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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Je ne vieillirai jamais. C'est très facile, il suffit de l'encre, du papier, d'une plume et d'un coeur de saltimbanque"

Je confirme, Romain Gary, tu n'as pas vieilli. Tu n'es pas mort non plus. Je viens de lire Les enchanteurs. Tu es là tout entier réfugié dans ces pages. Je sens ton regard observer mon ravissement. Avec un sourire au coin des lèvres. Certes pas un sourire de mépris, ce n'est pas ton genre à l'adresse des humbles dont je suis, mais plutôt un sourire de commisération à l'égard de celui qui est encore empêtré dans la triste réalité du vivant. Celle gouvernée par le temps qui passe et enferme les hommes dans leur condition de mortels, engoncés qu'ils sont dans leur contingences matérielles, dominés par la quête du plaisir qui fait de chaque instant une course contre la mort. Triste réalité que tu n'as pas hésité à "maudire jusqu'au tréfonds de sa pourriture".

La réalité lorsqu'elle se rappelle à nous intervient toujours en profanation du rêve.

J'ai la conviction que si tu avais usé d'un ultime pseudonyme pour publier cet ouvrage en 1973, tu aurais une nouvelle fois berné les sages de l'académie Goncourt. Inspire-moi chaque jour une seule des bouffonneries qui foisonnent dans ton ouvrage et je m'afficherai en philosophe subtile. Car j'ai bien compris que ton humour si affûté, si pertinent, intervient toujours en paravent de l'amertume suscitée par ton impuissance à changer le monde, à l'extraire du temps qui passe, auquel tu attribues une majuscule pour en faire le Temps, ce gouverneur de nos vies qui, lorsqu'il "arrive auprès de Dieu, se couche à ses pieds et s'arrête complètement, ce qui donne l'éternité".

Que vous aimiez ou non Romain Gary, lisez Les enchanteurs. Comment mieux que lui dire la force du rêve et de l'imagination ? Comment mieux dire la toute puissance de l'amour ? Comment mieux utiliser l'esprit et en faire cette arme qui fait trembler les grands de ce monde ? Je suis resté médusé par le talent mis en oeuvre dans cet ouvrage, écrit dans la pleine maturité de son auteur. C'est le genre d'ouvrage propre à lui en dérober le mérite, à ne le faire considérer que comme la main inconsciente de je ne sais quelle transcendance philosophique.

Lisez Les enchanteurs, vous y découvrirez les déclarations d'amour les plus inspirées, les plus poétiques qu'un esprit gagné au charme de la féminité puisse mettre en mots. Un amour sublimé, car inassouvi. Seul le songe est garant de beauté. "Qui donc a envie de se trouver au lit avec un être humain."

Tout Romain Gary est dans cet ouvrage. Fidèle à ses valeurs. Humaniste lucide, amoureux de la nature, dépité du sort qui lui est réservé, méfiant des "professionnels de l'au-delà qui, lorsqu'ils sont derrière une croix, sont capables de tout", promoteur du joyau de la féminité qui n'existe qu'en rêve. Les femmes n'aspirent-elles pas à être rêvées plutôt que conquises ?

"On ne peut aimer sans devenir millénaire. " Voilà à n'en pas douter la raison pour laquelle dans Les enchanteurs, Romain Gary, gagné par la maladie d'être devenu adulte, s'est octroyé une dimension temporelle à la hauteur de l'amour qu'il voue encore à la femme aimée deux siècles plus tôt. Une femme inaccessible, la jeune épouse de son propre père, dont la tendresse qu'elle lui témoignait était à la fois une torture et une aubaine, car "la seule, l'unique, la vraie femme, est celle qui n'existe pas. Elle a au moment le plus doux le génie de l'absence."

"Je n'existe ami lecteur que pour ta délectation et tout le reste n'est que tricherie, c'est-à-dire malheur des hommes." Objectif atteint Romain Gary. Tu m'as enchanté avec Les enchanteurs, terme générique de ton esprit fécond qui couvre la palette allant des caniches savants aux philosophes les plus éminents. Tout ce qui vit de l'art et de l'esprit. Me sachant pourtant bien le jouet d'une oeuvre d'imagination, dont tu nous dis qu'elle ignore le mensonge, je me suis accroché à chacun de tes mots. Je sais qu'ils véhiculent une sensibilité à fleur de peau.

