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EAN : 9782343093789
234 pages
Editions L'Harmattan (16/06/2016)
4/5   2 notes
Résumé :
Paul, Gérard, Emile et Mireille, Abdallah, Basile, Brigitte et Marceau, tous s’inquiètent pour leur précieux petit coin de terre et de liberté. A peine installés, les jardins ouvriers du Vernay sont-ils déjà appelés à disparaître ?
Une méchante rumeur court dans les potagers de la zone industrielle de Feyzin. Rhône-Poulenc, propriétaire des lieux et employeur de nombreux jardiniers, aurait mis en vente ses terrains, en friche pour la plupart, y compris les... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Vendredi 28 février, 10 heures. Après une semaine grise sous un ciel plombé, un peu de soleil enfin.

Gérard Bourdier, dit Nounours, un grand et gros costaud brun au ventre rebondi, nous attend en jogging à l'entrée de sa parcelle. Il a un petit air fier et coquin, un peu gitan. Il nous accueille à bras ouverts comme de vieux potes qui se retrouvent, et nous invite de suite à rentrer, à boire un coup à l'intérieur, dans sa cabane.
Cet hiver, Gérard est en arrêt-maladie et passe presque toutes ses journées ici, dans son antre de huit mètres carrés. Il y a posé des étagères pour sa vaisselle, les graines, ses outils et toutes sortes d'objets glanés par-ci par-là. Il y a casé une table de cuisine en formica, deux chaises et un banc, sans oublier son lit pliant, pour la sieste. Très organisé, il se chauffe au gaz et s'éclaire à l'aide d'une baladeuse sur batterie. Enfin, à la place de la petite fenêtre d'origine, il a posé une large baie vitrée en plexiglass, de la récupération. La pièce est très lumineuse, mais l'effet de serre est important, il y fait vite très chaud. Dans la cabane de Gérard, il y a tout ce qu'il faut, c'est son refuge, sans doute sa seconde maison.
Il nous sert une bière dans de vieux verres de cantine, allume sa cigarette...
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AH : Et Belle-Etoile, c’était comment ?
Gérard: L'ancien jardin, quand ils l'ont démoli, vous auriez pleuré, vous auriez pleuré, vous auriez pleuré, je vous jure vous auriez pleuré. Je vous jure que c'est vrai, quand on a été vers le bulldozer, que le bulldozer il poussait, il poussait, il fermait le trou, il poussait la terre dans l'étang. Les grenouilles, tout, les machins, j'ai mal au ventre, moi. J'ai vu des poissons comme ça, des poissons rouges et blancs, des variétés de poissons… on a essayé de récupérer un maximum de poissons, on pouvait pas tout récupérer… les grenouilles… j'ai récupéré des hérissons... J'ai pleuré. J'avais un hérisson, tous les jours j'allais le voir. Je quittais le boulot, je vais voir à midi mon hérisson. Le lendemain, j'arrive, il était mort. Voilà. Il avait du lait et tout...
FC: Et ça, c'était un terrain qui appartenait à Rhône-Poulenc?
Gérard: Ca appartient toujours à Rhône-Poulenc actuellement là. Bon là, ils ont foutu, ils ont écroulé les cabanes des jardins en face, là. Mais pour l'Air Liquide, ils auraient pu quand même laisser encore des jardiniers, hein. Du moment que c'étaient des taudis, c'est vrai que c'est eux, bon.
AH: Ils ont nettoyé, quoi!
Gérard: Non, mais c'était dégueulasse, y’avait de tout. Y’avait des poules et des cochons. C'était vraiment dégueulasse, ils avaient des fours, les Portugais où ils faisaient cuire trois cochons, des cochons comme ça, ils avaient de ces fours, ils avaient de ces trucs... Ah, c'était la fête, eux! Ils avaient des poules, des canards, des lapins. Mais moi, quand j'ai pris le jardin là, on avait encore la possibilité de passer par les passages à niveaux, mais souvent, je venais faire mes courses en dessus, là, chercher des sous à la Poste, et je prenais la route, là, c'était magnifique, les jardins, c'était magnifique! Bon, on disait toujours: "La caserne, la caserne..." parce que les petites cabanes, ça ressemble à une caserne, de loin... C'était super! C'était super propre, super beau. Mais maintenant, tu dirais un bidonville: t'as des fûts verts, t'as des fûts bleus, t'as des...
