, ses illusions perdues, ses angoisses, sa réalité. Point d'apitoiements ni de larmoiements pour autant. Elle fait d'ailleurs son autocritique sans complaisance. L'approche est étonnante, et surtout l'écriture est flamboyante. Il fallait qu'elle le soit pour me tenir accrochée. On est parfois dans l'exagération et la surenchère mais paradoxalement les phases d'acceptation et les émotions sont disséquées avec un réalisme brutal qui rend l'air suffocant et irrespirable. Je suis toujours impressionnée par ces auteurs qui parviennent à instaurer une atmosphère particulière. Et dans ce livre, elle est particulièrement oppressante, au rythme d'un lancinant exorcisme. C'est brillamment amené mais c'est dérangeant. D'ailleurs, si je devais n'utiliser qu'un mot pour résumer cette lecture, c'est celui que je choisirais : une lecture dérangeante.

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Les jours de mon abandon, on pourrait même dire les mois…

L'auteur Elena Ferrante nous enferme dans un huis clos familial où on plonge dans de l'eau glacée.

Après 15 ans de mariage, son mari, Mario annonce sans injonction à son épouse qu'il la quitte pour aller vivre avec une jeunette.

Olga ne parvient pas à se résoudre à ce changement radical et sans retour.

Elle est à vif, son équilibre émotionnel est tangent puis elle vacille dans la dénégation.

Elle est en proie aux doutes, aux craintes, aux angoisses qui l'envahissent. Elle perd confiance en elle, ses certitudes s'éteignent au fil des pages. Elle est aux abords de la folie.

Elle fait supporter le poids de son immense chagrin à ses enfants et on se questionne comment ils peuvent endurer un climat familial si délétère. C'est le chaos.

Une histoire de séparation, de douleurs qui ne peut se vivre sans dommages collatéraux.

Je me suis demandée comment cette mère de famille allait s'en réchapper, mais la plume d'Elena Ferrante est juste, vraie, réaliste parfois crue et surprenante.

C'est ma première rencontre avec cet auteur et ma lecture s'est déroulée par étapes afin de ne pas tomber dans l'asphyxie !
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Mario quitte Olga, tout simplement, sans préavis et explications...

Elle en reste sonnée, en pure détresse, rageuse, haineuse envers toutes choses, à commencer par elle. Elle doit faire face au quotidien, aux enfants, aux soucis financiers, et à cette douleur de l'âme, qu'elle somatise dans ses tripes.
Introspections et ressentiments stigmatisent la déliquescence d'une vie conjugale de quinze années sans (trop de) nuages et la reconstruction difficile et délirante de "l'abandonnée".

Elena Ferrante produit une radiographie minutieuse d'une épouse bafouée, emmurée dans le tumulte des sentiments. Pourrait-on dire que cette tragédie de crise conjugale sent le vécu? Quand on sait que les rares infos sur l'auteure lui ont fait dire que son oeuvre était d'inspiration autobiographique, ceci pourrait expliquer le réaliste de l'explosion de ce couple fictif.

Écrit en 2002, ce livre se construit sur un beau portrait de femme batailleuse, sensible et intelligente, refusant de céder au pathos de sa situation et déterminée à survivre. Au fil des pages, des anecdotes de vie, rageuses et/ou jubilatoires* donnent une cocasserie salvatrice au récit. Mais l'auteur pêche aussi par excès dans des scènes interminables qui plombent la lecture (même impression que dans L'amie prodigieuse).
L'écriture en est le miroir, percutante, descriptive, triviale parfois, libre et décomplexée.

Une tempête sous un crâne solidement transcrite par la mystérieuse auteure italienne.

*Ah! le pugilat en pleine rue! Excellent !

3 étoiles/5
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Une séparation vécue comme un abandon a souvent tendance à engendrer de l'empathie voire de la sympathie pour la personne qui reste. Or ici l'empathie n'a été qu'éphémère et je n'ai guère éprouvé de sympathie pour Olga. La violence, les comportements hystériques, les phrases obscènes et ses comportements envers ses enfants m'ont souvent déroutés.
Cela n'a pas empêché de ressentir la souffrance extrême de Olga qui n'arrive pas à faire face à cette séparation.
Les enfant sont eux aussi très touchés et le conflit de loyauté y est bien décrit, leur comportement me semble plus adapté que celui de leur mère qui ne se contrôle plus et qui est souvent borderline .
Olga fait souvent référence à la femme rompue de Simone de Beauvoir qui reste pour moi bien plus émouvant.
J'ai mis 4 étoiles car je me sentais presque coupable de n'en mettre que 3 comme si je ne reconnaissais pas la souffrance d'Olga !
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C'est une histoire somme toute banale, celle d'une vie bien rangée qui dérape quand Monsieur découvre les beaux yeux d'une jeune femme et quitte Madame. Au début, je me suis même dit que c'etait une histoire banale et un peu ennuyeuse. Mais ça a dérapé et c'est devenu beaucoup plus intéressant !

