Quel bonheur qu'un historien de talent veuille bien jeter un regard sur la géopolitique du temps présent.
Peter Frankopan tisse, un portrait du monde présent, et projette, grâce à ses connaissances du passé, une esquisse fort plausible du monde à venir qui se construit sous nos yeux.
Les années 1990 ont vu s'effondrer le monde dépecé selon les accords de Yalta et un continent africain en coupe réglée. Comme si trois générations de pyromanes européens, ayant agit entre 1917 et 1991, avaient su construire un monde durable, pérenne en se berçant d'une illusion de puissance dont celle de la bombe atomique et de ses 140000 morts dans le cadre d'un équilibre par la terreur.
Faire notamment fi de la force intérieure de l'humanité, des huit siècles où se sont créées comme des fils de soie, des relations interculturelles profondes entre l'Est et l'Ouest ne serait-il pas le comble de l'orgueil et de l'aveuglement ?
L'Asie mineure ,berceau de l'humanité, coeur d'un réseau social mondial ancrée dans l'histoire où les fils de soie seraient analogues à des neurones interculturels est une thèse fructueuse.
Cette grille d'analyse toujours contemporaine délivre des clés pour comprendre le monde troublé d'aujourd'hui dans lequel la Chine reprend sa place de grande puissance comme se fut le cas durant des millénaires.
Mao Zedong, Deng Xiaoping puis
Xi Jinping contribuent à renouer avec la conception de l'histoire en spirale de temps, spécifique à la pensée chinoise, où des fondamentaux se présentent régulièrement, cycliquement avec une adaptation au contexte du jour vécu.
Il est divertissant de constater qu'en cherchant une nouvelle route des Indes au XV siècle, l'Europe et l'occident ont développés leur force extérieure, leurs technologies, durant 500 ans en une sorte de feu de paille des ressources nouvelles mises en oeuvre.
Ces artifices n'ont pas pour autant déplacé le centre névralgique de l'humanité qui a perduré en Asie mineure. Les nouvelles routes des Indes ne furent donc pas de nouvel
les routes de la soie. Or une globalisation réussie ne se fonde pas uniquement sur des moyens technologiques comme internet, mais elle s'ancre dans les points vitaux et résilients de l'humanité.
Peter Frankopan nous fait comprendre cette acuponcture géopolitique de l'humanité qui nous est difficilement accessible en occident puisque nous baignons dans un monde où la technique insensée de Heidegger et sa déconstruction de toute valeur transcendante nous engluent dans un paradigme individualiste outrancier donc liberticide et à bout de souffle.
En conséquence,
les nouvelles routes de la soie nous conduisent à prendre conscience que l'humanité doit se reconcilier avec son histoire si elle veut survivre. L'humanité comme l'individu est un organisme vivant. Elle aurait alors ses propres méridiens et point d'acuponcture matérialisés. L'image des routes de la soie, appréhendée comme un réseau vital de l'humanité, aide donc notre pensée occidentale à mieux comprendre l'approche de l'orient et les perspectives d'avenir.
Dans le meilleure des cas, afin de conserver une perspective de vie éternelle, de longue vie, à l'humanité,
les routes de la soie pourraient donc rebattre les cartes et reconnecter la force éphémère, technologique fragile individualiste de l'occident avec la force intérieure de l'orient.
Dans cette interprétation, nous serions donc en cours de transition entre un équilibre de la terreur et un nouvelle équilibre durable atteindre.
A suivre…
Bonne lecture