Léa est une enfant mal aimée, introvertie, quasiment sauvage. Dans cette maison où elle vit seule avec sa "génitrice", une seule règle prime, immuable et inviolable, "
Ne me regarde pas". Marquée par l'âpreté des mots maternels et la méchanceté qu'elle subit chaque jour, l'enfant apprend à se fondre dans le décor, silencieuse et furtive. Les fourmis et les livres sont ses principales sources de réconfort. Elle communique avec les unes et s'évade grâce aux autres. L'enfant grandit dans ce quotidien morose, jusqu'au jour où l'espérance d'une vie nouvelle s'offre à elle.
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Dès les premières lignes,
Ne me regarde pas accapare l'esprit. Car si la plume est imagée et poétique, les mots n'en restent pas moins percutants. Aussi, j'ai été saisie par la haine viscérale de cette mère envers sa fille, par ces gestes froids et sans amour. L'autrice dépeint avec brio Léa, cette héroïne si particulière, touchante et pleine de ressources, qui va devoir s'adapter à un monde encore inconnu. L'émotion de la première marque d'affection, le choc du premier regard. Un nouveau départ qui, on l'espère, pourrait bien effacer les traces d'une enfance meurtrie, et reléguer aux oubliettes la peur et l'angoisse.
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A l'image d'une vie, on fait connaissance avec des personnages inoubliables, comme autant de tremplins pour Léa. A travers leur regard, on observe d'abord un certain désarroi, puis la joie quant à la transformation de la jeune fille. J'ai aimé sentir le souffle du bonheur, la (re)construction, l'équilibre rédempteur. J'ai été captivée par l'histoire de Léa, touchée par la justesse de son personnage et sa profondeur psychologique. L'écriture, riche et fluide, sert à merveille le récit et évolue à l'image de son héroïne.
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Cependant, on imagine bien que les actes comme les paroles ont des conséquences et que ce qui est enfoui finit inévitablement par refaire surface, souvent au moment où l'on s'y attend le moins. Tout au long du roman, une tension sous-jacente demeure, telle une épée de Damoclès au-dessus de Léa. Une tension tantôt désamorcée par la présence de ces personnages à la générosité sans faille, tantôt réactivée par un souvenir ou une émotion tenace. Il est parfois nécessaire de creuser, de remonter le fil, de connaître l'histoire dans son entièreté pour comprendre l'origine de la souffrance. Un mal souvent inconscient, tapis dans l'ombre, prêt à émerger des profondeurs. En cela, j'ai admiré l'habileté avec laquelle l'autrice mène le suspense, jusqu'à ce que cette phrase, tant de fois prononcée par la mère, prenne tout son sens. Une intrigue efficace et poignante, qui m'a complètement chamboulée, et dont l'issue reste incertaine jusqu'à la fin.
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Ne me regarde pas est un roman fort et bouleversant, qui laissera sans aucun doute son empreinte dans mon âme de lectrice.
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Je remercie la maison d'édition et l'autrice pour ce roman.
Ma chronique complète est sur le blog.
Caroline - le murmure des âmes livres