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sur 1269 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Eh Maurice ! Je m'achèterais bien jeudi prochain l'Eyre comprimé en boite norvégienne ?

Si vous avez du mal à décrypter cette phrase, c'est très simple. Regardez attentivement la couverture de cet OLNI !

Un dodo V2.3 ou plus exactement un clone du dronte de Maurice dans une boite de conserve, un titre qui semble s'inspirer du livre de Charlotte Brontë « Jane Eyre » et enfin Jasper Fforde, sûrement un auteur norvégien qui aurait dérivé en Angleterre depuis le Geirangerfjord. Bref, je me suis toujours demandé, comme vous surement, ce qu'était cet OLNI (objet littéraire non identifié pour ceux qui ne n'auraient pas décodé l'acronyme) sur fond rouge si flashy !

A priori, les soixante seize sociétés d'édition qui ont refusé de faire paraître l'ouvrage détestent foncièrement les OLNI, ces cocktails de polar, de science-fiction, d'humour british et d'histoire d'amour invraisemblable. Heureusement, une société anglaise, «Hodder and Stoughton» (1), a accepté en 2001 d'éditer cet ouvrage et a touché le jackpot après le succès fulgurant des « aventures de Thursday Next ».

Oui, oui, vous avez bien lu comme moi. L'héroïne se nomme Thursday Next (jeudi prochain pour les gaulois pure souche) car elle est née un jeudi même si sa mère Wednesday (mercredi pour les wallons pure souche) est née un dimanche. Je sais, cela n'a pas de sens, mais ne cherchez pas à comprendre, suivez moi sans crainte pour un voyage dans une autre dimension, largement consacrée à la littérature anglaise !

Vivant avec son dodo Pitwick, Thursday, trente cinq ans, est célibataire depuis sa douloureuse rupture avec Landen il y a dix ans. Après avoir quitté l'Armée durant la guerre de Crimée, Thursday rentre dans le Service des Opérations Spéciales anglaises (de OS-1 à OS-30) et plus précisément dans la brigade littéraire (OS-27).

Durant le mois de juin 1983, le manuscrit "Martin Chuzzlewit" de Charles Dickens est volé par un malfaiteur mystérieusement invisible et l'enquête est alors confiée à Thursday Next, transférée temporairement chez les OS-5. Lorsqu'elle surprend le voleur et décide de lancer l'assaut avec ses collègues, Thursday est grièvement blessée par une balle miraculeusement stoppée par le roman « Jane Eyre » plaqué contre sa poitrine…

Simple coïncidence ! C'est à vous de le découvrir. Non, non, même sous la torture, je ne dévoilerai plus une seule ligne de ce roman original et déroutant ! (2)

Néanmoins, afin d'être parfaitement opérationnel avant d'entamer la lecture de ce livre, je vous conseille quelques pré-requis qui ne vous prendront à peine que quelques mois de travail:
- bucher intensément sur la Guerre de Crimée opposant français, anglais et turcs notamment contre les russes entre 1853 et 1956 pour prendre le contrôle de la presqu'ile sur le territoire ukrainien,
- lire toute la bibliographie de Shakespeare et se renseigner sur l'origine de ses écrits,
- connaître par choeur le livre Jane Eyre (au moins 4 à 5 lectures minimum me semble nécessaire pour être à l'aise sur le sujet).

Une connaissance de la série culte de la « Quatrième dimension » serait tout de même un plus afin de mieux comprendre les apparitions déconcertantes du père de Thursday dans le roman. Mais ne vous inquiétez pas, dans un premier temps, la parfaite maitrise de la guerre de Crimée, de Shakespeare et de Jane Eyre me parait suffisante pour aborder avec sérénité et lucidité cet ouvrage.

Comme j'ai écrit évidemment la critique après avoir lu « L'affaire Jane Eyre », je ne pouvais pas, bien entendu, mettre en pratique ce que je viens de vous suggérer, mesurant ainsi la chance que vous avez de pouvoir suivre dorénavant mes conseils. Vous me suivez toujours ! Non, bon, je vous laisse quelques secondes pour relire la phrase précédente. Pas de problème, je vous attends,...

En fin de compte, malgré un univers plutôt différent de mes lectures habituelles, j'ai pris plaisir à découvrir les aventures délirantes de Thursday Next et ses rencontres multiples avec des personnages bien déjantés. J'ai particulièrement aimé cette idée de pouvoir se projeter dans la vie quotidienne des personnages d'un livre et imaginer leur univers uniquement décrit par les mots contenus dans ce même livre.

