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sur 457 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En septembre 2007, André Gorz se suicide à l'âge de 84 ans avec sa femme Doreen, atteinte d'une maladie incurable. Quelques mois plus tôt, il s'était retourné sur sa vie, se rendant compte qu'il n'avait jamais écrit l'essentiel, sa relation avec sa femme, et avait mis de côté son costume de journaliste et d'essayiste pour lui écrire cette lettre.

André Gorz est un homme dévoré d'angoisse que seule apaise la présence de sa femme Doreen à ses côtés. Au soir d'une carrière bien remplie de journaliste, André Gorz ne pense qu'à Doreen, son épouse qui l'a soutenu dans l'ombre pendant près de 60 ans. Face à elle et au monde, il s'interroge avec délicatesse et avec pudeur sur les fondements secrets de son amour et sur sa continuité miraculeuse. Ici c'est l'amoureux et non le penseur politique qui parle et il s'agit ici d'une lettre d'amour qui ne peut nous laisser indifférent. Quand il a écrit ce texte, au printemps 2006, Gorz n'était pas certain de le publier, par discrétion, en outre il se demandait qui il pourrait intéresser. Au fil des pages, il constate avec mélancolie que Doreen n'a pas toujours été aimée comme elle l'aurait mérité.

« Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble. » C'est la fin du livre.

Ce petit texte court et dépouillé est émouvant par sa sincérité et se lit d'une traite.
A l'heure où on peut se demander si l'amour pour l'autre peut s'inscrire durablement, André Gorz nous offre la plus belle des réponses.
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A l'heure où le monde continue de tanguer sous nos yeux incrédules, il est permis de monter sur le pont de nos vies. En pleine tempête. Et de jeter un regard sur cette mer agitée. Sommes-nous perdu au milieu de l'océan à bord d'un bateau qui prend l'eau? A chercher, les yeux fermés, un moyen de colmater la faille qui a éventré la coque. A s'époumoner dans un effort incessant afin de faire sortir l'eau hors de notre embarcation. Ou peut-être, notre panique généralisée nous empêche de voir que nous sommes simplement dans une baignoire, à nous noyer dans trente centimètres d'eau ?

Notre manière d'aborder la vie, me fait parfois penser à ce dualisme. Tel le pharmakon de la Grèce antique, nous sommes à la fois notre remède et notre poison. Nous pouvons tout autant déployer des éclats de génie dans nos problèmes que torpiller nos solutions les plus simples. Sans s'en apercevoir, cette dualité régit la plupart des difficultés qui se dressent devant nous.

André Gorz a publié en 2006 Lettre à D. en l'honneur de sa femme, Dorine, qui était un exemple parfait d'une personne mettant son énergie et sa clairvoyance au coeur de l'instant présent. Elle qui vécu dans l'ombre d'un mari connu, était un socle indéfectible pour lui. Elle était la réalité même de ses idées théoriques. Nous apprenons, par exemple, qu'elle n'hésitait pas à jouer des coudes chez les éditeurs afin que son mari soit publié. Là où lui s'enfonçait dans ses pensées et son écriture, elle le ramenait les deux pieds sur terre par le simple fait d'être elle-même, c'est-à dire une femme qui vivait ses convictions à même sa chair sans se poser mille et une questions.

Leur histoire d'amour commence près de soixante ans avant cette fameuse lettre. En 1947. Dorine est cette séduisante britannique fraîchement débarquée en Europe et lui est ce jeune juif autrichien marqué au fer rouge par cette guerre qui vient de s'achever. Ils traverseront les décennies en portant leurs idées socialistes et écologistes à bout de bras. Avec ce court récit autobiographique André Gorz rend publique leur intimité sans que cela ne soit obscène et tente une réhabilitation de son épouse. Lui qui avait donné une image si peu reluisante d'elle dans son premier livre (Le traître) tente de rétablir la vérité.

