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sur 819 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Aux Bastides Blanches, à l'ombre froide des monts de Lure, habitent une poignée d'habitants. le vieux Janet vit ses derniers jours et le docteur a déclaré que c'était maintenant inutile de le déranger.
Des phénomènes étranges se déclenchent à commencer par la source d'eau du village qui se tarit. Et si c'était le vieux Janet qui provoquait tout cela ? Et ce chat noir qui apparaît chaque fois qu'une catastrophe menace la région !
Et le sanglier qu'ils ont raté !
Janet déparle comme l'écrit Giono. J'ai été charmée par ce verbe. Et s'il disait la vérité. le vieux Janet accuse Jaume de ne pas connaître la nature, l'âme de chaque chose.
En lisant ce roman dans ma jeunesse lors de vacances avec mes parents aux environs de Manosque, les mots et l'ambiance m'avaient conquise. Je n'avais pas réalisé l'animisme qui règne dans le livre.
Au début de cette nouvelle version ( j'avais encore celle de 1960), on explique très bien la philosophie de Jean Giono : le panthéisme et l'animisme qu'il développe dans le livre.
"Colline" est le premier roman de sa trilogie de Pan.
L'écriture n'est pas seulement poétique, elle est violente dans son expression de l'âme humaine parfois, notamment quant au sort qu'ils veulent réserver au vieux Janet.
Voilà déjà le deuxième auteur que j'apprécie et qui a bien fait d'abandonner l'administration. Celui-ci a abandonné l'univers de la banque et Maupassant, l'administration de la Marine.
Une belle relecture. Déjà la deuxième cet été pour l'auteur avec "Le hussard sur le toit"
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C'est un morceau de territoire suspendu presque entre terre et ciel, certains appelleraient cela un hameau. Ce n'est pas encore la montagne mais elle n'est guère loin dans le paysage. L'ombre des monts de Lure protège ce petite village de Provence, mais le protège de quoi ? du soleil ? du vent ? de l'ennui ? de la fatalité ? du malheur du monde ?
Ce hameau s'appelle les Bastides Blanches, à mi-chemin entre la plaine et le grand désert lavandier. Quatre maisons forment ce hameau, faisant cercle autour d'une fontaine, émergeant parmi les blés drus. Il est entouré de collines où les genévriers parfument l'air du soir.
C'est un endroit qui ressemble à une carte postale champêtre, une image idyllique et fleurie de Provence.
Une douzaine de personnes compose les habitants de ce hameau. Les hommes sont des paysans. Ils vivent de la terre, entre bêtes et plantes. C'est une petite communauté de femmes et d'hommes en harmonie avec le paysage.
Le plus vieux d'entre eux s'appelle Janet. Il doit avoir dans les quatre-vingts ans. C'est un homme proche de la nature, secret, taiseux. Il est désormais paralysé, alité près de l'âtre.
Et voici que le vieux Janet se met à parler ou plutôt à déparler, et oui ! j'ai adoré ce verbe, déparler, voilà il se met à divaguer, à parler dans tous les sens, ses mots ne semblent avoir de sens que pour lui...
Le médecin est très pessimiste et ne lui donne que quelques jours à vivre.
Et c'est à partir de ce moment-là que les choses vont changer au hameau des Bastides Blanches et tout autour, dans les collines gorgées de vents, enivrées de genévriers et de vols de corbeaux.
Le paysage va être l'objet de phénomènes inhabituels, pour ne pas dire surnaturels et les habitants en seront les témoins tout d'abord ahuris... Un sanglier qui s'échappe sous la traque des chasseurs, un chat noir qui apparaît, la fontaine du hameau qui se tarit, la petite Marie qui tombe malade. Les habitants commencent à s'affoler, à devenir presque aussi fous que Gagou l'innocent du village...
Le vieux parle, déparle, évoque l'âme de la colline, évoque le mal qui lui est fait, s'amuse presque devant l'affolement autour de lui...
C'est comme si brusquement des forces souterraines s'éveillaient sous la terre, comme si la colline révélait une sourde colère, une méchanceté prête à se retourner contre les femmes et les hommes de ce village... Comme s'ils devaient expier quelque chose... Mais ils ne comprennent pas ce qu'ils font de mal aux plantes et aux bêtes... Qui a-t-il de mal à pourchasser un sanglier qui va vous offrir une viande succulente ? Qui a-t-il de mal à trancher au couteau la tête de ce maudit lézard qui vous escagasse durant votre sieste ? Et la terre, quoi de plus naturel que de la fendre, la remuer, la fatiguer jusqu'à satiété pour qu'elle vous livre son dû... ?