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AH : Et vous, vous avez commencé à travailler à quel âge ?
Gérard: Moi, j'ai quitté l'école à 14 ans. Mes grands-parents sont italiens, j’ai été adopté par mon oncle et ma tante.
AH: Et après, vous avez fait quoi?
Gérard: Ben, j'ai eu de la chance de rentrer à Rhône-Poulenc.
AH: A 14 ans?
Gérard: Non, ben j'ai fait de la plomberie, de la chaudronnerie, je suis parti en Corse un an, on a fait de l'encadrement pendant un an, j'ai vendu des trucs sur les marchés, j'ai fait le con... Je faisais les chantiers, tout ça… la plupart du temps, on prenait pas la douche, on faisait 12-13 heures par jour, bon… On travaillait le samedi, on travaillait le dimanche pour faire des dépannages… On arrêtait les usines… les usines étaient arrêtées, c’est là qu’on pouvait faire la… changer les tuyauteries… ou faire l’entretien… et… j’ai dit : « Bon ben, si je rentre à Rhône-Poulenc, j’aurai une place sûre. »… Et… c’est ce que j’ai fait. Je suis rentré… en 1969… le 4 octobre… et… je ne voulais pas rentrer à l’usine, entre quatre murs… je suis rentré au coefficient 115, ça signifiait : « manœuvre de force », je chargeais les wagons avec les caisses en bois. Et après, je suis passé au coefficient 125… après je suis passé au coefficient 135… après je suis passé au coefficient 145… et après je suis au coefficient 160… Et maintenant, avec 29 ans de carrière, je suis coefficient 170 : je suis ouvrier qualifié… Ben, c’est pas une très grosse carrière pour… pour euh… moi personnellement… mais bon euh… pff… ça me suffit. Je suis rentré à Rhône-Poulenc en 69. J'ai perdu mon père en 62, mon père adoptif, et puis là, depuis je suis à Rhône-Poulenc... Bon ben, ça fait 28 ans que j'y suis, ouais, 28 ans. 28 ans à Rhône-Poulenc.
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Vendredi 28 février, 10 heures. Après une semaine grise sous un ciel plombé, un peu de soleil enfin.
Gérard, dit Nounours, un grand et gros costaud brun au ventre rebondi, nous attend en jogging à l’entrée de sa parcelle. Il a un petit air fier et coquin, un peu gitan. Il nous accueille à bras ouverts, comme de vieux potes qui se retrouvent, et nous invite de suite à rentrer, à boire un coup à l’intérieur, dans sa cabane.
Cet hiver, Gérard est en arrêt-maladie et passe presque toutes ses journées ici, dans son antre de huit mètres carrés. Il y a posé des étagères pour sa vaisselle, les graines, ses outils et toutes sortes d’objets glanés par ci par là. Il y a casé une table de cuisine en formica, deux chaises et un banc sur lequel trône un énorme nounours jaune gagné dans une foire, sans oublier son lit pliant, pour la sieste. Très organisé, il se chauffe au gaz et s’éclaire à l’aide d’une baladeuse sur batterie. Enfin, à la place de la petite fenêtre d’origine, il a posé une large baie vitrée en plexiglass, de la récupération. La pièce est très lumineuse, mais l’effet de serre est important, il y fait vite très chaud. Dans la cabane de Gérard, il y a tout ce qu’il faut, c’est son refuge, sans doute sa seconde maison.
Il nous sert une bière dans de vieux verres de cantine, allume sa cigarette…
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Les jardins du Vernay se sont implantés dans un âpre paysage. Face aux torchères de la raffinerie de Feyzin et à l’autoroute A7, coincés entre les cuves géantes de l’Air Liquide et une vaste friche, longés par les voies ferrées de la ligne Lyon-Vienne, ils sont à peine visibles de la route. Il faut se garer sur le bas-côté pour découvrir en contrebas les alignements de petites parcelles encore nues et bien rangées, leurs cabanes brunes presque identiques.
Ici, tout semble déshérité en cette fin d’hiver, un no man’s land industriel désolé dans le bruit de fond de l’autoroute invisible et toute proche et des longs trains de marchandises, côté Vénissieux-les-Minguettes. Ici, aucun piéton, aucun promeneur, personne, mis à part le va et vient des camions citernes.
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