Giant-Size X-Men, tome 1

Ce tome regroupe 5 épisodes portant la mention Giant-size, initialement parus en 2020, tous écrits par Jonathan Hickman, le scénariste de House of X-Power of X (2019), et de la série X-Men.

Jean Grey & Emma Frost : dessins et encrage de Russell Dauterman, couleurs de Matthew Wilson. Deux jeunes mutants volent dans le ciel de Krakoa en plein milieu de l'océan, et se dirigent vers la source d'un étrange phénomène lumineux. Arrivé sur place, au sommet d'une cascade, ils découvrent Ororo allongée sans connaissance sur le sol, avec un peu de sang dans l'herbe. Ils la ramènent aux adultes, et la confie à Cyclops, Wolverine, Jean Grey et Emma Frost. Ces deux dernières demandent aux hommes de les laisser opérer dans le silence. Elles s'assoient à côté du corps allongé sans connaissance d'Ororo et pénètrent dans son espace psychique.

Il faut avoir lu les premiers épisodes de la série X-Men écrite par Jonathan Hickman pour pleinement apprécier la situation dans laquelle se trouve Storm, à la suite à ce qui lui arrive dans l'épisode 5. Mais il est également possible de comprendre cet épisode et d'y trouver du plaisir car il est muet, et il constitue avant tout une aventure pour essayer de rejoindre la conscience d'Ororo Munroe. Passées les 2 premières pages, il apparaît que ce numéro est silencieux, c'est-à-dire dépourvu de phylactères ou de cellules de texte. le lecteur familier de l'histoire de l'équipe se rend compte qu'il s'agit d'un épisode hommage à New X-Men 121 (2002) par Grant Morrison & Frank Quitely, qui était lui aussi silencieux et dans lequel Emma & Jean pénétraient dans l'esprit de Charles Xavier pour le sauver. le scénario est donc très linéaire : Emma & Jean pénètrent dans l'esprit d'Ororo, et avancent vers le centre de sa conscience, tout en affrontant un obstacle après l'autre. Elles doivent se battre contre des ennemis qui prennent l'apparence de bêtes sauvages ou de forces de la nature. Cet épisode est avant tout conçu comme l'occasion pour l'artiste d'en mettre plein la vue. Dauterman a acquis sa notoriété en dessinant les aventures Thor écrites par Jason Aaron. Il utilise un trait très fin pour tracer les contours de chaque forme, et il s'en donne à coeur avec les compositions de page, et les visuels spectaculaires. le lecteur est également très impressionné par la complémentarité extraordinaire entre dessins et couleurs, preuve patente d'une coordination pointue entre les 2 artistes.

Nightcrawler : dessins et encrage d'Alan Davis, couleurs de Carlos Lopez. Depuis que tous les mutants se sont installés à Krakoa, l'école de Westchester est désaffectée, et la végétation y a repris ses droits, y compris à l'intérieur du bâtiment. Quatre mutants accompagnés de Lockheed viennent y mener l'enquête car le portail qui y mène présente régulièrement des dysfonctionnements. Magik (Illyana Rasputin), Eye-Boy (Trevor Hawkins), Cypher (Douglas Ramsey) et Nightcrawler (Kurt Wagner), avec Lockheed, arrivent à l'extérieur par le biais du portail et constatent la luxuriance de la végétation. Soudain Lockheed vole de l'avant et se met à arroser de feu un bosquet. Nightcrawler parvient à le calmer, mais peu de temps après, il aperçoit la silhouette de Rachel Summers en costume de chien chasse, dans l'ombre d'un arbre.

C'est assez logique : avec le nouveau paradigme du peuple mutant, le lecteur pouvait se poser la question de ce qu'il était advenu de l'école de Westchester. Jonathan Hickman raconte une histoire de maison hantée se déroulant au début de House of X, sans rapport avec l'épisode précédent. L'amateur des X-Men est aux anges : il ramène une race extraterrestre créée par Cockrum & Claremont, ainsi qu'un personnage secondaire. Il raconte une histoire tout aussi linéaire que la première, en faisant la part belle à Douglas Ramsey, le moins combatif des X-Men. C'est également l'occasion de revoir Alan Davis qui pour une fois s'encre lui-même. Il est en très bonne forme, avec les mouvements si fluides des personnages, une maîtrise épatante des mouvements de Nightcrawler et de l'apparence de Rachel Grey, personnages qu'il avait dessinés dans la première série Excalibur. Cet épisode se lit tout seul avec le sourire aux lèvres, et le plaisir de voir Douglas Ramsey mettre fin au combat en utilisant son pouvoir : comprendre d'autres langages.

Magneto : dessins et encrage de Ramón K. Pérez, couleurs de David Curiel. Magneto (Erik Lehnsherr) se tient sur une plateforme en hauteur du mat de communication d'un énorme navire porte-containers, approchant d'une île : Myklines dans les îles Féroé. Dans son beau costume blanc, il se rend sur l'île et se plante bien droit sur une falaise, en regardant l'océan. le responsable du phare vient le trouver en lui demandant ce qu'il veut. Il répond qu'il porte un intérêt particulier pour les îles, que fut un temps il les collectionnait. Mais là, il est venu pour acheter celle-ci, pour rendre service à une amie. le gardien répond qu'il va contacter le propriétaire, mais que celui-ci n'a pas un caractère facile et qu'il ne viendra que s'il le veut, et quand il le jugera bon.