Alors, le vieux Janet qu'on trouvait plutôt attachant, bon bougre jusqu'ici, ancêtre respecté du village, ne serait-il pas la cause de toute cette malédiction ? L'atmosphère devient brusquement étouffante et menaçante.
Ce court texte mais très dense s'appelle Colline, premier roman de Jean Giono. J'ai aimé sa force souterraine, son propos incisif, son écriture qui est sans répit, rythmée par la beauté de la nature et la superstition des personnages. J'ai aimé cette tension palpable qui gonfle au fil des pages... J'ai aimé ce retournement des choses, quand Giono renverse la table où gisaient les pages comme un ruisseau, renverse le paysage, le retourne comme une chaussette, dévoile l'envers des choses...
Les mots de Giono brusquement deviennent comme les serpents dans les doigts gourds du vieux Janet, s'enroulent autour de notre imaginaire, on se plaît à croire à cette histoire, à plaider pour la cause de cette colline outragée par les coups de pioches et de faux, par l'irrespect des hommes...
C'est cocasse, sensuel, pathétique et cruel... Cela ressemble à une chronique fraternelle et champêtre qui basculerait brusquement dans une sorte de conte gothique, délivrant le cri de la terre et des plantes comme un message d'une terrible modernité.
Ah! Je ne résiste au plaisir de vous partager ce cri du désespoir lancé par un des paysans du hameau : "- Salope, dit-il en tombant, et il bat férocement la colline de ses poings."
La langue est poétique, elle est venue couler sous mes yeux comme l'eau d'une fontaine au milieu d'un village, j'entends le murmure de son écho, c'est peut-être le bruit du vent qui s'immisce dans l'échancrure des chênes ou bien dans le corsage de l'Ulalie... Mais voilà que je déparle à mon tour...
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Qui délire ? Un homme de trente-deux ans qui en savait trop se glisse dans la carcasse d'un alcoolique agonisant de quatre-vingt-quatre. Janet-Giono, Giono-Janet parle libre quand les autres « déparlent ». Sous l'immunité du glas, il profère les insanités, les grossièretés, scande les mots parlés qu'on ne saurait confier à la littérature française de 1929. Qui blâmera un vieillard au seuil de sa vie? « Une avait le cul comme une meule de paille et la poitrine comme un tire-vin, a se tortillait que ses longs nichons en claquaient pire que des banderoles et flic et floc et je t'en fous (…). J'ai lancé mes mains dessus. M'a pissé dessus la salope… ». Janet souffle entre les dents ce qui suffoque Giono. Il a pas fait l'école, on l'a envoyé à la guerre. Au Chemin des Dames! Et la suite donnera des raisons à la colère de Janet: la guerre, encore! Et après la deuxième, la taule ! Et pourquoi ? Pour le punir de mieux écrire que les types de Saint Germain ?
« -Couillon
-…
- Couillon, je te dis. Et ça veut commander, ça. (…)
- Vous êtes foutus
- Ne dis pas ça, Janet. On dirait que tu en es heureux.
- Je suis bien content ; des couillons comme vous il y en a toujours trop »
Traduit dès 1929 aux Etats-Unis, ami de Chester Himes et pen-friend d'Henry Miller, Giono crée le roman moderne américain, celui des héros ruraux sans grade et sans cités, ceux qui ont tout perdu sauf leur langue, LA langue. Dans Colline comme dans Prélude de Pan (1935), le héros est l'émissaire de Pan. Ce qui signifie qu'en littérature, Giono c'est Pan lui-même.
« Et c'est là qu'il s'est mis à parler, comme s'il avait été la fontaine du mystère. Ça s'est tout construit : un monde né de ses paroles. Avec ses mots il soulevait des pays, des collines, des fleuves, des arbres et des bêtes; ses mots, en marchant, soulevaient toute la poussière du monde. »
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Giono est tout le contraire d'un écrivain régionaliste à la Pagnol. Il nous conte ici une histoire intemporelle, une tragédie se déroulant dans un village qui devient peu à peu un lieu mythique (même s'il est décrit de façon très réaliste, presque charnelle), un espace de lumière cruelle et d'obscurité menaçante.
Les villageois sont irrésistiblement submergés par une peur immémoriale, un sentiment de panique - ce mot signifiant ici non seulement la peur que suscitent des phénomènes inexplicables, mais aussi, mais surtout, UN sentiment Panique, le pressentiment de la Totalité (Pan en grec signifie Tout), le pressentiment de l'inconnu, de l'immense, du mystère de notre monde, révélation quasi mystique, ivresse panthéiste suscitant effroi et extase.

