Je ne suis certes pas le premier qu'ait frappé la ressemblance qui existe entre les actes obsédants des névrosés et les exercices par lesquels le croyant témoigne de sa piété. Le nom même de « cérémonial », que l'on a donné à certains de ces actes obsédants, m'en est une garantie. Cependant cette ressemblance me semble être plus qu'une ressemblance superficielle, de telle sorte que l'on pourrait, d'une intelligence de la genèse du cérémonial névrotique, se risquer à tirer par analogie des conclusions relatives aux processus psychiques de la vie religieuse.
Tout aussi mesquines que les actions elles-mêmes du cérémonial sont les occasions et les sortes d'activités que le cérémonial environne, en rendant plus difficile, et en tout cas en retardant l'accomplissement: par exemple, l'action de s'habiller et de se déshabiller, de se coucher, de satisfaire les besoins corporels. On peut décrire la façon dont s'exerce un cérémonial en remplaçant en quelque sorte celui-ci par une série de lois non écrites.
Le caractère de compromis des actes obsédants en tant que symptômes névrotiques est celui que l'on reconnaît le moins nettement dans les actes religieux qui leur correspondent. Et cependant quelque chose nous rappelle ce trait de la névrose quand nous voyons combien souvent tous les actes que la religion réprouve - les manifestations des instincts réprimés par la religion - sont justement accomplis en son nom et soi-disant à son profit.
Dans les cas légers, le cérémonial paraît être l'exagération d'un ordre habituel et justifié. Mais la conscience toute particulière avec laquelle il est exécuté et l'angoisse qui surgit s'il est omis donnent au cérémonial le caractère d'un « acte sacré ». Tout ce qui le trouble est en général mal toléré ; il doit être accompli à l'exclusion du public, de la présence d'autres personnes.
Il est aisé de voir où se trouve la ressemblance entre le cérémonial névrotique et les actes sacrés du rite religieux : dans la peur, engendrée par la conscience, en cas d'omission, dans la complète isolation de toutes les autres activités (défense d'être dérangé) et dans le caractère consciencieux et méticuleux de l'exécution.
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