Ce soir-là, lors de la distribution des petits verres de ponce, un garçon de onze douze ans, Hervé, je pense, tend la main vers un verre et son père le vois et crie
Hé ! HÉ ! Tu veux boire, toi ? Tu veux boire comme un homme ?
J'aimerais ça goûter ! Ben goûte mon p'tit gars !
et le jeune prend un petit verre et il attend et quand tout le monde a le sien, quelqu'un crie
Salut !
et tout le monde et le p'tit gars cale son verre, le p'tit gars frémit et vient les yeux pleins d'eau et il a un haut-le-cœur,
Pis ? T'aimes- tu ça ?
C'est fort ...
Au deuxième tour, il fait signe qu'il n'en veut pas, son père, j'imagine, j'ai bien peur que ce soit son père dit
Ah non, mon homme, tu veux boire comme un grand ? Bois !
et ont fait subir, son père en tête, un supplice au p'tit gars, on le fait boire jusqu'à ce qu'il tombe en bas de sa chaise et qu'il supplie qu'on le laisse aller se coucher, des femmes, qui font des gros yeux au père, l'emmènent, c'est la chose la plus cruelle que j'ai jamais vu jusqu'ici dans ma jeune vie mais tous ces hommes rient, tous ces hommes la trouvent bien bonne,
I'va s'en souvenir, en tout cas !
I'était un peu pâlotte, à la fin !
Pis toi le Montréalais, t'as pas de misère avec ça ?
Pas de misère panoute !
Santé !
Michel Garneau lit le poème « C'est fini » de Leonard Cohen, tiré du Livre du constant désir.