"Colline" est un livre unique dans la littérature française. Giono au tout début de sa vie d'écrivain y est proche d'un Bernanos, sans la foi, ou d'un Barbey d'Aurevilly, élargi à une dimension cosmique.
Oublions la Provence des cigales et de l'accent. Dans l'univers de Giono le soleil ne brille pas, il brûle.
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Les bastides blanches, à l'ombre des collines, à l'ombre froide des monts de Lure. "La terre du vent". "un débris de hameaux", distille Jean Giono, page 25, la terre aussi de la sauvagine : "la couleuvre émerge de la touffe d'aspic, l'esquirol à l'abri de sa queue en panache, court, un gland dans la main... Le renard lit dans l'herbe l'itinéraire des perdrix".
Par ces évocations commence la Trilogie de Pan. Colline le premier roman de cette trilogie est aussi le premier roman publié par Giono. La simplicité des décors et la simplicité de l'intrigue autour de 12 personnages, impriment une densité formelle pour chaque événement, le plus insignifiant fut-il.

Ce lieu si éloigné de tout, qui vit en autarcie, est attentif aux moindres vibrations de la nature. Sommes-nous dans les derniers jours de la vie de cette communauté, ou dans les dernières heures de la vie de Janet, ce vieillard, qui parle par grandes ruades de mots que tous écoutent sans le comprendre, ou par demis mots.

Janet croit voir sortir des serpents de ses doigts. Dans son délire Janet nous renvoie aux croyances les plus archaïques, à la race des géants (Jean comme géant devient Janet le petit géant). A travers cette symbolique Janet expie ses crimes contre la terre. le dieu Pan s'invite ainsi, le dieu des bergers d'Arcadie, est symboliquement à l’œuvre, comme il est présent dans les œuvres d'Eschile.
La nature, est au cœur des interrogations des gens de la bastide. Cette terre nourricière ou destructrice, les hommes l'humanise dans leurs représentations pour en écarter la peur.
A plusieurs moments, la tension palpable est proche du paroxysme, car tout est vu et analysé d'une façon démesurée. Par vagues, les assauts du vent créent la panique, tout autant que le silence devient assourdissant et intenable.
Les prédictions de Janet tombent alors...

" Ça saute encore et ça se roule, puis ça s'étend dans le soleil neuf, j'ai vu que c'était un chat. Un chat tout noir."
"Quand la foudre tua ton père, Maurras, dans la cahute des charbonniers, j'avais vu le chat deux jours avant.
Attention chaque fois qu'il paraît, c'est deux jours avant une colère de la terre.
Ces collines il ne faut pas s'y fier. Il y a du soufre sous les pierres.

La preuve cette source qui coule dans le vallon de la Mort d'Imbert et qui purge à chaque Goulée. C'est fait d'une chair et d'un sang que nous ne connaissons pas, mais ça vit. P 54"

L'air brûle comme une haleine de malade, et pas de vent, et toujours le silence.


