Après m'être fait limite alpaguer sur Twitter parce que je n'avais pas employé les bons termes pour parler d'une fille trans, je me rends compte à quel point un titre comme Boys Run the Riot, où la question du choix des mots pour parler du genre et de la sexualité des gens est hyper important, compte et doit être lu par le plus de monde possible.
Dans ce nouveau tome,
Keito Gaku reprend les deux thèmes au coeur de sa série : la marque de vêtements que veulent créer les garçons et l'évolution de Ryo dans sa vie en tant que garçon trans. Ce sont deux sujets très différents et qui pourtant se rejoignent dans la liberté et la tolérance qu'ils promeuvent mais aussi le vent de révolte qu'ils font souffler.
J'ai d'abord été déstabilisée par la place prise par la marque des garçons dans un premier temps. Je trouve que ça occupait trop l'espace et mettait surtout en avant le côté rebelle et frondeur de Jin, alors que j'aurais voulu qu'on parte sur autre chose. Parler de ces méchants adultes qui ne comprennent pas la jeune plus évoluée et libre qu'eux m'a semblé une caricature grossière de la réalité, alors que jusqu'ici l'autrice avait été bien plus fine.
Heureusement la suite m'a donné tort en s'attardant longuement et avec brio sur Ryo, qui pour payer sa passion, prend un petit boulot où il va devoir se confronter aux autres et trouver comment parler de lui. J'ai beaucoup aimé les différentes étapes, que ce soit le premier entretien foireux où le patron ne comprend pas qu'il ne veut pas être genré comme une fille, où les débuts dans son boulot où tout le monde le voit comme une fille avant qu'il fasse une rencontre qui va tout changer, enfin tout, pas tout à fait.
L'autrice nous décrit avec justesse le côté impitoyable de la vie en société qui veut nous faire rentrer dans des cases et qui nous piège nous-même. Ryo veut qu'on le considère comme un garçon mais il véhicule lui-même des clichés du genre pour cela, comme si quelqu'un qui n'aimait pas une fille ne pouvait pas être un garçon, etc. L'autrice décortique avec justesse tout cela, montrant les fausses idées qu'on se fait, les éléments de genre que la société nous impose, les images et jugement qu'on porte à tort sur les autres. C'est très fort.
Pour cela, elle utilise de manière très fine les relations que Ryo va nouer au travail. Il y a d'abord cette fille,
Mizuki (dont je me demande si elle n'est pas elle-même une trans), qui va l'aider à s'intégrer comme garçon et l'aider quand ça ne marchera pas. C'est un très beau modèle de grande soeur. Puis, il y a les garçons du travail qui voit d'abord en lui la fille qu'il était à la naissance, avant de le considérer comme un garçon manqué, d'apprécier cela et de tenter leur chance, pour réaliser que non, et alors les explications vont être compliquées et dures. Mais ce sur quoi tout cela va déboucher va être très puissant et j'ai adoré voir Ryo se battre, se tromper, lutter, se relever pour finir par nouer quelque chose de vrai avec Shimada.
L'autrice montre bien toute les difficultés à se faire accepter en tant que personne trans, à faire comprendre aux autres ce que ça signifie, mais aussi à démêler personnellement ce qui tient du genre et de la sexualité, deux choses complètement différentes. C'est un sacré embrouillamini mais c'est nécessaire de passer par là. Et la postface de la traductrice qu'Akata a inséré pour encore affiner la question, avec le choix des mots pour genrer, est un excellent choix, car cela apporte un éclairage essentiel.
Ce nouveau tome de Boys Run the Riot aura démarré calmement pour moi avec un focus sur la marque des garçons qui ne me passionnait pas, mais quand il prendra un virage plus radical pour évoquer l'intégration de Ryo, en tant qu'homme trans, dans une société mal à l'aise et maladroite avec le sujet, on sera alors dans le coeur du sujet. J'ai adoré la finesse de l'autrice pour décortiquer ces phénomènes, poser des mots et faire réfléchir. le prochain volume s'annonce tout aussi fort autour du thème de l'outing, j'ai hâte d'y être !
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