Cet ouvrage est absolument sublime. Il est parvenu à m'extraire un temps des griffes du "seul vrai monstre qui a pour nom réalité."
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Fils et petit-fils d'illusionnistes et de saltimbanques italiens, Fosco vit une enfance choyée, et illuminée de rêve et d'imagination, par son regard sur les choses et sur tout son environnement. Purs moments de grâce, les pages sur sa vie enfantine, en Russie, dans les années 1760. Moments poétiques, ceux où il raconte son grand-père, ses oncles – l'un, révolutionnaire avant l'heure, et l'autre, contre-ténor frisé et poudré - son père, Giuseppe Zaga, thérapeute précurseur à la cour de Russie et d'une lucidité confinant à la voyance (ou inversement), son tendre précepteur, sa presque seconde mère, Signor Ugolini, et la très jeune Italienne flamboyante, exubérante, révoltée avant l'heure, qui aurait dû n'être que la seconde femme de son père et qui sera son seul amour : Teresina. Un amour que Fosco fait vivre, et qui le fait survivre, pendant deux siècles, bien longtemps après la mort de Teresina. Mais tant qu'il aimera son souvenir, ni elle ni lui ne périront. Et on se laisse emporter par cette volonté d'aimer plus forte que tout, plus forte que l'oubli et que le temps.

Au prétexte d'un voyage de commande vers Orenbourg, Fosco nous emporte aussi dans l'histoire de Pougatchev, qui a mené en 1773 et 1774, dans le sud de l'Oural, une lutte révolutionnaire contre le régime tsariste. A la clé, des scènes effroyables de vengeance contre les nobles, les fonctionnaires de Catherine, les commerçants enrichis. Que pourtant Fosco-Gary décrit avec son oeil d'artiste, connaisseur des formes et des couleurs…

Etre écrivain, c'est être enchanteur. C'est ainsi que Fosco, le jeune, puis très vieux, narrateur du livre, définit ce qui le fait vivre, dans la continuité de ce que ses ancêtres ont offert à leurs différents publics : spectacles, tours d'adresse, jongleries, prédictions, séances d'hypnose… Ecrire, c'est tout cela à la fois, mais sur le papier ; c'est même, avec une âme d'enfant, sauver l'amour après la mort. Et Fosco-Gary s'y entend comme personne, à aimer Teresina, à enchanter son lecteur.

L'élégance chatoyante et finement comique de son écriture, sa façon d'inventer et de raconter une histoire, comme une fantaisie venue de l'enfance, comme une poésie sensuelle, parfois farfelue. Un conte qui n'en est pas tout à fait un, puisque mine de rien, il nous parle aussi des choses révoltantes ou désespérantes de la vie et de l'histoire des hommes, avec une lucidité molletonnée d'ironie douce-amère.
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Que serait la vie sans imagination?
Fosco Zaga, le narrateur, fait partie d'une lignée d' "enchanteurs", de saltimbanques, de personnes expertes dans l'art de divertir, d'émerveiller.
C'est en tant qu'écrivain que Fosco exerce son art, et c'est âgé d'environ 200 ans qu'il s'emploie à faire le récit de sa vie. On comprend alors pourquoi il est si vieux. Il a "charge d'amour", et ne peut quitter ce monde sans être sûr que quelqu'un d'autre aime autant que lui.
Rester vivant et parler d'elle, la réinventer sans cesse, permet à Térésina, son seul et unique amour, de rester vivante.
J'ai beaucoup aimé ce roman, tant pour le style inimitable de Romain Gary, que pour le rêve qu'il inspire. Surtout, il m'a rappelé une chose fondamentale: ne jamais oublier de garder son âme d'enfant...
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Dans ce roman, Romain Gary nous raconte l’histoire d’une dynastie de saltimbanques, les Zaga. A travers cette famille, il évoque la confrérie des enchanteurs, quels que soient les oripeaux dont ils se drapent : romanciers, alchimistes, prestidigitateurs, acteurs, saltimbanques… Tous sont engagés dans une lutte contre la réalité, le temps et la mort. Ils ont pour armes ou outils l’illusion, l’imagination, le rêve la fiction ou la création.
Ce roman est un exemple d'enchantement. Grâce à la fiction romanesque, l’écrivain peut plier le Temps à sa guise. L’auteur nous fait voyager dans le temps et à travers l'Europe. Nous voici à la cour de Catherine de Russie, au milieu d’une jacquerie cosaque, au cœur de la Venise des Doges, pour revenir ensuite dans un bureau encombré de livres, rue du Bac à Paris.