Janet a toujours le regard fixé sur le calendaire des postes, depuis qu'il a fait son AVC. Ses énigmes flottent page 61, "Tu sais toi le malin ce qu'il y a derrière l'air".
La fontaine ne coule plus. C'est la peur qui monte et Janet, est seul à scruter une date, ça les rend fous aux bastides blanches.

L'autre personne incontournable et inquiétante c'est Cagou, l'innocent. Il bave, son visage est huilé de salive, ses bras son corps suivent une gestuelle qui les ébranlent, parfois quand il tape sur un bidon, ils lui lancent des pierres.
C'est le 13 ème homme.

La tragédie est lancée, mais le miracle des mots continue de nous alarmer et de nous transpercer par la puissance des images.
Peu de romans sont porteurs d'une telle grâce, d'une telle puissance d'évocation, pour nous enivrer d'émotions.
Il faut écouter, le bruissement de cette langue venue des terres et du ciel de Provence pour s'approcher de la magie de ces espaces lavandiers, écoutons page117  ; "Avec ses mots il soulevait des pays, des collines, des fleuves, des arbres et des bêtes ; ses mots, en marche soulevaient toute la poussière du monde... »
« De la force dans les branches vertes, de la force dans les plis roux de la terre,
de la haine qui montait dans les ruisseaux verts de la sève, de la haine qui palpitait dans la blessure des sillons".

