Les deux moineaux
Deux moineaux avait fait leur nid en sécurité dans la barbe d’un ermite.
Un jour, le mâle fut retenu prisonnier dans une fleur de lotus qui s’était refermée à la tombée de la nuit. Le lendemain, lorsqu’il revint au nid, son épouse l’accusa d’avoir été infidèle. Le mâle protesta de son innocence. Ils se disputèrent tant et tant qu’ils réveillèrent l’ermite qui, irrité, les chassa.
Nos deux moineaux s’installèrent dans la forêt. C’était la saison sèche. Comme sa femelle avait peur du feu, le moineau, pour la rassurer, lui jura que si un feu de brousse se déclérait, il ne l’abandonnerait pas et mourrait avec elle et leurs oisillons.
Elle lui répondit que s’il ne tenait pas sa promesse et se sauvait, elle n’adresserait plus la parole aux mâles dans ses prochaines existences. Or, peu de temps après, un feu terrible éclata. Au moment où les flammes léchèrent l’arbre sur lequel les moineaux avaient fait leur nid, le mâle terrorisé oublia sa promesse et s’envola, tandis que la femelle choisit de mourir avec ses petits qui ne pouvaient pas encore voler.
Pris de remord, l’oiseau voulut faire demi-tour, et fut happé lui aussi par les flammes.
Les deux moineaux se réincarnèrent, l’un comme prince de Kasi, l’autre comme princesse de Sila. La princesse devint une ravissante jeune fille que tous les princes rêvaient d’épouser. Mais elle refusait d’adresser la parole aux hommes, même à son père. Celui-ci déclara alors qu’il la donnerait en mariage à celui qui pourrait la faire parler. Rois, princes, dignitaires et roturiers défilèrent au palais. Aucun ne put lui arracher un mot.
Vint le tour du prince de Kasi qui savait que la princesse avait été sa femme lors de la dernière de ses vies antérieures.
Il lui raconta diverses histoires puis, comme par hasard, celle des deux moineaux. Il changea simplement la fin en disant que la femelle s’était envolée la première.
La princesse, scandalisée par un tel mensonge, protesta avec véhémence, accusant le prince de trahir la vérité et assurant que c’était le mâle qui avait fui le premier.
Elle avait parlé à un homme ! Aussi purent-ils se remarier et racheter la faute passée du moineau. Celui-ci ayant compris la leçon n’abandonna plus jamais son épouse et ses enfants. Ils vécurent heureux.