Dans un souffle intarissable, l'écrivain-philosophe déclare sa flamme, comme au premier jour, à celle qu'il aime mais aussi à celle qui souffre puisque dans les dernières années de sa vie, elle dû faire face à une maladie incurable surmontée d'un cancer. Lorsqu'il entreprit d'écrire ce récit autobiographique, sans doute savait-il que la mort de Dorine n'était plus qu'une histoire de jours. Cette lettre d'amour est une prise de recul sur ce qu'ils ont fait ensemble et qu'ils regardent depuis le balcon de leur vieillesse. Cette rétrospective amoureuse semble avoir redonné une fluidité à l'écriture d'André Gorz. Un style dépouillé qui dit l'essentiel d'une relation avec pudeur. Oui, l'amour a cette force:

“ Tu t'étais unie, disais-tu, avec quelqu'un qui ne pouvait vivre sans écrire et tu savais que celui qui veut être écrivain a besoin de pouvoir s'isoler, de prendre des notes à toute heure du jour ou de la nuit ; que son travail sur le langage se poursuit bien après qu'il a posé le crayon, et peut prendre totalement possession de lui à l'improviste, au beau milieu d'un repas ou d'une conversation. “Si seulement je pouvais savoir ce qui se passe dans ta tête”, disais-tu parfois devant mes longs silences rêveurs. Mais tu le savais pour avoir toi-même passé par là : un flux de mots cherchant leur ordonnancement le plus cristallin ; des bribes de phrases continuellement remaniées ; … Aimer un écrivain, c'est aimer qu'il écrive, disais-tu. “Alors écrit ! ”

Cette oeuvre est aussi celle d'un écrivain qui a roulé sa bosse pendant des décennies. En même temps de passer en revue sa vie amoureuse, Gorz nous livre son vécu dans le monde de l'écriture. de journaliste à philosophe, il a toujours gardé un contact étroit avec la production littéraire. Un passage est, à ce titre, éclairant sur sa manière de voir l'après publication d'un livre:

“ Je n'ai jamais relu aucun des textes de moi qui étaient devenus des livres. Je déteste l'expression “mon livre” : j'y vois le propre d'une vanité par laquelle un sujet se pare des qualités que lui confèrent les autres. "

En définitive, Lettre à D. est un petit objet littéraire qui se lit rapidement. Il laisse son empreinte sur nos coeurs grâce à l'élégante plume de l'auteur mais surtout grâce à la confidence de la vie intime de deux personnes qui n'avaient pas l'habitude de se mettre sur le devant de la scène. de manière prémonitoire, André Gorz écrit dans cette lettre qu'il ne peut pas vivre sans elle. Une année plus tard la parution du livre, les deux amoureux se donnaient la mort.
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C'est amusant et assez intéressant de voir comment notre regard sur un livre peut changer, parfois du tout au tout, d'une lecture à l'autre. Dans le cas de cette Lettre à D., je me souviens l'avoir lu comme une magnifique déclaration d'amour il y a un an et demi. J'ai cru que je le lirais de la même façon dès les premières lignes :
Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien.
J'ai besoin de te redire simplement ces choses simples avant d'aborder les questions qui me taraudent. [p. 9]

La dernière phrase a finalement été la première d'un texte très différent de mes souvenirs. le ton d'André Gorz devient en effet moins « lyrique » et plus distancié lorsqu'il se lance dans le récit de son histoire d'amour avec D. Il a choisi d'écrire celle-ci pour réhabiliter en quelque sorte l'image de sa femme faussée dans son oeuvre précédente, notamment dans le traître. Il se demande pourquoi D., qui a tant compté dans sa vie, est si absente de ses textes. S'il ne répond pas à cette question, il tente en revanche de réparer cet oubli, tout en semblant tomber dans le même travers. On pourrait juger D. très absente de cette lettre où André Gorz parle encore tant de lui et de son oeuvre, mais elle s'y trouve d'après moi comme dans la vie de cet écrivain : entre les lignes, omniprésente bien qu'invisible. A travers le récit des faits marquants de leur vie commune, l'auteur prouve combien elle a compté pour lui, a été présente et l'a amené là où ils sont tous deux dans la vie. Sans elle, il n'aurait pas été celui qu'il est lorsqu'il écrit ces lignes. Sans elle, il n'aurait peut-être pas poursuivi ses projets littéraires et philosophiques avec tant de ténacité, n'aurait sans doute pas eu le même parcours professionnel.

