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Seul maître à bord" est un roman passionnant qui, afin de mieux dérouter son lecteur, ne l'emmène pas là où il pensait aller.
Le 12 mai 1917, à minuit quarante, la lumière s'est éteinte à bord du cuirassé "Indomptable".
Le commandant Tréguennec, surnommé "le père ça-va-toujours" a entendu, de la passerelle, un cri remonter des fonds quelque part vers l'arrière.
Le navire, durant quelques minutes, s'est trouvé désemparé parce que le fusible par lequel passe le courant des commande de la barre est commun avec celui de l'éclairage de l'arrière !
Nul ne peut jurer qu'un fusible ne sautera jamais puisque c'est précisément sa fonction ...
Maurice Guierre, en 1938, nous offre un récit, inspiré très librement, de la tragique carrière de "l'Indomptable".
Pour autant qu'il soit tragique, le sombre destin du grand cuirassé n'a pas été scellé dans la guerre.
Car celle-ci n'est évoquée, que comme un événement lointain, au IXème chapitre, alors que l'armistice est signé depuis plusieurs mois.
"L'Indomptable", au final, a été victime de la terrible malchance qui, parfois, s'attache à un bâtiment jusqu'à le voir disparaître.
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Seul maître à bord" est l'antique formule qui exprime la nécessaire indépendance du commandement.
Cette notion a semblé, un temps, marquer le pas devant la complexité du bateau moderne.
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Seul maître à bord", le livre, est une superbe parabole sur les effets du progrès venant bousculer le vieux marin pour en faire un technicien, un ingénieur généraliste.
Le récit est passionnant.
Il semble un peu, au début, piétiner.
Mais ce n'est que pour mieux rebondir et ricocher.
On sent que l'auteur est un de ces officiers qui préfère le matelot et le second-maître au cuirassé.
Il est un de ceux qui portent plus d'attention à l'état d'esprit de son équipage qu'à sa tenue.
Les personnages sont crédibles et attachants.
Le cuirassé a été victime d'un incendie, d'un début de mutinerie devant Sébastopol et il a, finalement, coulé, crevé par une roche inconnue, en un point où la carte indiquait de 16 à 19 mètres d'eau aux plus basses mers.
Peut-être a-t-il été victime de C'hoac'h, la sorcière qui appelle l'Ankou, la mort, en la sifflant ... En tout cas, le second-maître électricien Kéméan, lui, le croit ...