Alors que Rhodes, Corfou, Eubée et Yliki étaient en flammes, alors que plus de onze millions d'hectares de forêts canadiennes sont déjà parties en fumée, cette lecture ne pouvait pas tomber plus à pic.
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Après le feu : Manifeste pour une forêt en héritage" réunit le récit brûlant d'un témoin direct, jour par jour, et parfois heure par heure, du premier mégafeu contemporain en France, une oeuvre de vulgarisation sur la forêt des Landes et ses particularités et le propos engagé d'un acteur politique local.
L'ouvrage est selon moi caractérisé, sur le fond, par une connaissance fine du terroir et, sur la forme, par un déséquilibre entre ses trois parties.
Si le précieux témoignage de l'auteur montre un élu du quotidien plongé au coeur de l'évènement, il se révèle un peu longuet. Jean-Luc Gleize, notre auteur, est le président du Conseil Départemental de la Gironde, et de droit, président du conseil d'administration du Service départemental d'incendie et de secours de Gironde (SDIS33) (c'est bon, c'est fini, on ne fait plus de digression administrative). Son récit redonne la place aux dévoués pompiers d'ici ou d'ailleurs, fussent-ils français, roumains, allemands ou espagnols. Pendant trois mois sauvages, on lit
Gleize courir partout, impuissant, voir des feux se déclencher, être fixés, repartir de plus belle, finir par être maîtrisés et enfin, éteints.
Sans se faire la part belle ou simuler un quelconque héroïsme personnel,
Gleize cite tous ceux dont l'action ont fait honneur au combat : pompiers, évidemment, maillons de la chaîne de commandement, d'une grande qualité, serviteurs de l'état, salariés volontaires, élus, pompiers étrangers. Tous concourront à la lutte contre les feux durant ces terribles incendies.
Il reste que cette première partie est un poil longuette. JL nous fait le compte rendu de ses multiples aller-retours, de chaque cerne qu'il a gagné durant ces courtes nuits d'été. Il n'est pas question de remettre en cause le labeur et l'effort mais certains passages pourraient gagner en fluidité et avec moins de répétition.
La seconde partie traite plus du fond que de l'évènement. On y traite de la forêt sous un angle savant, de la composition des Landes en feuillus à l'histoire de la sylviculture, comme sous un angle politique et économique. Les interactions entre les différents intérêts politiques régionaux, économiques et environnementaux sont omniprésents dans l'analyse de Gleize. La partie est robuste et bien travaillée. L'enjeu des essences d'arbres est intéressant, il le replace dans le contexte de la sylviculture et de la prédominance du pin. La politique locale est aussi un sujet phare en matière de prévention, en planification des besoins et organisation des équipes et moyens de lutte contre les incendies.
La deuxième partie aurait gagné en profondeur et en diversité en récupérant les quelques pages grignotables sur la première.
La dernière partie est un entretien mené en duo avec
Cécile Duflot dans le rôle surprenant d'une intervieweuse.
Cécile Duflot a été ministre de la cohésion du territoire durant les gouvernements Ayrault (2012-2014). C'est assez punchy, le jeu des questions et réponses est absolument orienté vers l'écologie politique. Les deux sont sensiblement en accord l'un avec l'autre sur ces différentes thématiques. le ton est plutôt convenu. Il y a forcément des sujets plus clivants que d'autres comme l'antispécisme ou les bassins de panneaux solaires. Il y a des sujets beaucoup plus transversaux et certainement plus consensuels comme la préparation aux évacuations et la prévention des risques, existants comme nouveaux. Il y a des parallèles assez intéressants comme celui avec l'affaire Cahuzac et la naissance de la HATPV (bon, une autre digression administrative) : le système fonctionne bien moins en action qu'en réaction. Il y a les questions du déni de la situation, de la gestion globale du phénomène climatique qui viennent entraver l'action politique.
Merci à Babelio et aux
Editions le Bord de l'Eau pour ce livre.
L'ensemble est qualitatif, émouvant, accessible. le livre est réussi dans ses deux missions : retranscrire un sentiment de péril imminent et répété et proposer des réflexions sur le futur. La dernière pensée de cette critique est pour les femmes et les hommes qui ont combattu et iront combattre ces méga-feux dans le futur.