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Je tourne autour d'Edouard Glissant depuis déjà de longues années, pressentant la difficulté. Je n'avais pas tort, j'avoue avoir séché.
Travaillant la syntaxe tout comme il travaillerait la terre, celle de Martinique et non celle de l'Hexagone, Glissant donne une autre forme à l'écrit, une forme personnelle, révoltée, poétique bien sûr et imprégnée de la nature qui l'entoure: la mer, les mornes, la végétation luxuriante, tout comme le passé d'esclavage, de soumission et de révolte du peuple à travers l'histoire.
Le texte est totalement dans toute cette matière organique vivante qui l'entoure et qu'il a en lui.
Je n'ai pu que lire et laisser les mots entrer en moi en essayant de me laisser aller à la musique de ces phrases déconstruites, mais je suis restée en surface malheureusement. Sans doute m'aurait-il fallu un guide.
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«  Je retrouverai une santé de fruits en flammes » , puisque « la poésie est chair », alors le tout- monde s'ouvre et s'épanouit. Il éveille la vie. Une Revenue. Renaître. Rarement poésie n'aura été aussi intensément , de tout son être, de terre, de ciel, de fleuve, de feu, d'air. « Je brasse la fougère des vagues », « les étoiles envahissent les écluses », regarde. Ouvre ton regard , regarde «  ta peau retournée est un labour rouge. Vivante » . Pulsations. La plage est «  battue d'aurores », tu te tiens devant le monde, le monde est en toi, ce monde est chant, cri, poésie , « l' homme , ce lumineux désir de chant ». Écume, éclair, le sel . Noir. Salines océanes, esprit des sables.
« Nous crions au sel. Il set aux plaies.Il convient au supplice ». le sel, l'or, qui conserve et meurtrit les chairs. Gabelle, trésor. Mémoire poussière , sel cristaux de sueur.
C'est la force, la puissance chez Glissant, tout se met à rouler, tanguer, surgir, à la fois aérien et tellurique. La force et ce courage, cet espoir jamais démenti. «  Et vous aurez beau faire, capitaine, la gymnastique de vos fers rouges sur mes lèvres ne me forcera pas vers ce pain marqué de l'escompte de ma chair ». Force, puissance, limpidité, clarté, liberté. Son chant est une liane, elle court, parcourt, embrasse, gravit, rejoint, grandit.
«  Écume pluie tête clamée battements d'eau pluie », voilà la musique du Chant. « Nous frappions langue ». La vie , la mort, la blesse en corps et puis le jour, la joie du renaître dans l' universalité de toutes les rencontres, nos rencontres avec d'autres mondes, la poétique de la grande transhumance de notre toute collective conscience.
Beauté, espoir, richesse, écrit – roc, écrit- parole, des phrases-racines, «  mamelles fécondes ».
Chant nourricier qui hurle à la vie.
Dans ce recueil le sang rivé, le sel noir, et boises sont réunis.
«  il y va de l'amour », «  Beauté sur vous ».
Lire Glissant c'est toujours aller à la rencontre de l'espoir.
Astrid Shriqui Garain
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En 1960, aux racines d'une vaste poétique créole de la relation, la poésie fondatrice du Tout-Monde, ancrée dans la sueur et la souffrance du capitalisme de plantation, et déjà armée pour le dépasser.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/09/26/note-de-lecture-le-sel-noir-edouard-glissant/

Au moment de la parution du « Sel noir », en 1960, Édouard Glissant a trente-deux ans. Romancier déjà reconnu (« La Lézarde » a reçu le prix Renaudot en 1958), poète actif depuis « Un champ d'îles » en 1953, il est alors vigoureusement engagé dans la lutte contre la colonisation persistante (et déjà ce qui se prépare plus ou moins subrepticement en termes de néo-colonialisme, jouant le coup d'après), aux côtés de nombre d'écrivains et d'intellectuels, période d'activisme qui culminera avec la création du Front Antillo-Guyanais pour l'Autonomie, l'année suivante, celui-ci étant aussitôt dissous par les autorités gaullistes.

Dans ce contexte, « le sel noir » (publié alors au Seuil) bouillonne intensément. S'il est encore tout imprégné du phrasé envoûtant et pourtant acéré d'Aimé Césaire, il résonne aussi de la phrase volontiers marmoréenne de Saint-John Perse, en un paradoxe (la poésie du « béké » emblématique) à l'intérieur de l'oxymore (le « sel noir » lui-même), ce qui n'échappera pas, bien sûr, au proche et fin lecteur qu'est Patrick Chamoiseau (dont l'essai poétique « Césaire, Perse, Glissant, les liaisons magnétiques » demeure toujours aussi indispensable).

