Sans errer dans dans ruelles parallèles au fleuve où se cachent les débris le tours de guet, ces tours carrées où se barricadaient les grandes familles avec leurs clients, les jours de guerre intestine — entre Raspanti guelfes et Bergolini gibelins. — on trouve, le long des quais, une longue suite de palais pleins de légendes. C'est dans le palais Médicis, aux grandes arcatures en tiers-point, que Cosme 1er aurait fait périr, entre les bras de sa femme, Eléonore de Tolède, leur fils Garzia.
Si le voyageur continue sa promenade paresseuse dans ces quartiers d'aspect provincial, il visitera Santa Caterina, où conversent éternellement l'archange Gabriel et la Vierge annoncée. Plus loin, derrière le palais archiépiscopal dont le beau cloître enferme un Moïse gesticulant d'Andréa Vaccà (1700), un grand jardin de citronniers — le jardin de l'archevêque, où ne pénètre point le touriste, — sert d'asile, le soir, à tous les oiseaux du voisinage.
Une cité morte, enfermée dans l'anneau de ses tristes murs rouges, une vieille ville de province aux rues uniformes, dormant sur les deux rives de son fleuve, encerclée de médiocres faubourgs modernes et d'une plaine sans arbres, l'image terne, usée, avilie, d'une interminable déchéance, qui se traîne depuis cinq siècles, — telle est Pise pour beaucoup de voyageurs hâtifs. Ils savent pourtant qu'une place herbeuse, tout au bout de la ville, entoure de silence trois insignes reliques, le Dôme, le Baptistère et le Camposanto ; et ils se pressent de visiter ces monuments de marbre que domine la tour penchée.
Les fresques tragiques de Traini. et celles de Benozzo, d'une grâce presque allègre, ne se contredisent pas : le temps a effacé les couleurs trop vives, et les jeunes vendangeuses florentines ne sont plus elles-mêmes que des ombres. Il n'y a de vivant ici que les rosiers qui croissent dans le jardin gazonné, entre les délicates fenêtres de marbre, sous le regard de ces visages pensifs sculptés aux retombées des arcs : un carré d'herbe, des roses, quatre minces cyprès, c'est assez de nature pour embellir, dans ce silence, le sommeil de ceux qui sont couchés ici.