La commedia dell ’arte est la matrice de la vocation des Zaga. Le rire, l’irrévérence et la caricature sont les ennemis les plus redoutables des tyrannies. Un éclat de rire, du jeu et de la légèreté peuvent balayer le poison du sérieux et d’une obscure réalité. Et puis il y a l’amour. Le fils Zaga tombe éperdument amoureux de la nouvelle épouse de son père. Elle se refuse à lui. Sa passion ne doit pas être concrétisée, la réalité détruirait ces sentiments éthérés, étoufferait le rêve qui la magnifie. En devenant la muse de cet écrivain, elle acquiert l’immortalité. La fiction lui permettra de renaître aux yeux des lecteurs des siècles à venir. Elle vivra à nouveau dans nos cœurs, inchangée, sous ses plus beaux atours.

« Les enchanteurs » est un récit de formation. Le jeune Fosco Zaga va découvrir les vérités sur l’amour, la vie ou la nature de son art qui forgeront sa destinée. Le roman emprunte au conte, à l’épopée historique et au registre courtois. L’auteur sait aussi se montrer drôle, voire graveleux, quand il fait le récit des tribulations érotiques d’un adolescent ou des troubles intestinaux de Catherine II.
Par ce texte, Romain Gary nous déclare que l'illusion et la rêverie sont indispensables à la vie des hommes. Ce magicien des mots nous rappelle qu’il faut conserver son âme d’enfant, qu’il faut garder sa foi pour le merveilleux et que l'amour, le vrai, existe et ne meurt jamais.
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Eh ! Un petit tour dans un monde enchanté ?

Ferme les yeux. Tu sens l'odeur de sous-bois…
Quelle est belle cette forêt…
Et dans une forêt enchantée, qu'est-ce qu'on peut trouver à ton avis ? Un enchanteur peut-être…

- Moi : Tu vois toutes ces mini fées clochettes dans le ciel ?
- Toi : Quelles fées ? Où ça des fées ?
- Tu vois pas, ça brille de partout, là-haut, là, autour de nous…
- Il commence à pleuvoir ! C'est l'humidité qui brille.
- Mais non, c'est des fées clochettes avec leurs petites ailes qui brillent… D'ailleurs, regarde mieux, il y en a qui remontent dans le ciel…
- C'est une putain de bruine qui veut pas s'déposer au sol et qui nous glace les os. On va finir perdu dans le brouillard… Je suis sûr que tu sais déjà plus où on est depuis le temps qu'on marche.
- Mais ! … tu s'rais pas un peu trouillard… Bah, t'inquiètes, on tombera bien sur une bonne fée si on s'est paumé… Tu trouves pas que c'est romantique tous les deux, seuls au monde, en forêt… ?



Lorsque j'ai repris ce livre, j'ai regardé à l'intérieur, et j'ai eu comme une hésitation.

De long paragraphes dans un livre assez gros, cela m'a rappelé Europa, que j'ai lu pour la première fois récemment et que je n'ai aimé que parce qu'il s'agit de Romain Gary et que je perds toute objectivité en sa compagnie.


Europa a été publié en 1971 et c'est un livre « qui n'a pas été compris » par les lecteurs. Gary s'en est rendu compte, puisqu'il a ajouté une préface dans la version américaine pour s'expliquer sur le sujet.
Deux ans plus tard, il reprend la même trame, les mêmes idées dans ce livre « Les enchanteurs ».

Ce n'est pas la première fois que Gary me donne l'impression de se répéter, en particulier après un échec.
Déjà « Tulipe », qui n'avait pas été un succès du tout, et « L'homme à la colombe », reprenaient tous les deux la même trame : une fausse grève de la faim de la part du héros qui se transforme en crise d'authenticité.


Dans « Les enchanteurs » comme dans « Europa », le narrateur, le héros de l'histoire, vit sur plusieurs siècles. Il fréquente le beau monde, la haute société, le pouvoir.
Ces deux livres contiennent de grandes descriptions et de nombreuses références culturelles, à l'art, à l'histoire, à la politique, à la société et son évolution.


