Avant de parler de ce que raconte le titre, qui est son gros point fort, autant commencer avec l'élément problématique, mais que j'ai rapidement réussi à oublier : l'esthétique ! Soyons honnête, le dessin n'est vraiment pas magnifique, en plus d'être inégal. Je le qualifierai de correct sans plus, avec parfois un travail de perspective ou de morphologie des personnages pas toujours heureux. de plus, les designs des personnages sont vraiment impersonnels, voire assez moyens, à l'exception notable d'un personnage que je trouve particulièrement réussi visuellement.
Bref, pour dire les choses simplement, le titre ne flatte pas forcément la rétine, chose qui peut s'expliquer par le fait qu'il s'agisse du premier travail d'un jeune auteur, dans le contexte de production français qui n'aide pas forcément à produire des visuels ultra peaufinés (quand bien même on peut trouver des mangakas français à l'esthétique magnifique, je ne dis pas le contraire, mais j'entends surtout par là que l'on ne laisse pas forcément le temps aux auteurs de parfaire chaque élément). Mais si le titre n'est pas forcément de toute beauté visuellement, il arrive à happer grâce à son écriture !
On ne va pas concéder à ce premier tome une grande originalité dans le genre cyberpunk, certes, mais il n'empêche que l'auteur a l'air d'assez bien connaitre le genre, et d'avoir bien pensé son univers et son récit. Nous sommes basiquement dans une histoire de serial killer, rehaussé par un univers cyberpunk proposant d'assez belles idées. Comme l'explique le résumé, dans cet univers, les individus utilisent des SkilledFast, des implants leur permettant d'apprendre sans effort des choses complexes de tout ordre, que ce soit la maîtrise d'une discipline sportive, artistique, des jeux vidéo, ou des compétences intellectuelles ou sociales, n'importe quelle chose qui s'acquiert par l'expérience peut ici être acquise sans effort, via l'implantation d'une puce.
Mais un certain No Skill kidnappe des gens, leur ôte leur SkillFast par le biais d'une intervention qui les empêche d'en recevoir de nouveaux à vie, et les séquestre. L'idée est de leur proposer le choix entre vivre sans SkillFast et mourir. Les gens choisissent toujours la mort, mais l'agent de police Roman Kirkgard est le premier à survivre (contrairement à sa compagne, séquestrée en même temps que lui). Dès cet instant, il décide de traquer No Skill, devenant enquêteur privé. D'autres personnes ont survécu après lui, mais les meurtres avec mise en scène macabre continuent cependant.
De ce fait, vous l'aurez compris, l'aspect policier et la traque du tueur sont les premiers éléments au coeur du récit, avec recherche d'indices, travail sur le portrait psychologique de No Skill, etc… Et si on retrouve des éléments qu'on a déjà vu maintes fois dans le genre policier, c'est très bien écrit et suffisamment maîtrisé pour rendre le récit vraiment haletant. Et ce n'est qu'un élément de l'histoire, puisque sa richesse lui vient surtout de son univers et des questionnements qui sont posés.
Car le cyberpunk est un genre qui a comme ambition principale d'interroger ce qu'est l'être humain et son rapport à la machine, à l'intelligence artificielle et au corps. Les augmentations cybernétiques sont monnaie courante dans le genre et les SkillFast sont en plein dans ces interrogations. Dès ce premier tome, des questions morales et éthiques sont posées par rapport à cela. On parle d'exemples tels que les artistes qui seraient finalement des gens lambdas possesseurs d'un SkillFast spécifique, idée qui peut concerner les sportifs professionnels, etc…
Et évidemment, si les nombreuses vertus de ce système sont mises en avant, des voix dissonantes s'élèvent. Tout d'abord, le fait qu'un grand groupe industriel ait la mainmise sur le commerce de SkillFast, créant une dépendance des gens vis-à-vis de celui-ci est mis en avant. Cet élément est d'ailleurs très caractéristique du genre cyberpunk, encore une fois. Et le personnage de No Skill interroge aussi ce système. Évidemment, à ce stade (1 tome sur 3), on ne sait pas encore de quoi il en retourne, d'où lui vient son aversion des SkillFast, mais nul doute qu'il s'agira d'un élément important de l'intrigue qui nous permettra de développer les questionnements éthiques et moraux du titre.
En l'état, ce premier volume est une bonne entrée en matière, qui si elle manque d'originalité, n'en reste pas moins très sérieuse dans sa façon de traiter des codes du genre. le côté histoire de serial killer rend vraiment le récit plus haletant, et fait qu'on a très envie de connaitre la suite. Ainsi, malgré une esthétique vraiment pas très heureuse, Hachin a réussi à proposer un premier tome tout à fait solide pour une série qui a un potentiel certain. On verra dans quelques mois si le tome 2 confirme cela, mais personnellement je n'ai pas trop de doute !
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