Au début, le dérapage est insidieux, presque imperceptible, juste quelques paroles vulgaires dans la bouche d'une bourgeoise. Puis il s'accélère : les fourmis, les bagarres, les maladies, la serrure, le téléphone, les pétages de plomb avec le voisin et les enfants... C'est quand Olga est au fond du trou, flirtant avec la folie, que je me suis attachée à elle, et au livre par la même occasion.

Car sa descente aux enfers est rendue avec justesse, par petites touches, de l'intérieur. Comme si on s'enfoncait avec elle. Et, dans une certaine mesure, je pourrais m'y reconnaître, même si je n'ai jamais utilisé de pince à linge pour rester connectée à la réalité.

Son désespoir est poignant, sa journée de crise angoissante, son courage admirable. Tout ça grâce au talent d'Elena Ferrante qui se traduit à la fois dans des anecdotes qui sonnent vraies et des mots qui nous emportent.

Challenge Multi-Defis 1,5/30
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Les jours de mon abandon, c'est finalement une histoire assez classique, celle d'une femme quittée, qui passe par toutes les phases du deuil amoureux. L'auteure la raconte de fort belle manière en nous faisant partager les sentiments de son héroïne durant cette épreuve. Une lecture agréable, qui donne envie d'aller plus loin dans l'oeuvre de Elena Ferrante.
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Elena Ferrante est à la fois un auteur plébiscité dans le monde entier (près de 2,5 millions d'exemplaires vendus, avec des traductions dans 42 pays) et un succès planétaire de sa saga L'Amie prodigieuse, et le nom de plume d'un écrivain qui cultive l'anonymat depuis vingt-cinq ans.: aucune photo, aucune intervention médiatique, on soupçonne même un homme de se dissimuler derrière ce pseudonyme...

N'ayant pas lu l'amie prodigieuse, j'ai découvert l'univers de cette romancière(?) avec deuxième roman, Les Jours de mon abandon qui vient de fin juin reparaître en Folio, un drame conjugal situé à Turin, sur le thème classique de la femme abandonnée par son mari.

Sur une trame archiconnue, Ferrante parvient dès les premières pages à instiller un ton bien à elle, clinique, apre, intense, prenant pour tisser une radiographie d'une âme tourmentée, sur les chemins d'une folie ordinaire qui ne dit pas son nom pour une vie de déraison, voire de bestialité.. Une descente aux enfers comme il s'en produit chaque jour, dans le monde, mais en général on reste éloigné de cette cette spirale infernale qui la détruit et dans laquelle Ferrante nous plonge tout entier dedans.

Pour son mari, Olga avait tout quitté, surtout sa passion, l'écriture. Quinze ans de vie commune et de bonheur à Turin. Tout ceci vole subitement en éclats, Olga est totalement brisée et le résultat de cette déflagradation : un cri de hargne qui est tout sauf plaisant, car il fait assez froid dans le dos mais, rarement avait été aussi bien montrée la déchéance d'une femme détruite d'un simple upercut qui semble totalement impuissante à réagir comme il le faut dans ces moments là.

Elena Ferrante décrit avec beaucoup de subtilité et de crauté cet état de folie et de dépression, ce chagrin mêlé au désespoir pleine de cruauté et de révolte.

Nul larmoiement ni d'auto-complaisance dans cheminement intérieur décrit avec une précision chirurgicale et un réalisme parfois dérangeant et perturbant.

Une acuité psychologique qui laisserait à prouver que derrière ce pseudo, c'est bel et bien une femme qui se cacherait derrière...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'histoire, somme toute banale, est celle d'Olga, une femme de 38 ans trompée et délaissée par son mari pour une petite midinette de 20 ans.
Le départ de ce mari boulerverse en tout point la vie sécurisée d'Olga. Se retrouver seule à tout gérer n'est pas simple, d'autant plus quand la honte et la perte de confiance et de repères viennent batifoler avec la folie.

L'abandon dont il est question dans le titre est sauvagement mis en scène. On suit la rupture de cette femme avec tout ce qui l'entoure, ses deux jeunes enfants, son quotidien, son chien Otto, son appartement. Un lent décrochage qui amène Olga à se délier de la réalité sombrant peu à peu dans la folie.
Son esprit fourmille, il se montre obsédé par l'abandon du mari, cela cogite inlassablement, cela cogne, blesse et décroche.

Telle une plongée dans les profondeurs d'une mer(e) de plus en plus noire, les objets matérialisent la peur, l'abandon. le téléphone grésille, les fourmis affluent, le chien s'empoisonne, les enfants tombent malades, les portes peinent à s'ouvrir.

Le roman à coups de macération prenant tout un quotidien en otage est efficacement agencé.
Une dissection d'une âme à la dérive, aussi dérangeante qu'interpellante.
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Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

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