Début 1999, l'IRIS et
Le Monde Diplomatique organisaient, à l'Assemblée nationale, un colloque sur
l'Etat palestinien. Les éditions Complexe en ont publié les actes, enrichis de deux très substantielles contributions d'
Alain Gresh et de
Didier Billion.
Ce séminaire était l'occasion de dresser un état des lieux de cinq années d'autonomie palestinienne. Depuis les accords d'Oslo, en 1993, entre Israël et l'OLP, s'est en effet construit un «Etat autonomique» (
Bernard Botiveau) qui, sans posséder encore tous les attributs de la souveraineté, constitue l'embryon d'un État à naître. L'Autorité palestinienne, malgré les élections du 20 janvier 1996, qui désignent les 88 membres du Conseil législatif, n'est pas à l'abri d'une dérive autocratique.
Yasser Arafat, le chef historique de l'OLP, la dirige d'une main de fer, et se refuse, malgré les dangers qui pèsent sur sa vie, à organiser sa succession (Marwan Bichara).
La viabilité économique du nouvel État n'est pas acquise. La fragmentation territoriale de la Cisjordanie-Gaza est un sérieux handicap. L'absence sur la planète d'Etat géographiquement aussi fragmenté (on sait ce qu'il est advenu du Pakistan-Oriental ...) n'incite pas à l'optimisme. D'autant que les Israéliens, excessivement soucieux de leur sécurité, n'hésitent pas à «boucler» les territoires au moindre attentat. Au total, indique Leila Farsakh, les frontières de Gaza et de Cisjordanie ont été fermées pendant plus de 400 jours entre 1994 et 1998. le coût total de ces fermetures se chiffre, pour l'économie palestinienne, en milliards de dollars.
Faut-il y voir un «complot israélien visant à détruire les potentialités de l'économie palestinienne» (p. 51) ?
Laëtitia Bucaille - dont la contribution tranche par son esprit de mesure - ne le croit pas, qui y voit plutôt des «mauvaises volontés» se manifest[a]nt à des échelons intermédiaires et provoqu[a]nt des blocages» (id.).
Toujours est-il que la crise économique dont la Cisjordanie et Gaza ne sont pas sortis, bien au contraire, risque d'aggraver les rancoeurs et de rendre un peu plus intenable la position modératrice d'un Arafat vieillissant. Les enjeux sont d'importance alors que la période intérimaire atteint son terme et que le nouveau gouvernement travailliste d'Ehud Barak s'est donné un an, jusqu'au 13 septembre 2000, pour aboutir à un accord de paix définitif.
Pour signer cet accord, trois questions cruciales doivent être tranchées. Il faudra d'abord organiser le rapatriement des réfugiés palestiniens qui, cinquante années après la nakba (catastrophe), vivent encore en exil (
Elias Sanbar). Il faudra ensuite amadouer les colons juifs qui, depuis trente ans, spontanément ou avec le soutien du gouvernement, peuplent les territoires occupés pour y «créer une situation d'annexion de facto ... de manière à infléchir le contenu des négociations finales» (
Aude Signoles). Il faudra enfin régler la question de Jérusalem, dont on regrettera qu'aucune contribution ne l'approfondisse.
Dix ans après la sortie de ce livre, alors que les combats font rage à Gaza, on n'a guère avancé sur le chemin de la paix. Pire : on semble s'en éloigner de plus en plus.