Essai intéressant et accessible.
Comme l'énoncent à plusieurs reprises les auteurs, « la décroissance » n'est pas un parti mais plutôt un lanceur d'inventivité tourné vers un lendemain politique post-développement.
Aux notions de « progrès techniciste » et de « bonheur égoïste », les objecteurs de croissance opposent le bien commun et la joie d'une pensée renouvelée et tournée vers des idéaux écologiques et humains.
Les fers de lance de la décroissance appellent à dépasser
- la valeur-travail qui ne doit plus être considérée comme le principal vecteur de richesse dans la société post-capitaliste qu'ils espèrent voir émerger.
- la notion de croissance qui n'est plus vectrice de progrès.
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Comme son titre le suggère, cet ouvrage est divisé en dix chapitres.
Il est bien sûr en défaveur de la continuation de la croissance des pays les plus développés.
Il est globalement intellectuellement honnête et ses propos, même si on ne les partage pas forcément tous, demeurent défendables.
Il aborde certaines problématiques peu traitées dans les manuels traditionnels comme la suraccumulation du capital dans les entreprises (question il est vrai marxiste).
Il ne contient aucune formalisation mathématique. et se lit facilement.
Je le recommande en complément d'une formation plus classique à l'économie pour connaître un point de vue divergent.
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Excellente entrée en matière pour aborder ce thème. Les auteurs permettent de bien circonscrire le sujet tout en donnant à voir l'ampleur des questions que pose la décroissance.
D'ailleurs dé-croissance ou a-croissance ?
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« L'apparition du terme décroissance date en réalité de la fin des années 1970. Il apparaît dans le titre d'une sélection de travaux de Nicholas Georgescu-Roegen. » (p. 8)
« le progrès de quelques-uns, dans le temps et dans l'espace, se paie de la régression de tous les autres. L'avion pour les uns, le changement climatique pour les autres. »(p. 28-29)
« V. Cheynet et B Clémentin [sont] critiques envers l'idée d'une simple réduction du temps de travail. Pour eux l'enjeu est aussi de réduire le temps de consommation, car ce temps n'est pas un temps libre mais bien un temps aliéné. Ces deux réductions sont une condition nécessaire d'un monde plus démocratique, car l'augmentation du temps nécessaire au débat se traduira inévitablement par un recul du temps dévolu à la production et à la consommation. » (p. 45)
« Tant que le travail au sens de production de valeur économique est considéré comme la source principale de richesse, le capitalisme reste intact. Cette centralité de la valeur-travail fait du marxisme un productivisme. Et c'est ce que M. Postone critique, en montrant que Marx lui-même, vers la fin de sa vie, avait identifié le problème et estimé que le combat devait désormais porter sur l'abolition de sa valeur- et pas simplement sa régulation » (p. 54)
« La 'simplicité volontaire', à la suite de François d'Assise n'est pas une manière de se restreindre ou de se priver mais une façon de s'alléger afin de laisser venir à soi un sens plus profond. »(p. 56)
« Pour les objecteurs de croissance, miser sur les technologies permet d'éviter d'ouvrir la discussion sur les valeurs. [C'est promettre] des solutions miracles moyennant un peu d'écofiscalité. » (p. 70)
« Très rares sont les sociologues qui ne prennent pas la technique moderne pour chose acquise, pour l'éternité. C'est un fait et non un choix. Le 'développement' étant 'scientifique' et 'technique', et par-là soustrait à la sphère du débat public, n'a donc plus grand-chose à voir avec le progrès moral et politique souhaité par les philosophes des Lumières ». (p. 98)
« L'enjeu est de sortir du 'mal-développement' du Nord et du Sud tout ensemble, pour ouvrir vers un nouvel universalisme. »(p. 101)
« argument (positif) selon lequel la croissance économique ici et maintenant ne crée plus de progrès. » (p. 129)
« A l'opposé du bonheur par le « toujours plus », la décroissance n'invite pas au 'toujours moins' mais à l’authentiquement mieux- le mieux ne se réduit pas au plaisir et au bonheur, mais inclut la revendication d'autonomie et d'égalité. »(p. 141)
« montrer que nous vivons notre temps 'libre' dans une espèce de Disneyland géant dont l'ambition est d'annihiler tout ambition authentiquement émancipatrice : l'intérêt des firmes n'est surtout pas que le consommateur ait des désirs qu'elles ne peuvent pas satisfaire. » (p. 146-47)
« La décroissance est un slogan, lancé par ceux qui procèdent à une critique radicale du développement afin de casser la langue de bois économiciste et de dessiner un projet de rechange pour une politique de l'après-développement. La décroissance ne constitue pas vraiment une alternative concrète, mais c'est bien plutôt la matrice autorisant un foisonnement d'activités. Il s'agit d'une proposition nécessaire pour rouvrir les espaces de l'inventivité et de la créativité bloqués par le totalitarisme économiciste, développementiste et progressiste. » (p. 201)
« dix propositions politiques radicales : 1- Promotion des monnaies locales et sans intérêt. 2- La mise en œuvre de la semaine de 3 jours. 3- Moratoire sur les méga-infrastructures. 4- Réduction de la publicité. 5- Limiter le recours aux ressources naturelles stockées dans le sous-sol. 6- Réutilisation des maisons vides et co-habitat. 7- Revenu inconditionnel. 8- Revenu maximum. 9- Fabriquer l'innovation frugale (qui intègrent des limites à la croissance et à la conso) 10- De nouveaux statuts pour l'action collective à but non lucratif. (p. 230)
ce qui est présenté comme "progrès" pose bien des questions, et de plus en plus. Outre les risques écologiques, on peut s'interroger sur la compatibilité de certaines sciences ou certaines techniques avec l'exercice de la démocratie, l'exercice du nucléaire est un exemple type. Du fait de sa dangerosité intrinsèque, le nucléaire doit, de l'aveu commun, être géré selon le principe du "risque zéro". Or l'infaillibilité, outre son caractère inhumain, signifie la mort de l'opinion, la mort de la politique au sens de l'expérimentation continue dont parlait John Dewey"