Les Années françaises, tome 1 : L'Amour paternel - Le Mariage sur concours

L'amour paternel ou la servante reconnaissante = L'amore paterno o sia la serva riconoscente

Cette pièce est la première de Goldoni pour un public français. C'est en 1762 qu'il quitte sa Venise natale pour la France. Exil dont Carlo Gozzi, son ennemi en théâtre, est grandement responsable. La vocation littéraire de Gozzi était toute de réaction contre un théâtre moderne dégagé des archétypes des personnages de la commedia dell'arte dont Goldoni était le chef de fil. L'objectif de Gozzi était de réduire à néant, les tenants de la nouvelle comédie italienne. Malgré le côté antipathique et agressif du personnage, les productions théâtrales de Gozzi ne sont pas à dédaigner, notamment pour leurs aspects fantastiques. Quoi qu'il en soit, de cette lutte, Goldoni est le perdant : il émigre donc à Paris, où le climat intellectuel lui est plus favorable.
Si « L'Amour paternel » est sa première pièce française, elle fut néanmoins écrite et jouée en italien ; ce qui laisse à penser qu'il y avait alors suffisamment de locuteurs italiens à Paris pour remplir les théâtres. Malgré la démarcation de Goldoni d'avec la commedia dell' arte, ce texte conserve les traces de celle-ci, notamment, dans les noms des personnages.
Ainsi Pantalon (qui n'a plus rien à voir avec le vieux barbon vénitien) se trouvant dans une situation financière délicate, est logé à Paris chez son ancienne servante (Camille). En plus de ses déboires financiers, il est père, et père de deux filles en âge de se marier. En bon papa qu'il est, il a doté ses filles d'une éducation propres à développer leurs talents naturels. Il est très fier de leurs compétences artistiques, l'une est musicienne, l'autre poète. Cette chère Camille, qui en plus de subvenir aux besoins de la famille Pantalon, se met à la recherche de prétendants qui soient à la hauteur. Or, il se trouve que Camille s'est promise à Arlequin, ils doivent se marier incessamment. Et ce dernier a l'amour exclusif. Dans l'appartement de sa dulcinée il ne tolère que deux habitants, lui et sa future. Il exige que la petite famille Pantalon soit expulsée sans retard, sans quoi il retourne à Bergame : plantant là Camille. Dès lors, la pauvre est déchirée entre son amour pour Arlequin et sa compassion pour ses anciens maîtres. Heureusement nous sommes dans une comédie, les chassés croisés, les quiproquos amènent une fin heureuse. Les filles trouvent des maris dignes d'elles et Arlequin revient à des sentiments plus... doux ; tout en étant satisfait dans son exclusivisme car chacun trouve sa chacune et tout le monde retourne chez-soi.
C'est une pièce alerte et joyeuse, très agréable à lire. Ce délicieux divertissement du XVIIIe siècle apporte un peu de légèreté à une époque qui en manque singulièrement.