Le journal tombe à cinq heures

Attendre un honnête cargo sur le quai de Dunkerque pour se rendre à Vancouver, et finalement sauter dans l'Orient Express pour retrouver à Bucarest la grande vedette française, Harry Baur, en tournée théâtrale dans les balkans ... la routine, en somme !
"Le journal tombe à cinq heures" est un recueil de trois nouvelles, diamétralement différentes, de trois univers parcourus et envisagés par l'écrivain-journaliste Oscar-Paul Gilbert.
Ce recueil a été publié en 1949 aux éditions "Plon".
Lorsqu'en 1939, comme Georges Ernest Klein l'on est juif, journaliste et que l'on a été communiste, l'Europe n'est plus qu'un vaste dédale sans issue pavé de camps d'internements, de contrôles d'identité, de routes à prendre sans délais et de chemins de fer qui mènent à la mort.
Klein a sauté du train pour ne pas être arrêté en Roumanie.
Il ne doit pas revenir sur ses pas.
Perdu dans la forêt, il est seul et désespéré.
Quand soudain, de nulle part, surgissent trois hommes : Jogersen qui a tiré sur le préfet de police à Sofia, Ivanovitch qui a lancé une bombe sur le prince régent Paul de Yougoslavie et Bitch qui a miné le pont de stokalitch et l'a fait sauter juste avant le passage de Staline.
Qui sont vraiment ces hommes, et pour quel organisation travaillent-ils ?
Sont-ils là totalement par hasard ?
D'autant que Sonia Rebbe, qui avait caché Maria Héléna Klein dans la troupe du théâtre "Olympia", a été retrouvée morte un poignard dans le dos ...
Ce premier texte est intitulé "Écrit en 39 ...".
Il est d'abord passionnant et très angoissant.
Mais très vite, il devient confus et sa lecture devient fastidieuse.
Dans cet embrouillamini de fuites, de menaces et de chantages, de considérations politiques et de désirs de survivre, l'on perd bien avant l'épilogue tout intérêt pour des personnages qui auraient mérité un meilleur sort ...
Le deuxième texte du recueil, "Broadway Est" est une réécriture de "Shangaï, Chambard and C°", une nouvelle de "Courrier d'Asie", un recueil paru en 1937.
Déçu de son adaptation cinématographique avec pourtant en têtes d'affiche Louis Jouvet et Christi Mardayn, Oscar-Paul Gilbert a décidé d'écrire le scénario du film qu'en 1938 les spectateurs auraient du voir.
Il en a réécrit la fin, redéployé les personnages et redessiné l'intrigue.
Bob Fletcher, le journaliste est devenu le personnage principal de l'histoire.
Le texte est trop long.
Les personnages semblent s'ennuyer dans ce délayage de complots et d'intrigues.
Et même si Oscar-Paul Gilbert s'y est offert le luxe d'offrir à ses lecteurs un choix entre deux fins, l'épilogue s'est affadi.
Le ressort a été distendu d'avoir été trop attendu et pressenti.
Le tout a perdu l'équilibre qui faisait la force du texte d'origine.
Il faut lire absolument "Shangaï, Chambard and C°", et oublier sans regrets "Broadway Est" !
Le troisième et dernier texte, "Le journal tombe à cinq heures", a donné son titre au recueil.
C'est la réédition d'une vieille nouvelle parue je-ne-sais-où très antérieurement au recueil.
"Les informations du Globe englobent le Globe" !
Monsieur Bavard le sait et il fait le pied de grue devant la rédaction avec dans sa sacoche en cuir des documents sensationnels.
De quoi faire arrêter immédiatement trois ministres, douze ambassadeurs et quelques autres dont nous nous employons ici à protéger l'anonymat.
Que Dieu me savonne et qu'Albert Londres me pardonne, mais Babelio n'est tout de même pas une feuille à scandales !
Ce qui est dans la sacoche en cuir restera dans la sacoche en cuir !
Cette nouvelle dialoguée est bavarde, sans réelle intérêt aujourd'hui et d'un humour passé qui ressemble au slogan du journal dans lequel elle nous fait pénétrer.
Oscar-Paul Gilbert désirait ici faire rire ou sourire, c'est manqué.
En 1942, pourtant, une adaptation cinématographique en a été réalisée par Georges Lacombe avec Pierre Fresnay, Marie Déa et ... Bernard Blier !
Oscar-Paul Gilbert n'avait pas pu y être présent.
Il avait été arrêté par les allemands !
Durant le festival du film en 1947, une version radiophonique en fût également donnée à la Radiodiffusion Nationale Belge.
Avec un certain succès, nous précise son auteur !
Au final pourtant, ce recueil est à placer sous la pile à lire des livres d'Oscar-Paul Gilbert et devra y rester sous peine de déception ...