Dans cette histoire d'un amour, André Gorz parle beaucoup de lui-même comme je le disais ci-dessus, ainsi que de son oeuvre : il laisse de temps à autre quelques réflexions sur le travail d'écriture, ses exigences et la difficulté pour quelqu'un de vivre avec un écriveur/écrivain. C'est la raison pour laquelle ce texte pourrait intéresser les lecteurs de cet auteur désireux d'en apprendre plus sur lui, sa façon d'aborder l'écriture. C'est un aspect que j'avais un peu négligé lors de ma première lecture et qui m'a frappée cette fois, tandis que je lisais davantage l'histoire de deux vies unies en une seule ou presque plutôt qu'une lettre à une femme.

Une très belle lettre à une femme aimée, qui ne tombe jamais dans le mièvre, et le témoignage d'une vie commune intense au point de refuser de la poursuivre seul.
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Une déclaration d'amour absolument sublime et une analyse de soi-même très lucide, sans complaisance. J'ai particulièrement aimé la fin de cette lettre, très émouvante.
Il s'agit de sa "dernière" lettre à sa femme, malade et mourante, pour raconter leur histoire, leur amour, et lui dire une dernière fois à quel point il l'a aimée et l'aime.

"Tu m'as donné toute ta vie et tout de toi ; j'aimerais pouvoir te donner tout de moi pendant le temps qu'il nous reste.
Tu viens juste d'avoir quatre-vingt-deux ans. Tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Récemment je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide dévorant que ne comble que ton corps contre le mien."
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Une lettre écrite en 2006 pour combler un remord, se faire pardonner d'avoir dévalorisé Dorine, sa femme en onze lignes dans la première oeuvre qu'il publia en 1957 : "le Traitre". Une lettre écrite au soir de sa vie qu'il abrègera un an plus tard avec elle. Une lettre pour lui dire son amour, lui montrer qu'ils "n'aimeraient chacun ne pas survivre à la mort de l'autre". Une lettre pour Dorine malade depuis quelques années avec qui il a partagé 58 ans de sa vie, pour avouer en creux qu'il n'avait rien compris au mariage qu'il tenait pour une institution bourgeoise, ni à l'amour véritable et pour lui dire également sa reconnaissance. Trop longtemps son approche intellectuelle de la vie l'a empêché d'en comprendre la substance, la réalité, de la sentir pour chercher un Universel qu'il pensait plus noble ...tout contrairement à elle qui le percevait justement dans la réalité empirique du quotidien.
Mais aussi, probablement une imposture (même si le terme est trop fort) qui demeure malgré cette introspection, cet exercice qui vise à "reconstituer l'histoire de leur amour pour en saisir tout le sens." N'y a-t-il pas dans le titre même la persistance de ce sentiment qu'il avoue et qui lui a fait honte en relisant le chapitre 7 du Traitre : "je parlais de Kay comme d'une faiblesse et sur un ton d'excuse...." Pourquoi avoir réduit Dorine à cette seule initiale, D, dans le titre de sa lettre ?
Enfin une lettre à lire et relire pour en percevoir toute la profondeur et la subtilité.
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Cette plaquette est le testament spirituel d'André Gorz adressé à sa femme Dorine la veille de leur suicide « main dans la main », commis lors du stade terminal d'une maladie inguérissable de Dorine dans sa quatre-vingt deuxième année, afin de ne pas survivre à son décès. Ce texte a été analysé par Patrick Viveret, dans l'ouvrage : André Gorz, un penseur pour le XXIe siècle, que je viens de terminer, comme un message d'envergure beaucoup plus vaste, nous invitant à repenser aux « enjeux émotionnels de la transformation sociale ». Il est évident que, dans l'engagement politique d'une pensée militante telle que celle du philosophe d'origine juive autrichienne, l'émotivité d'une relation conjugale – de la sienne, qui plus est – ne semble pas avoir beaucoup de place. Les émotions, en général, y sont moins traitées que, par exemple, dans l'oeuvre de Raoul Vaneigem. Par conséquent, cette oeuvre ultime vient opportunément compenser cette absence, et donnant une importance tout à fait prioritaire à la fois à la circonstance autobiographique – son histoire d'amour – et à la place de l'émotivité dans sa pensée. Mais il y a là davantage. le premier ouvrage publié par Gorz est le Traître (1958). C'est un livre autobiographique, qui se veut une auto-analyse du processus réflexif de l'auteur, saisi « en cours » : l'on sait que, grâce aussi à une Préface extrêmement élogieuse par Sartre, il eut une grande fortune et l'auteur lui dut sa consécration dans l'aréopage des intellectuels français et sa profession de journaliste et auteur. Or, malgré la dédicace privée et manuscrite à sa femme, dans le texte publié, le personnage féminin nommée Kay occupe une place dérisoire et, pis, elle est « défigurée, humilié » ; les bribes autobiographiques sur la relation de couple et le mariage apparaissent délibérément manipulées jusqu'à la pure falsification. L'auteur y note : « N'est-il pas évident que je parlais de Kay comme d'une faiblesse et sur un ton d'excuse, comme s'il fallait s'excuser de vivre ? » (cit. p. 52) et, l'on peut dire, à un premier niveau, que ce testament spirituel constitue entièrement une autocritique qui peut se résumer à cet aveu : « Je ne m'aimais pas de t'aimer » (p. 58). Peut-être cette circonstance suffit-elle à elle seule à expliquer le titre...
Les biographies de penseurs et d'hommes de lettres sont pleines d'histoires d'épouses qui semblent n'avoir eu de vocation que de faciliter l'éclosion de celle de leur conjoint : c'est certainement le cas de Dorine, épouse de Gerhard, collaboratrice précieuse dans tous les aspects de sa vie professionnelle, dans ses relations sociales et dans sa création intellectuelle.
Mais si nous dépassons les aspects biographiques et même la probable raison de minoration de l'émotionnel dans l'auto-perception du devoir-être d'un philosophe, et surtout d'un philosophe politique, il reste encore un aspect encore plus fondamental. Dans le fond de la pensée gorzienne, une pensée de critique du travail, du capitalisme, de l'hétéronomie, et promotrice de l'autonomie, de la réalisation de soi, de la sphère privée comme antidote de l'aliénation du social, il est évident que la conjugalité elle-même acquiert une importance prioritaire. Dès lors, était-ce de la pudeur que d'occulter dans ses écrits cette expérience personnelle, voire de la défigurer ; était-ce le signe de relations compliquées avec soi-même, surtout avec sa propre réalité (cf. cit.), que d'exposer dans ses écrits même autobiographiques cette part de son véritable vécu – une problématique qui s'estompe au moment du trépas – ; ou bien l'auteur éprouvait-il une certaine crainte que, si l'on rétorquait la nature exceptionnelle et non généralisable de sa propre expérience amoureuse, son système intellectuel tout entier en serait affaibli ?
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Bouleversante déclaration d'amour à sa femme Dorine, cette lettre-hommage d'André Gortz est une pure merveille de délicatesse et de sincérité, une émotion brute.