Une belle découverte « L'affaire Jane Eyre », un roman anglais (pas du tout norvégien comme certains pouvaient l'imaginer!) intemporel et original à la croisée des genres, à l'humour omniprésent servi à la louche, malgré de nombreuses allusions à l'histoire ou à la littérature anglaise parfois difficiles à appréhender pour les néophytes (comme moi).

Bonne lecture à tous et à jeudi prochain sans faute.


(1) La société "Penguin Books" édite également la série pour le marché anglo-saxon.

(2) Si vraiment vous souhaitez connaitre la fin pour des raisons personnelles, il est toujours possible de s'arranger moyennant quelques billets, uniquement libellés en euros (je ne prends pas les livres... sterling).
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Je veux ce soir vous parler d'un territoire secret, mystérieux, protégé du vacarme du monde... C'est un territoire qui sait redonner de l'épaisseur au temps, lui offrir des respirations, c'est un temps qui s'étire dans les entrelacements de nos battements d'ailes.
Les livres sont des objets aux pouvoirs envoûtants. Des personnages peuvent s'extraire des pages et nous rejoindre dans notre quotidien, mais l'inverse est possible aussi...
Les livres sont des cabinets de curiosité, l'incarnation de nos rêves et de nos défaites, l'invitation à conjurer nos peurs, à sacraliser nos désirs jubilatoires.
Les livres sont nos miroirs...
Dans ma commune, une petite librairie indépendante vient d'ouvrir. Elle a le charme des livres qui respirent. Elle est tenue par deux jeunes femmes libraires qui ont le même prénom, Julie et Julie... La légende dit qu'elles se seraient rencontrées par hasard. Moi je n'y crois pas un seul instant. Dans cette aventure commune, c'est encore ce vieil ami Paul Éluard qui a raison : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous ». Elles s'appellent Julie mais elles sont aussi différentes que le sont Anna Karénine et Anna Frank, Emma Bovary et Emma Thompson, Virginia Woolf et Virginia Cléo Andrews, George Eliot et Georg Sand, ou bien encore Jane Eyre et Jane Austen...
Tiens ? Jane Eyre, parlons-en justement... Comme c'est étrange, l'autre jour je suis entré dans ma librairie favorite, donc chez les fameuses Julie dont je vous parle, j'avais l'intention de lire L'Affaire Jane Eyre, de Jasper Fforde dans le cadre d'une lecture commune entre amis de Babelio et figurez-vous, - je vous assure que c'est vrai, j'ai commencé à ouvrir un fichier Word, j'ai jeté quelques idées en vrac au début de ma lecture et, - énorme lapsus, j'ai enregistré le fichier sous le nom de L'Affaire Jane Austen... J'en connais une à qui cela n'échappera pas...
J'aime bien me rendre souvent dans la librairie tenue par les Julie car on y trouve des idées de lecture très inspirantes qui sortent des sentiers battus.
Ce jour-là, j'étais béni des dieux de la lecture ! Elles possédaient l'unique exemplaire que je recherchais. D'une seule et même voix elles m'ont dit : « Quelle chance tu as Berni d'aller vers ce roman ! » Bon, là j'exagère un peu, hein.
Je leur ai demandé : « Faut-il avoir lu Jane Eyre pour bien entrer dans ce roman et le comprendre ?
- Oui, a répondu l'une des Julie,
- Non, a répondu l'autre Julie.
- Faudrait savoir, j'ai ajouté.
Chacune a apporté son argumentation et chaque argument tenait la route. Elles sont vraiment géniales. Fort de ces éclairages, j'ai posé une autre question : « J'ai entendu dire que Charlotte Brontë aurait écrit une autre version de Jane Eyre où la fin ne se termine pas comme dans le roman original. Une sorte de roman apocryphe... » Mais là aucune d'elles n'a su me répondre, je les voyais drôlement embarrassées et j'ai presque regretté de leur avoir posé cette question. Je ne voulais pas leur faire de peine. J'avais lu il y a quelques années Jane Eyre, je m'en souvenais encore très bien, y compris de cette fin, non pas bâclée comme certains le prétendent, mais un tantinet décevante, il faut bien l'avouer...
« Tu vas nous concocter un billet à ta façon, Berni ? » a demandé Julie.
- Prends tout ton temps et n'hésite pas à parler un peu de nous au passage », a rajouté l'autre Julie.
Elles m'ont raccompagné toutes deux vers la sortie avec dans leurs yeux cette petite mélancolie mêlée de joie qui donne une âme à leur boutique.
Je suis sorti de la librairie heureux de mon achat lorsqu'un homme m'a hélé.
« Monsieur ! Monsieur ! » Je me suis retourné. Je l'ai reconnu, il était également dans la boutique tout-à-l'heure. Il m'avait semblé qu'il tentait de capter de manière attentive toute notre conversation. J'étais à l'instant encore serein et tout jusqu'ici se passait bien. Parfaitement bien même. Jusqu'à ce que...
