Lu dans le cadre de Masse critique avec les éditions Chemin Vert, que je remercie pour cette fort agréable lecture.
Sous une plume riche, émaillée d'un langage imagé se voulant tantôt ironique, tantôt subtil,
Elodie Geffray nous offre un récit original sur un thème pourtant maintes fois traité en littérature. Plus qu' une intrigue policière, j'ai découvert dans ce récit une étude psychologique des protagonistes finement menée.
Mu par une forme de désespoir, de renoncement à un mode de vie devenu machinal, réglé par des automatismes de survie qui n'apporte plus ni joie, ni surprise, ni découverte, mais uniquement souffrance et vide, Dominique se laisse aspirer par des évènements aussi surprenants qu'imprévisibles.
Homme simple, n'aspirant qu'à une vie un peu plus savoureuse et chaleureuse, il devient l'objet d'Ivan, assoiffé de puissance, manipulateur sans vergogne, homme de l'ombre à la solde de personnes publiques, ayant choisi d'agir dans l'anonymat par rejet des contraintes hiérarchiques auxquelles il aurait dû continuer à se confronter s'il avait choisi de se maintenir dans les hautes sphères auxquelles le prédestinait sa formation . Quoi de plus simple dès lors,que de proposer un marché pour le moins inhabituel à un pauvre bougre qui ne supporte plus son quotidien dans une ville pour laquelle il n'est pas fait, au sein d' une société qui le rejette.
De proie idéale, Dominique, va devenir, sans le savoir, acteur de sa propre vie. Sa rencontre avec Martine, à l'initiative d'Ivan, va peu à peu lui permettre de reprendre confiance en lui, et de ré-découvrir une vie simple et pourtant enrichissante, à laquelle il aspire profondément. Aidant leur hôtesse dans ses tâches quotidiennes, il retrouve son acuité qui lui souffle qu'il n'a plus de prise sur sa vie, au moment ou celle-ci lui redevient moins hostile.
Mais la réalité du marché qui le lie à Ivan, lui interdit toute vision future, bien que ce contrat lui permette financièrement de se racheter, d'une certaine façon, d'une erreur qui a indéniablement fait basculer son destin à l'aube de sa vie d'adulte.
Les rouages bien graissés de l'engrenage mis en place par Ivan auraient pu porter leurs fruits, si l'esprit humain ne se révélait pas source d' étonnants revirements.
Car en effet, comment concevoir que Nicolas, 20 ans, porteur de cette insouciance qui lui laissait penser qu'il était libre de tout acte émanant de sa seule envie, puisse vivre avec un tel poids sur la conscience ? Comment pourrait il se voir autrement qu'en victime, lui, fils d'un ministre qui s'est détourné de son rôle de père ; lui dont la mère n'est plus qu'une ombre dans sa vie.
"Comme tous les soirs, il se mit au lit, une tristesse infinie au coeur. Si son père et Ivan avaient pris en main la gestion des éclaboussures, pour le reste, il était seul" .
Comment imaginer qu' Ivan, cet homme dur et froid, fermé à tout sentiment, puisse, par le fait même de son orgueil qui le pousse à vouloir rester maître du jeu jusqu'au bout, donner une impulsion aussi insolite à la résolution du "problème" pour lequel il a été engagé ?
Sous une écriture simple et habilement structurée, notre curiosité reste avivée tout au long de cette histoire dont la chute inattendue reste à l'image du récit.
Un premier roman qui en appelle d'autres, je l'espère, et que j'aurais plaisir à découvrir .