A bientôt pour un de Baumugnes.
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- Colline - est le premier volet de la - Trilogie de P.A.N -, Pan étant le dieu grec des bergers et des troupeaux, écrit par Giono en 1928 alors que son auteur s'ennuie perdu dans un emploi de banque pour lequel il n'est pas fait.
Comment en effet imaginer cet écrivain en lequel soufflent les puissances mystérieuses et énigmatiques de la nature, auquel les dieux de l'Olympe murmurent à l'oreille, ce témoin privilégié qui voit se dérouler devant ses yeux interrogatifs les vies d'hommes simples confrontés à une destinée (?) faite de maigres et parcimonieuses petites joies simples, exigeant d'eux de rudes tâches jamais achevées, toujours à recommencer, un peu pareils à Sisyphe, la peau calée par les épreuves et les sacrifices, ces hommes qui, face au malheur, n'ont que des doutes et de piètres croyances, superstitions faites de saint bric et de saint broc ?
Alors Giono le Provençal, Giono l'anti-Pagnol, leur prête sa voix ou sa plume, si vous préférez... et quelle plume !
Une plume capable d'inventer une langue propre à ces gens, propre à la terre sur laquelle ils vivent, terre qu'ils travaillent pour pouvoir vivre.
Un "provençal populaire", pourrait-on dire... à condition d'ajouter qu'avant, pendant et après cette trilogie, Giono est un poète, un poète qui écrit et qui publie.
Cette étrange alchimie crée... je vais vous donner un aperçu de ce qu'elle nous offre :
- "Maintenant c'est la nuit. La lumière vient de s'éteindre à la dernière fenêtre. Une grande étoile veille au-dessus de Lure.
De la peau qui tourne au vent de nuit et bourdonne comme un tambour, des larmes de sang noir pleurent l'herbe."
-"Les vautours qui dorment, étalés sur la force plate du vent."
-" L'idée monte en lui comme un orage.
Elle écrase toute sa raison.
Elle fait mal.
Elle hallucine.
L'ondulation des collines déroule lentement sur l'horizon ses anneaux de serpents.
La glèbe halète d'une aspiration légère.
Une vie immense, très lente, mais terrible par sa force révélée, émeut le corps formidable de la terre, circule de mamelons en vallées, ploie la plaine, courbe les fleuves, hausse la lourde chair herbeuse.
Tout à l'heure, pour se venger, elle va me soulever en plein ciel jusqu'où les alouettes perdent le souffle."
Et quel souffle ! qu'en dites-vous ?
Nous sommes en 1928 à Lure ou village des Bastides-Blanches, un petit hameau de quatre maisons situé derrière Manosque, dans la haute Provence chère à l'auteur.
Dans ces quatre maisons vivent deux ménages et les personnages du roman.
-"Gondran, le Médéric ; il est marié avec Marguerite Ricard. Son beau-père ( Janet ) vit avec eux.
Aphrodis Arbaud qui s'est marié avec une de Pertuis.
Ils ont deux demoiselles de trois et cinq ans.
César Maurras, sa mère, leur petit valet de l'assistance publique.
Alexandre Jaume qui vit avec sa fille Ulalie, et puis, Gagou.
Ils sont donc douze, plus Gagou qui fait le mauvais compte."
Leur quotidien "ordinaire" va brusquement basculer dans "l'extraordinaire" lorsque Janet, le doyen octogénaire de ce qui fut naguère un bourg, va faire un malaise, devenir grabataire, confus et porteur de propos incompréhensibles pour ces hommes simples.
Ses délires vont être pris à la lettre par la petite communauté très vite, et concomitamment, confrontée à un environnement devenu subitement hostile.
Leur relation à la faune, à la flore, aux éléments va s'en trouver changer.
Le puits ne va plus donner d'eau.
Un incendie va éclater et menacer de ravager leur colline.
Une colline qui se met en colère et s'en prend à eux... comme si elle obéissait aux ordres vengeurs du vieillard.
- " Janet, le doyen, a la fièvre, il "déparle", il tient des propos étranges, des propos vengeurs, comme si les bêtes, les plantes, les rochers, la colline, parlaient à travers lui et lâchaient leur ressentiment contre l'aveuglement des hommes et leur brutalité de bêtes qui "tuent" la nature en se l'appropriant."
Quelle va être la réponse de ces hommes face à ce qui a été qualifié par la critique de "leçon animiste" ?
La peur liée à l'ignorance et la mort vont-elles l'emporter ?
Vous le saurez en lisant ce premier volet de la - Trilogie du P.A.N -...
Outre l'écriture charnelle, sensuelle, originale, puissante et poétique de Giono, il y a cette histoire réaliste et à la fois sur-naturelle, où tout est vie... leçon de vie.
L'écrivain anime avec virtuosité l'animal, le végétal et le minéral.
Il n'est rien du chat, du lièvre, du sanglier, des arbres, des fleurs, de l'herbe, des roches, des pierres, de l'eau... qui ne soit habité par un puissant souffle de vie.
Pour conclure, je vous recommande de lire plusieurs fois les pages qui relatent l'incendie épique... c'est prodigieux !
Quant aux références mythologiques qui peuplent ce roman, qui cohabitent avec ses personnages... j'avoue ne pas avoir suffisamment de culture pour avoir pu toutes les identifier.
Un grand classique à lire ou à relire !
Un écrivain à découvrir ou à redécouvrir !
Un écrivain dont le style a su se jouer du temps.
Un écrivain avant-gardiste tant son propos est plus que jamais d'actualité pour nous qui avons voulu asservir la nature et qui subissons tous les jours davantage ses colères légitimes.

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Bon sang quel voyage, quelle magnifique écriture!
Avec Decoin, Echenoz, Camille Lemonnier, j'avais découvert de la belle prose mais en dègustant Giono, on monte encore d'un cran!

Sur les crêtes de Manosque, les Bastides blanches, hameau perdu où s'accrochent encore quatre familles, où le vieux Janet hallucine sur son lit de mort, où l'apparition d'un chat noir n'annonce rien de bon.