« Monsieur !
Il s'est présenté, disant s'appeler Currer Bell. « Je vous ai entendu tout-à-l'heure dans la librairie poser la question sur le sujet de la fin du roman de Jane Eyre. »
- Oui ? Et ? » Je commençais à le trouver un peu intrusif.
« Cette fin si décevante, n'est-ce pas ? poursuivit-il.
- Je suis d'accord avec vous.
- Cette fin si fade... Cette fin qui a déçu et déconcerté tous les lecteurs du roman. Cette fin bâclée...
- Et donc ?
- Je possède une très rare pièce, un exemplaire apocryphe où la fin est différente, où Charlotte Brontë a écrit la fin que tout le monde attendait, la seule fin logique...
- Et que pensez-vous en faire ?
- Vous le faire lire bien sûr.
- Oh! Je ne sais pas si je suis à la hauteur pour cette idée. Ce livre aurait sans doute une meilleure destination dans d'autres mains, ne pensez-vous pas ? »
L'homme s'est alors approché de moi au plus près, comme s'il était prêt à m'étreindre. Il avait bruquement un air affolé, regardait autour de lui, avec des gestes nerveux. « Ils me pourchassent, vous ne comprenez pas ? Ils savent l'existence de cet ouvrage que je possède. Ils veulent s'en emparer. Vous, ils ne vous inquiéteront jamais, vous paraissez si ordinaire, presque invisible. » J'ai pris cela comme un compliment. Il s'est encore approché de moi plus près encore comme si l'étreinte se resserrait et m'a glissé presque dans l'intérieur de mon pantalon, comme dans une boîte aux lettres, quelque chose qui ressemblait à une enveloppe épaisse... Puis il a pris la fuite en courant...
Les Julie observaient la scène à travers la vitrine de la boutique, complètement médusées...
De retour chez moi, je me retrouvai devant deux lectures urgentes à lire, un peu comme une masse critique Babelio où il ne vous resterait qu'un seul jour pour tout lire. Ça vous est tous bien sûr un jour arrivé, j'en suis sûr...
J'ai fait l'inverse de ce que vous auriez fait, j'ai lu tout d'abord L'Affaire Jane Eyre. L'autre récit viendrait plus tard...
La lecture de L'Affaire Jane Eyre a été comme une sorte d'ouragan, ce fut la lecture d'un récit déjanté, jubilatoire, intrigant et en même temps porteur de sens.
Je l'ai lu d'une traite, autant par l'élan suscité dans l'immédiateté du plaisir que par la hâte vers l'autre récit. Il y a un côté loufoque et ingénieux que n'aurait pas renié Boris Vian. La méchanceté du méchant au nom diabolique d'Achéron Hadès, le génie foldingue de l'oncle qui invente des machines à remonter le temps littéraire, sont à la hauteur du récit. Mais comment qualifier ce roman ? Uchronie ? Fantasy ? Thriller futuriste ? Roman d'amour ? Roman tout court ?
Thursday Next, le personnage principal, est une femme attachante, ancienne combattante revenue brisée d'une guerre de Crimée qui n'en finit pas. Elle est une sorte de flic littéraire entraînée avec toute une organisation de personnes appelées Opspecs dans une enquête à la poursuite d'un serial killer qui a le projet d'entrer dans des oeuvres littéraires majeures, prendre en otage des personnages essentiels, menacer de les tuer au motif de démontrer sa suprématie au monde.
J'ai beaucoup aimé les multiples variations de ce roman sur l'imaginaire, son pouvoir abyssal qui nous porte et nous emporte, cette littérature qui s'attache à donner sans cesse l'illusion de la vie.
Ce livre est d'une inventivité jubilatoire. Quel plaisir de savoir qu'il existe un monde parallèle où vivent, respirent, aiment, des personnages de fiction ! Ces personnages que nous aimons tant, comme des frangins, comme des amantes... On y croise même un dodo de compagnie. Plock ! Plock ! Plock !
Un seul regret, un tout petit regret : Jane Eyre tarde vraiment à entrer en scène... Ce n'est plus l'Affaire Jane Eyre, c'est l'Affaire de l'Arlésienne... Qu'à cela ne tienne ! J'irai la rejoindre, c'est sans compter sur le pouvoir du lecteur...
C'est un vertige qui nous invite ici comme réponse à la question du sens posé face à un monde gigantesque et difforme autour de nous. Alors, se laisser tomber dans ce vertige...
S'extraire de la réalité, se fondre dans un livre au sens premier du terme. Vivre l'expérience immersive aux confins des pages et de leur envers...
Je voulais devenir à mon tour un Opspec. Partir à la recherche de Jane Eyre que je savais en grand danger...
J'avais commencé à lire le manuscrit qui m'avait été confié et puis, accablé par une journée éreintante, je m'étais endormi.
