La nuit rwandaise. : L'implication française dans le dernier génocide du siècle

A travers mes lectures, j'ai redécouvert récemment une horrible tragédie qui date de 1994: le génocide des Tutsi au Rwanda. Il ne faut surtout pas croire que l'explosion s'est produite par hasard: la mèche avait été allumée auparavant, lors de l'indépendance du pays, et même bien avant: pendant la colonisation. En effet, les Belges se sont initialement appuyés sur les Tutsi (minoritaires) et, dès 1931, ils ont créé un document d'identité mentionnant l'ethnie de chaque individu. Mais, dans les années '50, s'est produit un renversement d'alliances, favorisé par l'Eglise (qui prônait l'égalité des "races"). Certains Hutu, au pouvoir après l'indépendance, ont théorisé la haine des Tutsi, présentés comme d'origine étrangère au Rwanda. Ils ont rapidement entamé une première cruelle persécution de la minorité ethnique, la poussant à l'exil. Plus tard, Habyarimana, menacé par le FPR (tutsi), a "chauffé" en sous-main la population hutu contre les Tutsi. Les tueurs étaient déjà sur les "starting blocks" quand le dictateur a été tué. C'est pourquoi le génocide, qui a immédiatement suivi cet attentat, a été le plus rapide de l'histoire !

L'auteur du présent livre, Jean-Paul Gouteux (1948-2006), est évidemment un partisan des Tutsi et un ennemi des extrémistes hutu. Cependant, il s'intéresse moins aux origines et au déroulement du massacre lui-même qu'à l'implication des autorités françaises. L'alliance entre François Mitterand et Juvénal Habyarimana, nouée avant 1994 (malgré la politique ouvertement raciste du gouvernement rwandais), n'a jamais été un secret. Mais ici, ce qui est vraiment en question, c'est la complicité de la France dans le génocide, notamment par le rôle de ses soldats envoyés sur place. Plus tard, une enquête française a conduit à la publication du rapport Quilès, qui a "blanchi" le pouvoir mitterrandien. Mais Jean-Paul Gouteux conteste formellement ces conclusions lénifiantes. Dans son ouvrage, il dresse un réquisitoire détaillé et accablant contre la politique française (y compris contre les agissements de Jean-Christophe Mitterand). Et aussi il s'oppose aux lobbys qui ont caressé l'opinion publique française "dans le sens du poil", notamment certains universitaires qui ont prétendu justifier le racisme anti-tutsi et la politique extrémiste hutu.

Ce livre n'est pas particulièrement agréable à lire, non seulement parce qu'il évoque des événements terrifiants, mais aussi parce que c'est un réquisitoire dense et parfois aride. J'ajoute que l'auteur ne met jamais en cause le FPR (tutsi) qui, pourtant, a vraisemblablement des massacres sur la conscience, lui aussi…

Inoubliable Mitterand !
Le 10 juin 1994, Mitterand se rend à Oradour sur Glane et y prononce un discours à l'occasion de la commémoration des 50 ans du massacre des villageois par les nazis. Pendant ce temps là, au Rwanda se déroule un génocide qu'il juge sans importance et dont il est complice.
L'ouvrage de Gouteux n'a pas pris une ride. Il reste d'une brûlante actualité.