Cependant, ici, l'enchantement est efficace. Les descriptions, par exemple, parfois un peu longues, sont d'une beauté remarquable. Fosco parle avec les yeux émerveillés d'un enfant de ce qui l'entoure.
Dans la forêt de son enfance, les arbres, les rochers prennent vie autour de lui.

« Je parvenais encore à imaginer que ce grand bougre de rocher, là-bas, si humain dans ses formes, était un prince frappé de mauvais sort, mais je ne pouvais plus rien pour lui et, surtout, il ne pouvait plus rien pour moi. Il nous arrivait à tous les deux le même malheur : il était à tout jamais changé en pierre et moi, je devenais changé en homme. »


Ce livre contient de nombreux mots russes (neprilitchnosti, bartchouk, gospaja, klioutchnik…) qui je trouve ajoute à l'émerveillement par des touches d'authenticité.
Souvent, dans ses livres Gary laisse des mots étrangers : yiddish dans « La danse de Gengis Cohn », tahitiens dans « La tête coupable », américains dans « Chien-blanc »… ici des termes russes.
Cela est peut-être dû à son cosmopolitisme : Gary touche à l'universalité car il comprend et s'imprègne de la culture du pays dans lequel il vit mais il laisse à chacun ses particularités à travers ce vocabulaire qu'il ne traduit pas. Enfin c'est mon avis…


Gary laisse encore une place de choix aux prostituées dans ce roman.
Elles font partie de son oeuvre depuis son premier livre, « éducation européenne » où déjà Sozia « allait avec les militaires ».
Dans « Lady L. », l'héroïne avait tenu ce rôle.
Et bien sûr dans « La vie devant soi », Momo est un fils de pute au sens littéral du terme…


Gary aborde aussi certains de ses thèmes de prédilections, en particulier les notions d'authenticité, d'humanité, de fraternité.

Fosco Zaga, membre d'une famille de saltimbanques italiens, raconte une partie de son existence, en Russie, lorsque son père s'est marié avec Teresina. Fosco n'a eu de cesse ensuite d'inventer cette femme, dont il est épris, avec amour.
La frigidité évoquée de Terersina m'a fait penser à Lili dans « la danse Gengis Cohn ».
Et quand Fosco explique qu'il cherche à retrouver cet amour particulier pour lui dans les bras de beaucoup d'autres femmes, cela m'a fait penser à « la promesse de l'aube ».
Les vérités qui ne sont que des « costumes d'époque » ne sont pas sans rappeler « le grand vestiaire ».
On dit qu'un auteur passe sa vie à écrire le même livre…


C'est un livre que je trouve très très beau, mais j'ai l'impression que c'est parce que je connais bien Gary, parce que j'aime aussi ses défauts, depuis le temps que je le fréquente…



« Heula !! Qué qu'vous foutez là tous les deux ? »
- Toi : Bonjour madame. Peut-être pouvez-vous nous aider à retrouver notre chemin. Je ne suis pas de la région et mon amie a voulu se promener en forêt mais je crois que l'on s'est perdu.
« T'as d'la goule toi ! Pourquoi è dit rin, la p'tite dame ».
- Moi : On s'disait que peut-être on trouverait une fée pour nous aider à trouver Merlin, vous voyez quoi…
« Mé tu l'as d'jà trouvé ta fée ! Moi c'est Gisèle. Et y'a pas d'Merlin ici à c'que j'sais »
- Toi : ahahaha… c'est drôle… Mais peut-être que vous pourriez vous indiquer notre chemin par contre…
« de quoi qu'tu ris ? de d'là à m'fâcher, y'aurait pas loin ! »
- Moi : Et vous sauriez vraiment pas où on peut trouver Merlin ?
« Y'a pas d'Merlin que j'te dis. Demande à ton galant de te sortir sa baguette, y saura bien t'enchanter avec ça »

Enchantée de t'avoir rencontré…



Pour s'inspirer, quoi de mieux qu'une chanson délirante, ça aussi ça enchante :