C'est une odeur de fumée qui m'a réveillé. Et puis des cris au loin. Une femme en panique est venue me chercher dans ma chambre. Il y a le feu, il y a un incendie.
Je me suis retrouvé dans le couloir. Et j'ai vu une autre femme, plus jeune, belle, aller et venir, je savais déjà qui elle était, je l'ai reconnue comme si nous nous connaissions depuis toujours...
Elle était en colère, elle était en furie. Elle s'est tournée vers la femme qui était venue me chercher : « vous pouvez aller vous coucher à présent, Madame Fairfax. L'incendie est totalement maîtrisé... Je vais m'occuper de notre hôte... » Mais son visage furibond ne parvenait pas à retrouver la quiétude...
« Putain ! Ce Rochester ! Je le sauve d'un incendie et il se plaint que j'ai mouillé sa litière. Il peut toujours rêver pour la suite...! »
Elle piétina de rage son mouchoir en dentelles qui venait de glisser de sa robe de chambre. Elle courait dans tous les sens... C'est étrange, je ne l'imaginais pas ainsi, ayant ce langage de charretier... On se fait parfois des représentations des personnages romanesques que nous aimons... « Oui, je suis énervée. Et ne croyez pas que j'ai mes... Comment dit-on cela déjà chez vous, Messieurs les Français ? Mes... ?
- Mes... ?
Elle me regarda et j'eus l'impression qu'elle quêtait une aide, le mot mystère, le sésame qui ouvrirait les portes secrètes d'une caverne aux talismans insoupçonnés, capables d'ouvrir d'autres portes à l'infini. J'ai tenté :
- Mes émotions ?
- Voilà. Mes émotions !
Madame Fairfax est revenue dans le couloir, elle se tenait immobile, silhouette dominant de tout son être la pénombre du lieu. « Madame, je voulais vous dire que Monsieur Rochester vient de quitter à l'instant le domaine de Thornfield Hall à cheval. »
Elle s'est alors approchée plus près de moi. Elle s'est mise à rire, d'un rire nerveux qui sonnait presque faux. Elle a juste dit : « Au fond, je m'en bats les steaks. » Elle a dit à la gouvernante qu'elle pouvait disposer. Une odeur âcre de brulé continuait de nous envelopper. C'était insupportable. « Comment vous appelez-vous déjà ? m'a-t-elle demandé, se retournant vers moi.
- Berni.
- Berny, ah oui c'est vrai.
Elle a regardé vers le lointain, vers cette petite fenêtre d'où entrait la clarté des premiers instants de l'aube. Elle m'a dit qu'elle voulait courir dans le paysage, s'y perdre, s'y noyer.
- Oh Berny ! Savez-vous au moins monter à cheval ?
Je n'ai pas osé dire non. Elle m'a pris par la main vers les écuries. Nous avons scellé un seul cheval, elle m'a proposé de monter derrière elle, de m'accrocher à ses épaules. Nous sommes partis à bride abattue. J'étais énervé comme un blaireau à la saison de l'amour.
Le reste n'a été qu'un moment de folie.
C'est au bord d'une forêt que nous avons mis pied à terre. Elle s'est adossée à un arbre, observant l'immense paysage devant nous. Son regard était comme associé à une défaite. Et moi je la contemplais... Je me suis approché d'elle, nous avons regardé le jour mettre en lambeaux les derniers vestiges de la nuit. Elle voulait savoir ce que j'étais venu faire dans cette histoire, si cela m'arrivait souvent, quelles étaient mes autres fréquentations... Alors je me suis confié un peu à elle...
« Anna Karénine ? Emma Bovary ? s'est-elle écriée. Qui sont-elles celles-là ?
- Ce sont des personnages féminins d'autres romans. Elles figurent dans mon panthéon littéraire.
- Et pas moi ?
- Presque...
- Presque ? Elle faillit s'étrangler. Nom de Zeus Berny ! Vous savez parler aux femmes vous... Et moi, vous me mettez où ? Dans une écurie ? Dans une auge à cochon ? Dans la collection d'un taxidermiste ?
- Dans mon coeur, tout simplement.
- LOL ! »
Je me suis alors approché d'elle, je n'ai pas osé la prendre dans mes bras mais j'en mourrais d'envie. Je savais que c'était ici que nos chemins se séparaient, à la lisière d'un texte où j'étais prêt à accepter de perdre de nouveau pied, mais dans ma réalité, l'endroit d'où je venais.
« Promettez-moi une seule chose, Jane, une seule chose, c'est qu'à la fin de l'histoire vous ne renonciez pas à l'amour d'Edward Rochester et que vous ne partirez pas en Inde avec d'ennuyeux cousins...
- Mais non bien sûr, ô bien sûr que non, fit-elle en caressant mon visage comme si c'était celui d'un enfant. Quelle imagination ! Où allez-vous chercher tout cela Berny ? »
Je l'ai vue repartir vers Thornfield Hall, elle ne s'est pas retournée une seule fois. Nous n'étions désormais plus dans la même histoire, tandis qu'elle filait au galop vers la fin de la sienne, qui, nul doute à ce sujet, ne serait certainement pas bâclée ni fade.