Dans ce dernier texte rédigé par le co-fondateur du Nouvel Obs, intitulé également, "Histoire d'un amour", André Gorz, revient sur sa rencontre avec sa femme, Dorine, mais surtout leur cinquante-huit années de vie commune, fondatrices de leurs personnalités, années au terme desquelles il n'imagine pas vivre sans elle un seul instant. Or Dorine est atteinte d'une maladie évolutive grave depuis de nombreuses années, et c'est donc face à cette perte qui peut intervenir à tout moment, face à la douleur de sa femme, qu'André Gorz, troquera ses essais philosophiques sur le capitalisme et l'écologie politique, pour celtte ultime prise de plume.

Tous deux se suicideront le 24 septembre 2007.
Lien : Http://lire-ecouter-voir.com
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Qu'il est étonnant, ce dernier livre d'André Gorz, intellectuel sartrien, journaliste à l'Express de JJSS puis fondateur avec Jean Daniel et quelques autres du Nouvel Obs, ami d'Ivan Illich et reconnu comme l'un des fondateurs de l'écologie politique en France et en Europe. Quelques semaines avant de se donner la mort avec la compagne de sa vie, Dorine, celle à qui cette Lettre à D. est adressée, il éprouve le remords d'avoir parlé d'elle en des termes injustes dans un livre qui lui a valu une certaine célèbrité, "Le traître". Dans ce livre, Gorz justifie le fait que l'engagement d'un intellectuel dans le "sens de l'histoire" (comme on disait alors dans les années 50) peut l'amener à se trahir soi-même (selon la thèse, alors en vogue à St Germain des Près, que "le collectif est tout" et "l'individuel est petit-bourgeois donc haïssable"). En l'occurrence, c'est plutôt sa femme que G. aurait trahi dans ce livre (trop bien nommé, hélas !), en rabaissant leur amour, en en faisant quelque chose de frivole et de contingent alors que, comme ce livre tente de nous le montrer cet amour était pour lui absolument nécessaire.