« Dans la rue il y a toujours au moins quatre grand-mères à faire traverser
Si ton but c'est de faire le bien, ici tu vas pas t'ennuyer
Ici les gens se battent avec des SDF pour leur donner d'l'argent
Si Madelin débarquait ici, il se sauverait en courant
[…]
Moi je vis chez Amélie Poulain
Le pays où tout va bien
Chez Amélie Poulain
Le film où on ne meurt qu'après le générique de fin
Chez Amélie Poulain
[…]
J'fais pas de collection débile alors du coup je m'insère pas
J'ai mal aux yeux à force que les couleurs soient à fond
[…]
J'prends des aveugles dans la rue et je leur raconte n'importe quoi
Tiens y a deux chiens qui discutent, y a une p'tite fille qui vient de perdre ses doigts
Je veux aller dans un autre film Orange mécanique ou Funny game
J'en ai marre de discuter trois heures par jour avec la gardienne
Je veux lui dire que son mari s'est cassé parce qu'elle est conne et moche !
Le soir je rêve de r'monter des kalachnikovs
[…] »

(extrait de « Amélie Poulain », Les Fatals Picards : http://www.youtube.com/watch?v=bEhg1yGax78)
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C'est un peut être un conte. Pas une fable. Est-ce la réalité ? Un rêve? Il est vrai que derrière les apparences il y a toujours un rêve. Les enchanteurs, ces immortel.le.s.
Saltimbanques, artistes, alchimiste, voyants toujours,... jamais prophètes.
C'est un roman enchanteur, entre Venise, Paris, et la grande Russie, une chevauchée à travers la « grande fête humaine ».
C'est un roman qui interroge le rôle de la création, sa mission, la force de l'amour, l'écriture, l'imagination, le Temps, la hauteur à laquelle il convient d'hisser nos flambeaux.
On traverse les siècles. Qu'est-ce qui perdure ? A quel instant mourons-nous ?
Et puis l'écriture de Romain Gary… «  les souvenirs, c'est une chanson que l'on chante quand n'a plus de voix... ». Alors on écrit, comme Gary, ou bien on peint comme Chagall. C'est un air qui nous inspire et ne fera jamais rien rien expirer.