« Jane Eyre fut publié en 1847 sous le pseudonyme de Currer Bell, un nom suffisamment neutre pour masquer le sexe de Charlotte Brontë. Ce fut un énorme succès ; William Thackeray qualifia le roman de " chef d'oeuvre d'un grand génie ". Les critiques non plus ne manquèrent pas ; G.H. Lewes suggéra à Charlotte d'étudier les oeuvres d'Austen et de " corriger ses défauts à la lumière du savoir-faire de cette grande artiste ". Charlotte répliqua que le travail de Miss Austen - à la lumière de ce qu'elle entendait faire - méritait à peine l'appellation d'un roman. Elle le traita de " jardin remarquablement cultivé sans aucune vue dégagée ". » W.H.H.F. RENOUF, Les Brontë

Je remercie ici quelques amies Opspecs et compagnes de ce voyage immersif pour une lecture partagée : Anne-Sophie (@dannso), Chrystèle (@HordeDuContrevent), Doriane (@Yaena), Nicola (@Nicolak), Sandrine (@HundredDreams), Yanike (@BonoChamrousse) et grand merci à Hélène (@4bis) de nous avoir donné envie de découvrir ce roman insolite.
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Salut, moi c'est Thursday Next ! Une fille tout à fait banale : mon animal de compagnie est un dodo cloné, mon père fait partie de la ChnonoGarde et passe son temps à mettre le monde en arrêt sur image et j'en veux à mort à l'homme dont je suis amoureuse. le fait qu'on ait combattu côte à côte pour l'Angleterre pendant la guerre de Crimée, qui d'ailleurs s'éternise, a généré quelques tensions. Rien d'original.

Donc tout allait bien je gérais ma petite vie de LitteraTech jusqu'à ce qu'on vienne me débaucher pour m'intégrer dans une unité d'élite avec de vrais flingues et de vraies enquêtes.
Objectif : arrêter Achéron Hadès le gros méchant de l'histoire. Celui qui pour obtenir ce qu'il veut du gouvernement n'hésite pas à menacer les personnages des livres. Et me voilà embarquer dans une course folle avec sauts dans le temps du genre Retour vers le futur, vers correcteurs qui pètent des tirets ou des points virgule et qui éructent des parenthèses, et complotistes qui se demandent qui a écrit les pièces de Shakespeare (évidemment pas lui !). Sans compter mon pote qui traque les vampires, lycanthropes et autres bizarreries sortis des livres qui de temps à autre à besoin de renfort. Heureusement je peux compter sur Rochester pour m'aider. Un vrai gentleman. Elle en a de la chance Jane.

En plus je dois me dépatouiller de mon histoire d'A ! Mais oui mon histoire d'amour qui finit mal en général. Parce que mon bourreau des coeurs est lui aussi un véritable gentleman mais vous savez ce que c'est une histoire d'amour où tout se passe bien c'est l'ennui assuré pour le lecteur. Donc je m'assure d'y mettre un peu de piquant !

