Les premiers poèmes composés par Edgar Poe palpitent de sa douleur et de sa déception juvéniles sans que, cependant, jamais une syllabe de reproche démente ou atténue le culte qu'il prolonge dans les replis intimes de sa foi meurtrie.
Le poème Tamerlan, publié, en 1827, dans une version que Poe, pour les éditions subséquentes, a modifiée et refaite au point que, sauf le thème général, presque rien n'en a subsisté, contenait les passages que voici :
Nous étions jeunes encore : aucune pensée plus pure
n'habitait dans le cœur d'un séraphin que dans le tien ;
Car l'amour passionné est toujours divin :
Moi, je l'aimais comme le pourrait un ange
Avec un rayon de la toute vivante lumière
Qui flamboie sur l'autel d'Edis.
Je n'avais d'existence qu'en toi.
Le monde, avec tout son train brillant
Et la beauté heureuse (car pour moi
Tout était un délice indéfini)
Le monde — sa joie — sa part de peine
Que je ne sentais pas
Tout ce que je sentais, ou voyais, ou pensais,
Se pressant confusément devenait
(Doué de ta non-terrestre beauté)
Toi — et le rien qu'est un nom.
Dans le cottage de Fordham, Poe aimait cacher sa vie, il y travaillait, il s'y prodiguait à alléger de son mieux la maladie abattue sur sa frêle et tendre femme ; mais lui-même, malade, ne parvenait qu'au prix de difficultés de plus en plus invincibles, à pourvoir aux besoins les plus immédiats. C'est alors que leur pauvreté, leur situation de santé misérable, l'impossibilité d'écrire où ses souffrances le mettaient, furent d'abord portées à la connaissance public par une note insérée dans l'Express, puis par un long article de Nathaniel P. Willis, dans le Home Journal : « M. Edgar Allan Poe » y peut-on lire, « M. Edgar Allan Poe et sa femme sont tous deux dangereusement malades, et ils souffrent parce que leur manquent les objets les plus communément nécessaires à la vie. »