Astrid Shriqui Garain
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Avant toute chose je dédie ce livre au plus grand saltimbanque de notre époque, Dario Fo qui vient d'éteindre da quatre vingt dixième bougies.
L'histoire de ce livre aurait pu être sa vie, un grand amour mêlé à la grande tribu des enchanteurs.
Romain Gary nous emmène dans la lointaine Russie des tzars, sous le règne de la Grande Catherine, où la vie humaine ne tient pas à grand chose. La famille Zaga dont le fils Fosco, le narrateur, est une famille de saltimbanque d'origine vénitienne, qui installée dans ce pays immense, est à son apogée. Les évènements historiques (la guerre entre les rouges et les blancs) vont les entraîner dans un camp puis dans l'autre, pris entre l'étau du pouvoir implacable de la tsarine et celui des révolutionnaires sanguinaires .
Un livre magnifique qui nous fait redécouvrir la vie de ces funambules de la joie et de la beauté.
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Voici un roman singulier, fable poétique douce et amère, farce onirique; mais le tout d'une intelligence rare. Ce que je retiens d'abord de ce roman est cette langue si belle, que Romain Gary sait manier avec fougue mais également retenue. Ce que je retiens ensuite ce sont ces personnages, aimables bouffons, saltimbanques rieurs, mais qui, de la vie, ont compris beaucoup.
C'est un roman tout en justesse et en finesse que nous livre Romain Gary. Une réflexion sur la place des ces "enchanteurs", qu'ils soient saltimbanques, psychanalystes ou écrivains, et qui nous aident à vivre. On traverse l'Europe et les époques avec ce roman, habile médium entre les peuples et les temps, et qui nous rappelle que partout et toujours, la nature humaine est la même; qu'elle a besoin d'amour et de rêve pour survivre.
On met un peu de temps à rentrer dans cet opus décoiffant, mais cela en vaut la peine- ami lecteur, si tu hésites après les premières pages, poursuis la lecture, tu y rencontreras de vrais enchanteurs et tu en sortiras enchanté.
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Cette oeuvre est une merveille de poésie, d'humour, d'humanisme et d'intelligence ! Une histoire sur le Temps, l'amour, la Mort, la Réalité, l'Imaginaire et le Rêve. Un récit allégorique et philosophique qui nous fait délicieusement réfléchir. Une lecture à plusieurs niveaux comme souvent chez Romain Gary.
Ce livre m'a demandé calme et concentration pour en savourer toute la finesse. L'auteur m'a embarqué dans son traîneau pour un voyage dont je ne suis pas encore revenue.
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Les Enchanteurs : Romain Gary
Fosco Zaga, au crépuscule de sa très longue vie, raconte sa jeunesse, ses joies , ses amours, ses ancêtres vénitiens partis vers la Russie sous le règne de la Grande Catherine, son père Giuseppe y exerçant alors ses talents de magnétiseur, alchimiste, astrologue et guérisseur. Et puis la moqueuse et espiègle Teresina, très jeune épouse de son père âgé de soixante ans alors qu'elle n'a que seize ans va tourner la tête de Fosco tout juste âgé de douze ans et demi, fou amoureux d'elle.
Un roman étrange, totalement baroque évoquant trois générations de Zaga, du grand père Renato au père Giuseppe, puis Fosco le fils et ses deux frères et sa soeur.
Fosco connaît ses premiers émois durant les cours de calligraphie que lui dispense son précepteur, car l'eau lui vient à la bouche devant une voyelle bien roulée pour se trouver brusquement plongé dans un état congestif très explicitement localisé, ce qui l'emplit d'un sentiment de honte coupable envers l'alphabet.
Puis ce sont les effleurements au contact de Teresina, la caresse des cheveux roux de la vénitienne sur les lèvres de Fosco, le baiser innocent de Teresa, insoumise et fantasque, capable de tous les coups de tête, qui met fin à l'innocence de Fosco et marque à jamais le commencement d'une quête qui n'aura plus de cesse. Fosco qui comprend que le sentiment du péché, pour qui savait s'en servir habilement, est un condiment dont la volupté est fort friande. Ses sens éveillés ne connaissent pas la retenue que dicte une pudeur légitime et sur le plan de la vertu, il est un pur analphabète qui ne sait point lire les canons de la bienséance sexuelle, retenue et chasse aux mauvaises pensées que lui enseigne la bonne religion.
Usant fort à propos de la métaphore, l'auteur nous propose des scènes de la plus haute fantaisie notamment lorsque Fosco en bon voyeur guette Teresina dans son isba alors qu'elle prend son bain de vapeur.
Alors que Giuseppe au cours d'une relation avec Teresina ne parvient à ses fins pour la transporter en Empyrée, croyant à une malédiction de la nature, « il avait vite compris qu'il ne se heurtait pas à une barrière inconsciente et involontaire, mais à un refus délibéré et farouche. Lorsque, au cours d'une étreinte, il jetait un regard le visage de sa jeune épouse, guettant un de ces frémissements précurseurs qui annoncent la réalisation imminente de l'oeuvre heureuse et donnent à l'amant la tendre permission de s'accomplir, il n'y découvrait que l'hostilité, les pupilles dilatées et fixes, les traits figés et les dents serrées dans l'effort du refus, un « non » obstiné que Teresina opposait à elle-même, refoulant la volupté afin de goûter une joie vengeresse. » Giuseppe devra se contenter désormais d'être l'enchanteur public, mais pas celui de Teresina. Homme de goût et héritier d'un nom illustre, il n'a de cesse d'affirmer face à la concurrence que la petitesse du talent se reconnaît à la grosseur des ficelles.
Tout au long de la longue vie de Fosco, on croise une foule de personnages tous plus bizarres les uns que les autres, beaucoup ayant réellement existé et d'autres qui sont sans doute le fruit de la fertile et débordante imagination de l'auteur. le temps d'une valse dans les bras de Teresina au bal du comte Pouchkine et l'on retrouve la révolte des Cosaques et des paysans russes (1773-1775) menés par Pougatchev. Puis on croise Potemkine, militaire et homme de gouvernement russe, bel homme séduisant et intelligent qui devint l'amant et le favori de la Grande Catherine.
L'illusionniste de la cour va connaître la désillusion et la disgrâce et songer à repartir sur les routes tel un saltimbanque vénitien qu'il a toujours été avec tous ses souvenirs en guise de viatique. Mais rester toujours maître des illusions auprès de Teresina à tout jamais.
« Les souvenirs, c'est une chanson que l'on chante quand on n'a plus de voix…Je ne vieillirai jamais ; c'est très facile, il suffit de l'encre, du papier, d'une plume et d'un coeur de saltimbanque. »
Ce roman inclassable publié en 1973 est une histoire d'amour avant tout, un amour immortel, mais aussi une épopée à travers les forêts russes propices à la rêverie et aux égarements de l'imagination.

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