Bon revenons-en à Hadès ! Cet imbécile se met en tête de kidnapper Jane EYRE non mais vous imaginez Jane EYRE sans Jane ! C'est la loose, exactement. Surtout que ce livre est mon préféré il m'a sauvé la vie… ah non ce n'est pas un cliché il m'a vraiment… enfin bon vous verrez bien. Et Rochester c'est mon pote impossible de lui faire faux bond. Ce qui importe c'est qu'il faut sauver ce livre alors me voilà en mission infiltrée entre les pages. Oui oui dans le livre.
Si vous saviez ce qui passe dans nos bouquins ! Tout le monde mène sa petite vie, l'histoire ne se résume pas à ce qu'on en lit. Bien quoi, ne prenez pas cet air surpris. Evidemment que tout le monde continue sa petite vie. Enfin vous ne vous étiez jamais demandé ce que font les personnages quand on ne parle pas d'eux ? Et bien ils vivent leur vie je viens de vous le dire.

Bon tout ça pour vous dire de venir me rejoindre. Go ! Il y a de la place dans ma Speedster 356 bariolée. Classe et reconnaissable. Ne vous faites pas prier. Vous aussi plongez dans mon histoire on ira sauver Jane ensemble et puis si la fin du livre ne vous plait pas on la changera.

Ah mince vite mon flingue il faut que j'y retourne c'est un code 40 le clown de Ça s'est retrouvé dans l'Assommoir il est tombé en pleine bataille de lavandière Gervaise l'a mis KO il faut l'extraire vite ! Les moustiques ont piqué la chèvre bleue, je répète Les moustiques ont piqué la chèvre bleue !!!! Allez en piste !
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Et bien ,on a eu chaud! Figurez vous, chers amis lecteurs, qui, le plus souvent dans vos jeunes années, vous êtes plongés dans la vie tumultueuse de Jane Eyre , avez pleuré et vous êtes réjouis avec elle, que Charlotte Brontë avait choisi une toute autre fin pour ce roman, et une autre destinée pour son héroïne. Certes Mr Rochester ne devenait pas aveugle, mais Jane, écoeurée de ses découvertes, le quittait définitivement pour devenir missionnaire en suivant un personnage falot et très ennuyeux.

Heureusement........heureusement Thursday a changé tout cela, et en pénétrant au coeur de ce roman, a permis de réunir ces deux personnages!
Comment a -t-elle fait? Ah ça......Il faut savoir, quand même ,que Thursday est une LittéraTec. Et que le manuscrit de Martin Chuzzlewit a disparu. Volé. Par l'immonde Achéron Hadès, qui ne compte pas s'arrêter là. A une époque où le Pays de Galles est une République socialiste indépendante, où la guerre entre Crimée et Angleterre dure depuis 130 ans, où les animaux domestiques sont des dodos clonés et où les Shakesparleur ( distributeurs automatiques de monologues de Shakespeare) commencent à se faire rares, on ne plaisante pas avec la littérature anglaise .Non mais!!!!

Quelle bouffée d'oxygène que ce livre! A déconseiller peut être à ceux qui n'aiment ni la littérature anglaise, ni les histoires complètement déjantées( sous peine, par exemple de finir meringués, c'est une mort atroce) mais que les autres n'hésitent pas! Ces personnages qui entrent et sortent des livres m'ont rappelé l'excellent roman de Timothy Findley, le chasseur de tête, dans lequel Kurtz s'échappe malencontreusement des pages d'Au coeur des ténèbres, argh!