Giono un auteur que j'aurai plaisir à approfondir!
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Voilà un court roman à lire et à relire tant il est fort, déroutant et mystérieux.
Quatre maisons fleuries d'orchis, à l'ombre froide des monts de Lure composent les Bastides blanches. Treize personnes y vivent. Douze appartiennent aux quatre familles et puis il y a Gagou, l'idiot du village "qui fait le mauvais compte". Les habitants semblent vivre en bonne intelligence et se réunissent volontiers autour de la fontaine qui chante. Seulement voilà, le vieux Janet, ivrogne et sorcier, tombe raide. Il n'en a plus pour longtemps.
La fontaine se tait.
Le vieux, paralysé devant l'âtre, se met à déparler, en proie à des hallucinations terrifiantes. Il voit des serpents lui traverser les doigts. il déverse un flot de prédictions..."Les rues légères, tout à l'heure rosées, bleuissent doucement ; toute la poussière blanche du soleil se dépose dans une coupe de l'horizon, l'ombre de Lure monte". Des drames en série s'abattent sur le hameau.
On peut lire ce court roman comme un conte fantastique, un poème épique ou une fable mythologique. La Nature et ses avatars ( colline, eau, feu ) en est le personnage principal. Tantôt calme et nourricière, tantôt cruelle et violente quand les hommes ne la respectent pas. Alors ceux-ci trouvent un coupable et nourrissent la bête, qui semble s'apaiser. Mais les hommes oublient aussitôt la leçon... L'écriture est formidable. Elle mêle une narration pleine de lyrisme, de métaphores colorées à des dialogues familiers ou grossiers qui imitent le langage populaire des paysans de l'époque.
Je remercie Colchik via Biblioroz pour m'avoir donné l'envie de relire ce livre ( liste des livres pour s'aérer).
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Édité en 1929 chez Bernard Grasset et publié en 1965 dans la collection Livre de Poche, « Colline » est un livre assez court (190 pages) de Jean Giono, livre écrit en souvenir de son père.

Le décor ? Les Bastides Blanches, quatre maisons à un jet de pierre de la montagne de Lure. Douze personnes y vivent, à savoir deux ménages avec femmes et enfants, et puis aussi Gagou, « un simple » qui vit de peu et loge dans une cabane faite de bidons en fer-blanc qu'il écrase. Les Bastides Blanches, autrefois, c'était un bourg, quand les seigneurs d'Aix aimaient à respirer le rude air des collines. La ville est loin, les chemins sont secs et durs et, du bourg, où les belles maisons se sont effondrées, il ne reste que ces quatre bâtisses où le facteur ne monte guère plus qu'une fois par mois et où souffle le vent. Gondran, large, haut et rouge, un colosse, habite l'une d'entre elles avec « Gritte » (Marguerite), sa femme, la fille de Janet. Dehors se mêlent les parfums des chèvrefeuilles, des genêts, des genévriers, du thym, des oliviers et de la lavande. le vent porte le chant des perdreaux. A midi, la chaleur est écrasante et « l'air, plein de mouches, grince comme un fruit qu'on coupe » : c'est l'heure de la sieste. Mais la terre est là, bien vivante qui fait ce qu'elle veut et vit son petit train-train. « Gisant, végétale et parfumée, elle est faite d'une chair et d'un sang que les hommes ne connaissent pas ; elle vit, tressaille et grommèle comme un vieux ».

L'histoire ? Âgé de plus de quatre-vingt ans, Janet vient d'avoir une attaque. Vincent, le docteur, se rend sur place et ne pronostique rien de bon. Mais Janet est un dur à cuire, de ceux qui dinent d'une soupe de fèves, quand il y en a, ou d'un oignon cru trempé dans du sel. Il a des hallucinations : la colline lui semble « couchée comme un boeuf dans les herbes », avec son dos, visible depuis la fenêtre. Janet parle sans discontinuer. Raide et noir, il fait peur aux habitants des Bastides. le sort de Janet leur fait chavirer le coeur d'inquiétude, de mystère et de peur. Pour conjurer le mauvais sort, il partent en expédition dans les collines, le fusil en bandoulière, prêts à tirer. le mauvais sort prend souvent l'apparence d'un chat noir. Ils rentrent bredouilles. Un jour, la fontaine des Bastides ne coule plus. L'eau venant à manquer, ils boivent du vin. Mais la soif est toujours là, les heures étant alors « faites d'un grand rêve où dansent des eaux d'argent ». Un jour, en fin de soirée, ils voient Gagou qui rentre avec les bas de pantalons mouillés, alors ils décident de faire le guet et de le suivre afin de savoir où il va chercher de l'eau. L'eau tant désirée provient du bassin d'une fontaine située au coeur d'un hameau situé à proximité mais abandonné il y a quelques décennies, car touché par le choléra. La soif est trop forte : demain, ils reviendront avec des bidons. Bizarrement, Marie, une des enfants, est par la suite atteinte d'une forte fièvre. Plus bizarrement, Gagou aurait été vu nuitamment en train de chevaucher Ulalie, une des femmes des Bastides. Et encore très bizarrement, le feu vient à se déclarer dans les hameaux alentour. Coïncidences ? Les hommes décident de s'unir, de faire front, de se comporter dorénavant en bons chrétiens afin de faire fuir le Mal. En pleine fournaise, « émerveillé, tremblant de joie, Gagou s'approche du feu, tend la main, et malgré l'étau qui broie ses pieds, entre dans le pays des mille candélabres d'or ». Un chat noir dort sur la couverture du lit où gît Janet, agonisant. Encore des coïncidences ? Non, les habitants des Bastides sont en lutte contre le corps de la colline, et il leur faut en écraser la tête ! Tout finira par rentrer dans l'ordre mais les belles promesses des hommes seront oubliées. Ainsi va la vie ...