Autre histoire indépendante de la première : le scénariste évoque les relations entre trois mutants de grande envergure, même s'ils n'ont pas de série à leur nom à ce moment. La commanditaire de Lehnsherr n'est autre qu'Emma Frost, et le propriétaire de l'île est le prince des mers. C'est donc l'occasion d'une aventure sous-marine. le lecteur sourit en voyant le calme inaltérable de Magneto, grand seigneur quelle que soit l'occasion. le prince des mers est toujours aussi impétueux, et Emma sait jouer les divas supportables. L'aventure est spectaculaire à souhait. Dessinateur et coloriste se complètent jusqu'à donner l'impression qu'il n'y a qu'un seul artiste. Pérez s'amuse bien que ce soit pour représenter une île bien verte à cette époque de la saison, et un océan qui a l'air bien froid, Magneto attendant patiemment assis devant un feu de camp, un gros monstre plein de tentacules, Magneto soulevant le navire immense par la seule force de son superpouvoir, ou encore Namor très surpris par une sorte de bernard-l'hermite qui parvient à lui enfoncer un tentacule dans la bouche. À nouveau un épisode qui fait la part belle aux personnages.

Fantomex : dessins, encrage et couleurs de Rod Reis. Il y a des décennies de cela, un savant en blouse blanche fait visiter un laboratoire à un autre scientifique : des expériences sont menées sur des foetus, tous différents. Dans ceux qui sont en train de défiler sur la bande de convoyage, ils en repèrent deux exactement identiques. le savant décide de le faire éliminer. Des années plus tard, Fantomex (Jean-Philippe) a réussi à convaincre les Howling Commandos de l'accompagner dans le dôme qui mène à l'environnement appelé le Monde. le commando se compose du caporal Dum-Dum Dugan, Robert Ralston, Gabriel Jones, Izzy Cohen, du capitaine Nick Fury, Dino Manelli, et Percival Pinkerton. Fantomex finit par se retrouver devant Ultimaton.

Jonathan Hickman revient à la création de Fantomex par Grant Morrison & Igor Kordey en 2002, en ramenant le personnage dans ce Monde dont il vient. le lecteur découvre qu'il y accomplit une mission à intervalle régulier pour échanger quelques phrases avec Ultimaton. Il découvre également qui il enrôle, un groupe différent à chaque fois, pour parvenir jusqu'à son interlocuteur. de manière inattendue, cet épisode entretient un rapport direct avec le premier. le scénariste parvient à réinsuffler une partie de l'aura de mystère entourant ce personnage, tel qu'il avait été créé. Il bénéficie de la mise en image de Rod Reis, avec qui il a raconté une aventure des New Mutants. Celui-ci réalise des planches à la forte identité visuelle : des personnages détourés par des traits encrés, et une utilisation de la couleur directe pour les autres éléments. Il sait aussi bien reproduire fidèlement l'apparence des personnages connus, que créer des visuels mêlant science-fiction et fantasmagorie à l'intérieur du Monde. Cela donne une aventure de science-fiction débridée, avec beaucoup d'actions et quelques concepts fulgurants.

Storm : dessins et encrage de Russell Dauterman, couleurs de Matthew Wilson. Ororo Munroe est toujours infectée par le virus implanté par les enfants du Coffre. Afin de la guérir, Cypher (Douglas Ramsey) et M (Money St. Croix) vont requérir l'aide de Ned, l'un des scientifiques les plus brillants de l'AIM, puis de Fantomex pour pénétrer dans le Monde.

Cet épisode vient clore la série de 5 Giant-size, ainsi que l'intrigue relative à la maladie de Storm, tout en se rattachant à l'épisode dédié à Fantomex. Jonathan Hickman se montre très habile pour boucler son intrigue de manière satisfaisante, en mettant à profit les éléments exposés et développés dans le Monde. La narration visuelle de Russell Dauterman est très propre, avec des traits fins nets et précis, et un vrai savoir-faire pour les moments spectaculaires, que ce soient les superhéros se lançant dans l'action, ou faisant usage de leurs superpouvoirs. Par comparaison avec l'épisode précédent, le lecteur constate que cette netteté dessert la représentation du chaos présent dans le monde, et que l'artiste ne sait pas trop quoi mettre en arrière-plan, ce qui n'était pas le cas de Reis.

En conclusion, la lecture de ces épisodes s'avère très agréable du fait de la qualité élevée de la narration visuelle, que ce soit Dauterman dans le premier épisode, Davis, Pérez et Reis ensuite. Les aventures sont spectaculaires et très accessibles, avec un soin apporté pour le traitement de certains personnages, comme Douglas Ramsey, Fantomex ou Magneto. le scénariste apporte une résolution au coma de Storm, sait mettre à profit des éléments de continuité des X-Men (Fantomex et le Monde), et intègre quelques touches d'humour plaisantes.