Les premières lignes:
"Mon père avait une tête à arrêter les pendules. Je ne veux pas dire par là qu'il était laid; c'était l'expression employée chez les ChronoGardes pour décrire quelqu'un qui avait le pouvoir de ralentir le débit du temps.."
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Comment définir le genre de ce livre ?
Vraiment, on trouve de tout. Thursday Next fait partie de la brigade OpSpec27, chargée de surveiller toutes fraudes autour des livres. La littérature tient une grande place dans l'histoire, mais il y a aussi une uchronie, un peu de Steampunk, de la romance, du policier, de l'espionnage, des vampires, des paradoxes temporel, des espaces parallèles, de la SF, de l'humour, du fantastique du genre Lewis Carroll avec ses personnages qui entrent où sortent des oeuvres littéraires. C'est un peu fourre-tout, à la limite du chaos. J'avoue qu'au début j'ai été un peu perdu, mais très vite on se prend au jeu, au rythme endiablé, et à la joyeuse bonne humeur qui transpire à travers les lignes de ce roman, pour notre plus grand bonheur.
Je n'ai pas lu Jane Eyre de Charlotte Brontë, j'avoue que je suis allé voir un résumé, mais connaître l'histoire n'est pas forcément nécessaire. Dans ce roman, le livre de Charlotte Brontë a deux fins possibles, je n'ai pu m'empêcher de savoir laquelle est la vraie. Je trouve le jeu de Jasper Fforde sur les hypothèses littéraires très amusant, il y en a aussi pour Shakespeare et Dickens, et tout ça dans un délire d'actions et d'inventions digne de JK Rowling, Anonyme (Le livre sans nom)... Une légèreté qui fait passer les énigmes littéraires pour un simple amusement, sans prétention et pourtant plein de subtilités.
Un roman léger, délirant, et vraiment distrayant !
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Je ne sais pas ce que prend Jasper Fforde, mais c'est puissant ...
Son nom est Prochain, Jeudi Prochain (Thursday Next en vo), et elle est agent spéciale euh...dans la littérature. Mais dans la littérature, là-bas, ça canarde. Là-bas, c'est notre univers, mais légèrement parallèle, avec des lois physiques un peu différentes, notamment en ce qui concerne le temps (qui disjoncte régulièrement) et la frontière réalité-fiction, très floue.
Donc alors voyons, un génie du mal nommé Achéron Hadès, ex prof de fac reconverti dans le grand banditisme (hihihi) veut se faire de l'argent sur le dos de héros de roman : s'en emparer (on ne dira pas comment) et réclamer rançon. Entre autres vilénies. A un moment, ça ne déflore pas l'intrigue,on tire à balles réelles sur Jane Eyre et Rochester. Horreur. Les histoires se désagrègent et les romans disparaissent. Ah ! Achéron ! Que n'as-tu pas tiré sur Gabriel Oakes, sur Jude l'obscur,ou sur Tess, afin d'abréger leurs souffrances et d'épargner les lecteurs ...Oups pardon. Bref. Voilà une affaire compliquée pour l'agent Next.
Tout ça sur fond de glou-glou de Dodos génétiquement reconstitués, de vers de Shakespeare clamés par toute une population -comme si on hurlait du Racine dans les stades de foot, ambiance, et de guerre de Crimée (???qu'allait-elle faire dans cette galère). On apprend aussi des éléments d'Histoire inconnus au bataillon, visiblement infiltrés dans les spasmes du temps par les horribles révisionnistes français de la Sorbonne...
Cela peut sembler absolument n'importe quoi, mais ça se tient bien, c'est très drôle et ça se lit avec un immense plaisir.
Mon seul regret : un peu plus de temps avec Jane, ç'aurait été bien. Quand elle fait la leçon au vilain Achéron, elle est vraiment irrésistible.
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Aventures rocambolesques dans un monde uchronique. Dans ce cas, l'uchronie a permis de dériver vers un présent à la fois rétro (voire austère) et simultanément à la pointe de certaines technologies, voire totalement décorrélé de la réalité. C'est ce qui en fait son originalité, à la limite du fantastique soft, puisque l'auteur ne cherche pas à justifier scientifiquement l'injustifiable.

S'ensuit une éblouissante démonstration de créativité : différentes inventions et concepts nous sont présentés, le plus grandiose et largement développé étant celui qui est lié à la littérature. Et il va très loin, cherchant à creuser toutes les possibilités autour de son postulat de base : il est possible de modifier des oeuvres en y pénétrant et interagissant avec les personnages. C'est là qu'il me faut arrêter de décrire toutes les péripéties de l'héroïne, sinon votre plaisir serait gâché.

Avoir lu Jane Eyre - ce qui n'est pas mon cas - est un très gros plus mais pas indispensable. On en vient à se demander comment est le livre tel que décrit au départ et à la fin de "L'affaire Jane Eyre". Je suis bien évidemment allé lire le résumé pour comprendre dans quel ordre ça s'est passé (en gros, sans rien dévoiler : le livre décrit dans "L'affaire…" est-il bien celui que nous connaissons dans notre monde ? Happy end or not ? Les changements apportés dans "L'affaire" vont-ils dans le sens de Charlotte Brontë ou s'éloigne-t-on de l'intrigue ?)

L'héroïne principale est fort intéressante (non, ce n'est pas Jane mais une enquêtrice) et les personnages gravitant autour d'elle sont très variés. Nous ne voyons qu'une partie du spectre créatif de ce monde au travers d'une brigade policière chargée de la littérature et - un peu - de celle qui est en charge du temps. Nous n'en saurons à peine plus sur les autres, et c'est bien dommage !

L'imagination débridée de l'auteur nous surprend et nous tient en haleine à chaque instant. le style oscille entre un grand classicisme (hommage à Charlotte Brontë ?) et des dérapages de situations fort à propos.