Mon analyse ? Il s'agit d'un huit-clos à la psychologie finement suggérée mettant en scène des caractères typés sur fond de nature superbement décrite. Cette histoire nous est contée par un maître en la matière. le vocabulaire est particulièrement riche, le suspense est réel et les coups de théâtre ne manquent pas. S'y ajoutent un subtil mélange entre magie et réalité, un petit côté panthéiste, des expressions rapportées dans un patois délicieusement suranné, une esquisse de morale relative au sens de la vie, au respect de l'autre et à la valeur de l'effort. le lecteur notera la place réservée à la femme en milieu agricole défavorisé. La poésie du texte ne laissera personne indifférent. Je mets cinq étoiles et je recommande.
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Au pied de la Lure, chaîne des Alpes françaises du Sud au S-O de Sisteron, chef lieu d'arrondissement Forcalquier.
Les Bastides Blanches, 4 maisons, 4 familles :
Gondran le médéric marié à Marguerite Ricard. le beau-père Janet vit avec eux.
Aphrodis Arbaud, son épouse et leurs 2 fillettes.
César Mauraas, sa mère et le petit valet de l'assistance publique.
Alexandre Jaume et s fille Ulalie.
Sans oublier Cagou le simple d'esprit
L'ambiance est bonne entre les 4 maisons, la vie suit son cours, les saisons passent et chacun vit au mieux .Tout cela jusqu'à l'attaque du père Jamet. Paralysé, immobilisé dans un lit à côté de la cuisine, lui si actif avant le voilà qui se met à « déparler ».et à partir de là les problèmes commencent aux Bastides.
Sauront-ils tous ensemble faire face à l'adversité ? feront ils bloc contre les forces d'une nature déchaînée ? Comment vont ils affronter cette ambiance délétère où plane le danger ?La peur s‘insinue….
Mêlant à la fois la vie de ces campagnes qu'il connaît très bien, les anciennes croyances et superstitions Giono nous livre ici un roman puissant. Il y prône le respect mutuel homme/nature chacun devant vivre le plus en harmonie avec l'autre. Difficile de faire ployer dame nature à l'homme de trouver le compromis !
Une écriture très imagée un vocabulaire « local » (merci au Petit Larousse ! )
A travers toutes ces pages Giono nous parle de SON PAYS un pays qu'il aime et il n'a de cesse de le faire chanter avec une écriture somptueuse.
Si je devais retenir les grandes lignes :
Gondran n'ose plus toucher à sa terre par peur de lui faire du mal
La petite Marie tombe brusquement malade
La fontaine est tarie
L'incendie qui détruit tout et s'arrête par miracle aux portes des Bastides grâce à l'énergie des hommes
Solidarité et entraide sont les maitres mots de cette histoire
Tout rentre dans l'ordre quand Jamet se décide à mourir !
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