C'est que la vérité de cet objet de gabelle à échelle planétaire, à travers la sueur de l'esclave, est celle de l'horreur du capitalisme de plantation, dont, déjà alors, on dit qu'il faudrait savoir l'oublier, qu'il est loin, que les contemporains n'en sont pas coupables (alors que l'esclavage n'a été alors aboli qu'à peine un siècle plus tôt, pour céder la place le plus souvent à des ségrégations officielles ou officieuses, et que le foncier antillais, tout particulièrement, appartient encore presque partout aux descendants des planteurs et de leurs fortunes « durement gagnées » sur le travail forcé et le sang de la chicotte et des cales de la traite).

La lame poétique d'Édouard Glissant, si elle laisse déjà deviner, en beauté, ce qui conduira à ses réflexions fondamentales sur la relation, sur la créolisation et sur le Tout-Monde, doit d'abord crier – comme il le faut encore aujourd'hui, et comme le chantent de leur musique si belle et spécifique une Rivers Solomon ou un Michael Roch – et rappeler qu'il y a des crimes fondateurs qui ne disparaissent pas « comme ça », parce que Le Blanc « en a marre d'entendre les récriminations posthumes ».

Dès la première suée de sel, le recueil-titre (mais aussi « le sang rivé » et « Boises », qui l'accompagnent de près ici) est pleinement inscrit dans l'histoire comme dans la géographie. Parole, chant, souffrance, certes, mais aussi – sans doute surtout – épopée d'imagination créatrice : comme le Derek Walcott d'« Omeros » (face à qui, coïncidence, le poète martiniquais échouera d'une seule voix pour l'attribution du prix Nobel de littérature en 1992, huit ans avant sa mort), Édouard Glissant inscrit au coeur de sa poésie combattante et mémorielle un dépassement épique, un réagencement profond de l'usage du sel, qui doit faire oublier qu'il servait aussi, comme à Carthage, à rendre définitivement infertiles les terres de l'ennemi, et accepter maintenant d'être piment et ferment.

Au moment où, de l'autre côté de l'Atlantique, dans un Nigéria déjà au bord de la guerre civile meurtrière, le tisserin Christopher Okigbo commence à propulser ses traditions ibo et yoruba vers un siècle qui aurait pu être de clémence et d'indépendance, Édouard Glissant invente une voix originale, celle d'une voie échappant à la fatalité construite avec détermination par le commerce triangulaire, celle d'une émancipation ne reniant pas ses ancrages mortifères mais s'en servant de point d'appui pour explorer un ailleurs toujours en devenir, fraternel, solidaire et joueur.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Les mots se suivent à l'improviste, c'est l'inattendu ; l'inconnu : les sens se forment et se déforment. Tout remue et se déplace ; c'est aussi l'inconstant. le mouvement, par sauts de pages et bonds de lignes, et le ressort des phrases. Et puis c'est le silence.
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Un joli recueil fait d'embruns salés et de côtes ravagées ; où l'on se perd entre rivages africains et îles des Caraïbes, entre prose et splendides rimes, entre succession de mots soignée et fouillis verbal dont on distingue difficilement le début et la fin...

Lire Glissant est assez déroutant ; certains passages sont magnifiques et évocateurs, d'autres m'ont simplement laissée perplexe. Cette hétérogéité dans le rythme et dans les poèmes m'ont empêchée de savourer pleinement ma lecture, faite d'à-coups. Intéressant tout de même !
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Ce recueil regroupe le sang rivé (1947-1954), le sel noir (1960) et Boises (1979). Comme Myriam3 ou ATOS l'ont dit dans leurs critiques, il met en exergue, surtout pour les deux premiers, les éléments. La terre, par le surgissement de rocs et les coulées de roches en fusion, d'argile et de boues. L'eau de ses boues revenant par une omniprésence de la mer, et par les images de l'embrun et de l'écume comme creuset d'eau et de vent, géniteur de ce sel noir, fruit ou source de la poésie. Glissant est bien sûr nourri de ses origines antillaises, ce qui transparaît dans une poésie marquée par l'insularité et la douleur de l'histoire coloniale et de l'esclavage. Mais elle est pourtant complètement universelle par les visions de ce monde foisonnant et tonitruant qu'il nous donne à voir. Monde où le vivant n'est jamais figé, où le brassage constant des éléments, cette écume, cette cendre, cette flamme et cette brume, métaphorisent notre irrésistible désir d'ailleurs.
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