A lire !
Lien : https://www.patricedefreminv..
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Encore une belle découverte grâce à Babelio et en particulier grâce au club de lecture !

"L'affaire Jane Eyre" est un roman inclassable et c'est tant mieux ! C'est loufoque comme seuls les anglais en sont capables !
J'ai lu les différentes critiques (les bonnes comme les mauvaises) concernant ce bouquin et OK l'écriture est assez simple et les personnages sont un peu clichés (les méchants vraiment méchants...), mais moi j'ai pris un vrai plaisir à lire ce livre bourré de références littéraires et très drôle ! Bon c'est de l'humour anglais donc on adhère ou pas, en ce qui me concerne j'adore !

On est dans un univers qui ressemble au notre (même références culturelles et historiques) mais qui s'avère être complètement différent. Dans ce monde, la littérature tient une place capitale, une sorte de police littéraire est même créée ! Que dire des "Baconians" (lu en VO, je dirais "Baconiens" mais je ne suis pas sûre ...) qui font du porte à porte afin de convaincre les gens que c'est Bacon lui-même qui a écrit les pièces de Shakespeare ?! J'ai adoré ce passage et cette manière de voir la littérature presque comme une religion !
Et pouvoir rencontrer les personnages de ses romans préférés ?!? Quel rêve !
Bref j'aurais presque adoré vivre dans ce monde là ! Je dis "presque" parce que forcément il n'est pas non plus parfait : la guerre de Crimée est toujours en cours, une multinationale gouverne l'Angleterre de manière "secrète" ...

J'ai toujours pensé que ce livre serait trop "bizarre" et que cela me gênerait, et ben pas du tout ! Je suis donc très contente d'avoir franchi le cap et je vais lire les suites prochainement.

CHALLENGE VARIETES 2015 - UN LIVRE DROLE
CLUB DE LECTURE MAI 2015
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Quelle imagination ! Jubilatoire pour une lectrice qui a un petit faible pour la littérature anglaise. Voilà que j'apprécie beaucoup les histoires à humour totalement déjanté, je ne me reconnais plus. Une héroïne fort sympathique et dynamique à savoir Thursday Next, des aventures abracadabrantes qui se succèdent pour notre plus grand plaisir, des personnages de roman qui peuvent sauter spontanément du livre ou vice-versa, de nombreuses références à la littérature anglaise, bref un bon moment de lecture!
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Je crois que j'ai une maladie assez grave pour un bibliophile, j'aime les livres que je n'aimerai pas. Je suis attiré par des livres qui ne me correspondent pas. le pire, c'est que je le sais avant de débuter ma lecture. C'est comme si je ne choisissais que des partenaires sentimentaux qui me feraient souffrir (cas très fréquent en amour soit dit en passant).
Je sais que l'association de l'imaginaire et du comique ne me correspond pas. J'ai pourtant essayé les livres de Douglas ou de Pratchett sans succès. Malgré cela, je n'ai pu m'empêcher de tomber dans les livres de Fforde. Pourtant tout s'accorder pour me faire fuir: thriller scienfictio-fantastique bourré d'humour anglais! La recette parfaite pour me procurer une indigestion littéraire.
Heureusement pour moi, ce premier tome de la série Thursday Next n'a pas été aussi infame que je l'envisageais. Je dirais même plus, il s'agit surement du meilleur cycle que j'ai lu avec ces ingrédients (comparé à H2G2 et Les annales du disque monde). le meilleur cycle peut-être mais point trop n'en faut au risque d'attraper la nausée!
Le monde créée par l'auteur est assez loufoque mais cohérent, les personnages sont quasiment tous barrés et les méchants sont de vrais méchants. On passe globalement un bon moment de lecture avec quelques sourires et 2 -3 rires. J'ai bien aimé ce livre même si l'histoire est relativement courte puisque la mise en place des personnages prends pas mal de temps. Tout se résoud en un coup de cuillère à pot et en quelques pages. C'est très bien écrit (surement mieux en anglais même si les jeux de mots doivent être difficiles à saisir) et on se laisse guidé par Thursday dans la traque d'Hadès jusque sur le toit du chateau de Thornfield. Il est recommandé d'avoir connaissance de l'histoire de Jane Eyre (je pense) pour apprécier un peu plus l'histoire.
Je suis persuadé que le coté loufoque de ce cycle aura raison de moi et me lassera très vite, en attendant, si vous êtes friands de jeu de mot, de paradoxes temporels et de Dodos ou si vous êtes fans des précedents auteurs cités et d'humour anglais, foncez vous adorerez!
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