Cela paraît un peu vain de faire une critique sur un livre de
Giono, l'un des plus grands écrivains de tous les temps. Mais Colline, petit livre, est un chef-d'oeuvre, comme les autres livres de cet auteur. D'abord la langue, qui n'est que poésie. Pratiquement toutes les phrases sont belles. Les images sont puissantes. Et ensuite, le fond. C'est l'histoire de la Nature maltraitée par l'homme, et qui se révolte contre son joug. Gondran a tué, sans raison, a massacré un lézard qui passait par là. Il a voulu être "la bête maîtresse, celle qui tue", et maintenant il a honte. Et tous les hommes sentent que le malheur va arriver. La tension monte, le malaise est palpable, il grandit de page en page, devenant insupportable. C'est magnifiquement écrit. Puis viennent les explications. "Tu le connais, le patron ?" reproche Janet - qui voit plus loin que les autres dans son délire de mourant- à Jaume - Jaume qui représente dans ce livre l'homme pensant, organisé, actif, tueur, celui qui fait plier sous sa volonté les animaux, les plantes, la terre. Mais le vrai patron, c'est elle, c'est la Nature. "C'est fort, une bête. Surtout les petites. C'est fort de coeur. Ca ne crie pas quand tu les tues. T'as pas assez regardé les bêtes qui mouraient" dit encore Janet à Jaume. Alors arrivent les peines et les problèmes, qui font réfléchir les hommes, les font douter. Un incendie, grosse bête furieuse et vivante, finit par éclater, c'est bientôt le chaos, la nature part en cendres, emportant injustement le seul homme qui soit innocent, l'idiot du village, Gagou. Puis c'est la résolution. Les hommes ont-ils compris ? Vont-ils changer ? Les toutes dernières phrases du livre, implacables, nous répondent. Dans cette oeuvre brève et puissante sont posées sans détour, et dans une immense poésie, les questions essentielles.