Cette lettre retrace donc le rôle capital, indispensable qu'a joué D. dans la vie de G., jusqu'au moment où une maladie incurable va atteindre D. et la faire souffrir durant des années. Même cette maladie aura une incidence importante sur l’itinéraire intellectuel de G. puisqu'elle sera une des sources de son engagement contre le productivisme, et aussi l'hypertrophie technologique et notamment médicale, décrite par Ivan Illich dans son livre "Nemesis Médicale".

Ce livre est aussi un livre sur l'impuissance à mener toutes les choses qu'on aimerait faire de son vivant, sur la sagesse qu'il y a à se contenter du peu que l'on peut faire ici (cet "ici" qui n'est pas si "bas" que ça). C'est un livre de modestie qui tente de renouer avec l'essentiel, et cet amour était pour lui l'essentiel puisqu'il lui garantissait aussi sa liberté d'écrire. Sans que la morale soit écrite, on ressent dans ce texte un desaveu des thèses sartriennes dont s'inspirait ses premiers écrits (dont "Le traître") : une thèse aussi séduisante soit-elle qui amènerait à trahir l'amour de sa vie n'est sûrement pas si bonne que cela et elle mérite sûrement d'être reconsidérée.
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Livre lu en mai 2007. Relu en aout 2023 suite à la parution du dernier livre de Emilie Frèche « les amants du Lutétia » qui traite du suicide d'un couple d'octogénaires, dont l'acte déstabilise la fille. Livre que je n'ai pas lu, et je me pose la question : ne s'est-elle pas inspirée du suicide de André Gorz et son épouse Doreen. Ils n'avaient pas d'enfant. Dans son roman, elle se serait appropriée le rôle de l'enfant dont le deuil à faire est rendu compliqué à cause de la liberté qu'ont pris ses parents de se donner la mort ???
En septembre 2007, André Gorz -philosophe, écrivain, journaliste, écologiste- né à Vienne en 1923, de famille juive, doit changer son nom en Gérard Horst ; il se réfugie à Lausanne avec sa mère durant les années d'occupation allemande. Se suicide à l'âge de 84 ans avec sa femme Doreen 83 ans, atteinte d'une maladie incurable. Quelques mois plus tôt, se rendant compte qu'il n'avait jamais écrit l'essentiel, soit sa relation avec sa femme, il lui a écrit cette lettre, déclaration d'amour après près de 60 années passées ensemble. Face à elle et au monde, il s'interroge avec délicatesse et avec pudeur sur les fondements secrets de son amour et sa continuité.
Dans ce court récit de 75 pages, il revisite les années passées, de sa rencontre à Lausanne en 1947 avec Doreen, de leur amour, leur mariage, et leur vie à Paris, très désargentée jusqu'en 1955 date de son emploi dans le magazine l'Express où JJSS lui offre une tribune sociale et politique. Ce récit est avant tout une déclaration d'amour à sa femme et une autocritique sur sa vanité durant les années professionnelles où il était très autocentré, peu communiquant avec elle, angoissé quant à sa propre capacité à « être » et à écrire. Il s'en fait le reproche et lui rend l'hommage qui lui est dû quant à son aide intellectuelle et logistique pendant ses années à l'Express puis au Nouvel Obs avec Jean Daniel, et dans la vie intime, en tant que femme gaie, libre, autonome et indépendante.
« Cela fait cinquante huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais ».
Cela devait être dit !


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Un récit intéressant où se mêlent des réflexions sociologiques et politiques et une déclaration d'amour pour Dorine, l'épouse d'André Gorz.
Lien : https://bibliblog.net/lettre..
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